Glyphosate : le pesticide controversé réautorisé dans l'UE pour les dix prochaines années, la France fait part de ses « regrets »

Alors que les Etats membres de l'UE n'étaient pas parvenus à se mettre d'accord sur la reconduction de l'autorisation du glyphosate, c'est finalement la Commission européenne qui aura le dernier mot. Celle-ci va en effet valider la prolongation de l'autorisation jusqu'à 2033, suivant ainsi les recommandations d'un régulateur européen. La France regrette que Bruxelles n'ait pas pris en compte ses propositions visant à restreindre l'usage de cet herbicide.
Le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides, avait été classé en 2015 comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer.
Le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides, avait été classé en 2015 comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer. (Crédits : YVES HERMAN)

[Article publié le jeudi 16 novembre 2023 à 11H30 et mis à jour à 14H07] Encore raté. Les Etats membres de l'UE ne sont pas parvenus à s'entendre ce jeudi 16 novembre, lors d'un second vote sur la proposition de Bruxelles de reconduire pour dix ans l'autorisation du glyphosate. La majorité qualifiée requise pour valider ou rejeter le texte - soit 15 Etats sur 27, représentant au moins 65% de la population européenne - n'a pas été atteinte. Peu de temps après le vote, la Commission européenne, à qui revenait de facto la décision finale, a confirmé qu'elle renouvellera l'autorisation.

« La Commission, en collaboration avec les États membres de l'UE, va maintenant procéder au renouvellement de l'approbation du glyphosate pour une période de dix ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions », a ainsi indiqué l'institution dans un communiqué publié ce jeudi matin.

Lire aussi: Glyphosate : une étude donne le feu vert au renouvellement de l'autorisation dans l'UE

La Commission propose de renouveler son feu vert jusqu'à décembre 2033. Elle suit les recommandations d'un rapport d'un régulateur européen estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d'interdire l'herbicide controversé. Pour rappel, l'autorisation actuelle du glyphosate dans l'UE, renouvelée en 2017 pour cinq ans, puis étendue d'une année supplémentaire, devait expirer le 15 décembre prochain.

Même désaccord il y a un mois

Le 13 octobre, un précédent vote des Vingt-Sept avait abouti au même résultat. Il avait aussi montré à quel point les 27 Etats membres étaient divisés sur la question. Si nombre de pays du Sud et de l'Est soutenaient la ré-autorisation, l'Autriche et le Luxembourg avaient fait part de leur volonté de voter contre.

Et, conséquence des divisions de la coalition au pouvoir à Berlin, l'Allemagne a annoncé « ne pas accepter » la prolongation de l'autorisation. Enfin, la Belgique et les Pays-Bas avaient indiqué s'abstenir. La France, première puissance agricole de l'UE, s'était abstenue.

« Cancérogène probable »

Le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides - dont le Roundup de Monsanto, très largement utilisé dans le monde - avait été classé en 2015 comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé. Selon l'agence, « des études cas-témoins d'exposition professionnelle conduites en Suède, aux Etats-Unis et au Canada ont montré des risques accrus de lymphome non hodgkinien » (un cancer du sang).

Lire aussiPremière utilisatrice de France, la SNCF abandonnera le glyphosate l'an prochain

L'OMS a dit disposer de « preuves limitées », mais les experts les ont considérées suffisantes pour alerter sur un effet cancérogène chez l'humain. Selon le CIRC, des « preuves convaincantes » montrent que le glyphosate peut également provoquer des cancers chez les animaux de laboratoire.

A l'inverse, en juillet, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a indiqué n'avoir identifié de « domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l'environnement susceptible d'empêcher l'autorisation de l'herbicide. Elle a seulement relevé un risque chez les mammifères pour la moitié des usages proposés, et reconnu qu'un manque de données empêchait toute analyse définitive.

Pour tenir compte de ces avis, Bruxelles propose quelques garde-fous, notamment avec l'établissement « par défaut » de « bandes-tampons » et des équipements réduisant les « dérives de pulvérisation », tandis que l'usage pour la dessiccation (épandage pour sécher une culture avant récolte) serait interdit. Par ailleurs, chaque Etat restera chargé d'autoriser les produits contenant du glyphosate, en fixant les règles d'utilisation selon les cultures, conditions climatiques et spécificités géographiques.

L'herbicide continuera « à être encadré » en France

La France, qui s'est également abstenue lors du vote d'aujourd'hui, « regrette » que la Commission européenne n'ait pas pris en compte ses propositions visant à restreindre l'usage de l'herbicide a indiqué le ministère français de l'Agriculture.

« La France n'est pas contre le principe du renouvellement de la molécule », nuance le ministère. Depuis des mois, le gouvernement français répète qu'il ne peut y avoir d'interdiction sans solution. En revanche, la première puissance agricole européenne « veut réduire rapidement son usage et encadrer l'utilisation de la molécule, pour en limiter les impacts, et la remplacer par d'autres solutions chaque fois que c'est possible », ajoute le ministère.

Le gouvernement avait donc demandé à la Commission d'encadrer plus « strictement les usages du glyphosate » et suggéré plusieurs propositions. L'herbicide continuera « à être encadré » en France, a indiqué le ministère. « Son utilisation sera toujours autorisée là où il n'existe pas d'alternative, et le gouvernement, à travers le plan Ecophyto (d'évaluation des substances utilisées et de recherche de nouvelles molécules, NDLR), continuera à rechercher des alternatives et à accompagner les agriculteurs », est-il ajouté.

Paris avait aussi demandé à la Commission une durée inférieure à 10 ans pour la ré-homologation du glyphosate « afin de pouvoir intégrer les compléments d'analyse (sur les effets du produit sur la biodiversité, NDLR) dès qu'ils seront disponibles ». Une proposition qui n'a pas non plus été retenue.

Les yeux tournés vers l'application de la France

La décision de la Commission a été accueillie avec consternation par les défenseurs de l'environnement.

« Greenpeace France s'indigne contre cette décision et dénonce un déni de la science », écrit l'ONG. « C'est un vrai coup dur, non seulement pour l'agriculture et l'environnement mais aussi pour la santé humaine »alerte sa chargée de campagne Agriculture, Ariane Malleret, dans un communiqué, en fustigeant également « l'abstention de la France à ce vote et son manque de courage ».

« Si la réautorisation est confirmée, nous appelons Emmanuel Macron à tenir ses promesses et à interdire sans ambiguïté sur le territoire français l'utilisation de cet herbicide mortifère pour les humains, l'environnement et la biodiversité », plaide l'association.

Pour sa part, le principal syndicat agricole, la FNSEA, « salue la décision de la commission, qui a fait le choix du respect de la science » et « a suppléé à l'incapacité et à l'absence de courage politique des Etats membres » . Il s'adresse aussi au gouvernement français, qui doit désormais définir les conditions d'application de la décision dans l'Hexagone.

Le syndicat appelle notamment « dès à présent le gouvernement à respecter l'engagement de la Première Ministre, pris au dernier salon de l'agriculture lorsqu'elle déclarait qu'"en matière de produits phytosanitaires, nous respecterons désormais le cadre européen et rien que le cadre européen" ».

(Avec AFP)

Commentaires 23
à écrit le 17/11/2023 à 9:19
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"salue la décision de la commission (qui ne nous a pas couté trop cher en plus), qui a fait le choix du respect de la science " LOL !

à écrit le 17/11/2023 à 1:15
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Pour une fois j'approuve une décision de l'UE. On allait pas se priver d'un produit que les autres nations autorisent au détriment de notre agriculture communautaire . On s'est déjà tiré une balle dans le pied pour le pétrole russe pour faire plaisir...

à écrit le 16/11/2023 à 21:57
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De quoi vient se mêler Greenpeace en France alors que l’ONG n’a rien obtenu pour l’Amérique du Nord d’où elle vient……… Quant au déni de science, un certain nombre de scientifiques sont d’abord des militants pour des causes plus politiques que scienti...

le 16/11/2023 à 23:07
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Greenpeace n est pas le sujet : les usa ont interdit le glyphosate - bien que produit par la ste américaine Monsanto aujourd’hui propriété de l Allemands Bayer- depuis plus d’une décennie car considéré comme cancérigène . Outre le risque pour les...

le 16/11/2023 à 23:07
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Greenpeace n est pas le sujet : les usa ont interdit le glyphosate - bien que produit par la ste américaine Monsanto aujourd’hui propriété de l Allemands Bayer- depuis plus d’une décennie car considéré comme cancérigène . Outre le risque pour les...

le 16/11/2023 à 23:07
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Greenpeace n est pas le sujet : les usa ont interdit le glyphosate - bien que produit par la ste américaine Monsanto aujourd’hui propriété de l Allemands Bayer- depuis plus d’une décennie car considéré comme cancérigène . Outre le risque pour les...

à écrit le 16/11/2023 à 18:19
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LOL !

le 16/11/2023 à 20:51
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les paysans ont 25% de cancers de moins que le reste de la population (agrican).

le 17/11/2023 à 8:46
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Encore une étude agro-industrielle faussée puisque la façon de vivre des paysans, à savoir sans cesse dehors, renforce naturellement leur santé par rapport à la population citadine. Hé les gars, lâchez moi vraiment hein, je connais mieux le monde pay...

à écrit le 16/11/2023 à 16:28
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Consternant, comme tout le reste dans ce pays. Nous avons le pire président en France depuis Mitterand ....politique de l autruche, dans tout ce su il touche, y compris la diplomatie...une honte pour les français...nous le payons cher, tous ses renon...

à écrit le 16/11/2023 à 15:56
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le même itinéraire que celui du DDT

à écrit le 16/11/2023 à 15:41
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( MONSANTO °. BAYER ) en effet il est venu le temps de se rebeller ! à quoi s amusent donc les parlementaires français en pantoufles ?

à écrit le 16/11/2023 à 13:53
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Sur les aspects sanitaires, on retiendra que toutes les agences de santé du monde sont au diapason, et ne jugent pas problématique l’utilisation du glyphosate, y compris bien sur les française et européenne, et quant à la position du Circ, laboratoir...

à écrit le 16/11/2023 à 13:42
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Planification écologique ânnonent-ils tous jours! La cohérence de la Commission européenne est encore une fois à marquer d'une pierre blanche😱

à écrit le 16/11/2023 à 13:23
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Bonjour, comme toujours l'ons vois la le poids des lobbys agricole et pétrochimie a la commission européenne... Honte a la France qui s'est encore fait oublier... Honte au parlementaires français.. honte a vous...ons est pour ou contre, mais a plus ...

le 16/11/2023 à 14:01
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Ils ont bon dos, les "lobbys"...et si c'était plutôt le "lobby humano-électoral", à savoir les dizaines de millions d'Européens pas disposés à payer toute leur alimentation aux prix du bio, sans compter les millions d'affamés actuels ou potentiels du...

le 16/11/2023 à 15:48
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Quand "ons vois" le niveau de certains commentaires, "ons" se dit qu'on ferait mieux de ne pas s'exprimer. Bien sûr il ne faut pas le dire...

le 16/11/2023 à 18:05
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@ reponse de Chamechaude - Certes, sauf qu'à la fin sur l'ensemble du cycle cela fini par coûter très cher à la collectivité en terme de coûts de santé ainsi que sur le plan écologique . (Cf les catastrophes en cours, et à venir de plus en plus viole...

à écrit le 16/11/2023 à 13:10
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2021 :Le cancer est l’une des grandes priorités de la Commission européenne dans le domaine de la santé. Les orientations politiques de la présidente von der Leyen mentionnent «un plan européen pour vaincre le cancer destiné à aider les États membres...

le 16/11/2023 à 13:39
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@la chose - Le cancer est une manne pour les labos, comme le diabète, les maladies cardio vasculaires, le cholestérol ...plus il y a de malades et plus les multinationales de la chimie et de l'industrie pharmaceutique (souvent les mêmes) vendront de...

à écrit le 16/11/2023 à 12:06
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Sand j aurai mon cancer je porterai plainte contre les personnes responsable du régulateur européen.. je garde cet article dans les archives glyphosate .. ils ne pourront dire on ne savait pas ou ll’ état de la science / connaissances ne permettait p...

à écrit le 16/11/2023 à 11:49
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La commission cède une fois de plus aux lobbys. La santé de leurs concitoyens n'est pas leur préoccupation.

à écrit le 16/11/2023 à 11:46
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"d'un régulateur européen " ben on est rassuré ! si un produit toxique peu continuer avec l'aide de ceux qui nous veulent du bien, ben je suis rassuré !!!!!! Et sinon finalement, la décision part d'un choix d'une personne !!!! Bon ben au moins...

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