Allemagne : Martin Schulz s'inscrit à gauche pour contrer Angela Merkel

Nommé candidat officiel de la SPD ce week-end, l'ancien président du parlement européen affirme l'identité de gauche des Sociaux-démocrates avec pour ambition de détrôner Angela Merkel. Mais la tâche sera très difficile.
Martin Schulz engage le combat avec Angela Merkel pour la chancellerie.

Avec son nouveau chef de file, Martin Schulz, qui sera désigné officiellement dimanche, le parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) entend s'extirper de la déprime électorale dans laquelle il s'est enfoncé depuis 2005. La voie est désormais ouverte pour l'ancien président du parlement européen après le retrait de l'actuel président du parti Sigmar Gabriel, vice-chancelier du gouvernement de grande coalition avec la CDU d'Angela Merkel, personnage peu populaire. Or, une enquête réalisée par l'institut Infratest pour la chaîne publique ARD et publiée mercredi 25 janvier, deux jours après ce retrait, donne d'immenses espoirs à la SPD : en cas d'élection directe du chancelier, Martin Schulz et Angela Merkel ferait jeu égal à 41 % d'intention de vote. Une première depuis très longtemps.

Populaire Martin Schulz

L'ancien président du parlement européen est donc très populaire outre-Rhin. Il est vrai qu'il est en réalité peu connu en Allemagne alors qu'il a fait l'essentiel de sa carrière à Strasbourg et à Bruxelles. A n'en pas douter, il représente un vent de nouveauté dans un monde politique allemand peu mobile et qui, depuis une douzaine d'années fonctionne autour des mêmes leaders. C'est aussi le signe d'une certaine lassitude pour le long règne d'Angela Merkel, chancelière depuis douze ans, candidate à un quatrième mandat et qui, jusqu'ici, n'avait trouvé à gauche comme à droite aucun adversaire à sa hauteur.

Engagement à gauche

La percée de la popularité de Martin Schulz est aussi le signe de l'intérêt que les Allemands portent désormais à la question sociale et à celle des inégalités dans leur pays. Après plus de dix ans de disette salariale et de « réformes structurelles », beaucoup d'Allemands sont désireux de retrouver du pouvoir d'achat, des emplois stables et de réduire les inégalités croissantes du pays. Déjà, en 2013, malgré le triomphe de la CDU et ses 41,5 %, les trois partis de gauche, SPD, Verts et Die Linke avait obtenu 42,7 % et la majorité des députés du Bundestag. Mais l'alliance impossible de ces trois partis avait conduit à une solution de « grande coalition ».

Or, Martin Schulz entend faire renaître en Allemagne un vieux débat enterré de fait depuis un certain temps, le débat droite-gauche. Dans une interview à l'hebdomadaire Die Zeit de ce jeudi 26 janvier, Martin Schulz revendique son ancrage « à gauche » et ne mâche pas ses mots contre une zone euro « en partie sous contrôle allemand (...) qui mise trop sur l'épargne et pas assez sur le retour des impôts des super-riches et sur les investissements dans le social et les infrastructures ». Voilà qui tranche singulièrement avec la "Nouveau centre", le slogan de jadis de Gerhard Schröder. L'ancien président du parlement européen, qui, jadis, ne trouvait pas assez de mots durs contre Alexis Tsipras et se partageait le pouvoir avec les Conservateurs européens, lance donc une critique en règle de la politique économique et financière menée par Angela Merkel, avec le soutien de la SPD depuis quatre ans.

Ambitions de Martin Schulz

Martin Schulz a, de fait, de grandes ambitions. « La SPD doit dans la campagne prétendre à devenir le premier parti »,  explique-t-il. Il estime que les sondages actuels ne disent rien du résultat du 24 septembre prochain : « Le marché électoral est en grand mouvement. Je suis presque sûr qu'un parti peut avoir du succès en défendant une société juste pour les gens qui s'efforcent de travailler dur. » Il est clair que Martin Schulz vise la place de chancelier fédéral. Pour cela, est-il prêt à se faire le champion d'une alliance avec Die Linke et les Verts, la fameuse alliance « rouge-rouge-verte » ou « R2G » ? Il refuse de répondre, comme tous les dirigeants SPD sur le sujet, mais avec une campagne très à gauche, il ouvre cette possibilité si les Sociaux-démocrates se renforcent suffisamment.

Reconstruction

Il existe actuellement une forme d'engouement en Allemagne autour de Martin Schulz qui n'est pas sans rappeler celle autour d'Emmanuel Macron en France. Mais il faut également souligner que, pour reconquérir l'opinion, Martin Schulz commence par une profession de foi à gauche. Même au sein de la SPD, considéré en France comme l'exemple de la conversion « nécessaire » au social-libéralisme, la reconstruction est perçue comme partant de la gauche. C'est ce qui se produit également en France ou au Royaume-Uni, par exemple. Pour autant, la route vers la « Machine à Laver », comme les Berlinois appellent le siège de la chancellerie est encore long et périlleux. Car il faudra convertir la sympathie que provoque Martin Schulz en vote pour la SPD. Et rien ne sera moins facile. Et, comme pour le PS français et le Labour britannique, la construction pourrait prendre des années.

Sondages peu favorables

Les derniers sondages disponibles ont été réalisés avant la nomination officieuse de Martin Schulz. Celui de l'institut Allensbach donnait 23 % d'intentions de vote à la SPD contre 36 % à la CDU, tandis que celui de l'institut Forsa donnait 21 % à la SPD et 37 % à la CDU. Ce retard de 13 à 16 points est considérable, et, surtout, il s'appuie sur une faiblesse structurelle des Sociaux-démocrates. Depuis l'élection de 2013, la SPD n'a jamais dépassé dans un sondage Forsa les 25,7 % alors obtenu. C'est neuf points de moins que lors des élections de 2005 et quinze de moins qu'en 1998, dernier grand succès du parti.

Reconstruire un électorat

Pour faire revenir une grande partie des neuf millions d'électeurs qui ont abandonné le parti depuis vingt ans, Martin Schulz devra sans doute compter sur plus que sur sa seule popularité d'homme « nouveau ». Il devra redéfinir la fonction d'une SPD devenue pour beaucoup « inutile » politiquement, parce que, par deux fois depuis 2005, elle s'est contentée d'être une force d'appoint de la CDU, parce qu'elle a abandonné en 2002 la cause syndicale et parce que Angela Merkel a occupé en grande partie la place au centre qu'avait conquis Gerhard Schröder. Ce ne sera pas aisé, alors que la SPD a une image de parti vieilli peu attractif, peu innovant, ayant du mal à répondre aux préoccupations de la population.

Martin Schulz devra donc regagner une partie de l'électorat de gauche parti dans l'abstention ou à Die Linke, tout en regagnant les classes moyennes urbaines qui lorgnent aujourd'hui du côté des Verts et de la CDU qui, par son engagement anti-nucléaire et pro-réfugiés, les a séduit. La stratégie de l'ancien président du parlement européen serait de compter sur un durcissement du discours qu'Angela Merkel a déjà entrepris pour maintenir son électorat conservateur et son alliance avec la CSU bavaroise. Dès lors, il peut espérer que les électeurs centristes préfèrent se tourner vers la SPD. Mais les Verts pourraient aussi profiter de ce mouvement. Surtout, depuis plusieurs semaines, Angela Merkel parvient à maintenir l'équilibre entre sa droite et son centre : la CDU reste au-dessus de 35 % depuis octobre 2016.

Les Verts, facteur clé de l'après-élection

C'est donc un véritable travail d'hercule dans lequel s'engage Martin Schulz. D'autant qu'actuellement, la coalition de gauche ne dépasse pas 40 % des intentions de vote. Or, avec l'entrée probable au Bundestag du parti libéral FDP et du parti xénophobe et eurosceptique AfD, constituer cette majorité parlementaire de gauche à trois ne semble possible qu'avec une forte progression de la SPD au détriment de la CDU. Sinon, les Verts, qui viennent de nommer comme « candidats » des représentants de l'aile droite, pourrait choisir de prendre la place de la SPD comme alliés de la CDU, ce qui ne déplairait pas à Angela Merkel et lui permettrait de demeurer à la chancellerie. Les Verts ont prévenu qu'ils n'avaient plus « d'alliés naturels ». Or, les Ecologistes auront un rôle clé dans la formation de la future coalition.

Dépasser le paradoxe de la SPD

Martin Schulz va donc devoir mener une campagne agressive et combative face à une Angela Merkel qui, même moins populaire, reste un redoutable animal politique et qui est déterminée à conserver sa position. Tout se passe comme si la SPD avait en fait laisser passer le train : en 2013, il bénéficiait de la possibilité d'une alliance de gauche, avec une vraie majorité parlementaire. Il en a refusé l'idée. Quatre ans plus tard, alors que le mécontentement d'une partie des Allemands s'est transférée à l'extrême droite, notamment en ex-RDA, la SPD court après la même alliance désormais quasiment impossible mathématiquement. C'est ce paradoxe que Martin Schulz, novice en politique allemande, devra dépasser d'ici au 24 septembre.

*Graphique réalisé par Statista

Commentaires 5
à écrit le 27/01/2017 à 14:11
Signaler
Tout ça pour à la fin voter comme les partis de droite à l'assemblée européenne.

à écrit le 27/01/2017 à 11:29
Signaler
Je connais un peu les Allemands , pour avoir travailler 6 mois là-bas. Ils sont TRES conservateurs; malgré la sympathie dégagée par le bonhomme, Tati Merkel est TRES populaire , elle a tout le temps œuvré pour le portefeuille des allemands...

à écrit le 27/01/2017 à 11:00
Signaler
Voilà le représentant de cette Europe qui nous déplait de plus en plus qui a fait fuir les Anglais .

à écrit le 27/01/2017 à 0:15
Signaler
Ben, un peu comme en France, ils ne sont pas plus de gauche que de droite et inversement, mais il faut bien qu'ils trouvent quelque chose pour se démarquer. Ils ne peuvent pas tous être du même parti, même si intrinsèquement ils le sont tous :-)

à écrit le 26/01/2017 à 18:54
Signaler
Promesses à gauche, politique à droite c'est ça la social-démocratie, on connaît. Désolé d'être aussi fataliste hein, mais les faits sont là et les faits sont têtus.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.