Réindustrialisation : pourquoi le Grand Est plaît aux investisseurs étrangers

Le Grand Est accède à une surprenante troisième place parmi les régions les plus performantes dans le baromètre EY de l'attractivité de la France, derrière l'Ile-de-France et l'Auvergne-Rhône-Alpes. La région savoure la revanche d'un territoire post-industriel, bien doté en ressources foncières, et dont les habitants percevraient la réapparition des usines comme «  le retour d'un âge d'or ».
Le laboratoire pharmaceutique américain Lilly investit 160 millions d'euros à Fegersheim (Bas-Rhin).
Le laboratoire pharmaceutique américain Lilly investit 160 millions d'euros à Fegersheim (Bas-Rhin). (Crédits : DR)

Le dernier baromètre EY de l'attractivité de la France a-t-il consacré le Grand Est comme champion de la réindustrualisation ? Avec 119 projets d'investissements accueillis en 2023 pour 5.576 emplois créés, les investisseurs étrangers ont fait preuve d'un intérêt inédit pour des implantations ex nihilo ou des agrandissements d'usines existantes.

Dans ce classement publié le 1er mai, le Grand Est monte sur la troisième marche du podium derrière l'Ile-de-France (300 projets) et l'Auvergne-Rhône-Alpes (167 projets), dépassant les Hauts-de-France (110 projets). L'Occitanie (102 projets) se classe cinquième.

A l'échelle européenne, le Grand Est s'établit au neuvième rang entre deux concurrents prestigieux, la Bavière et la Catalogne. La région qui regroupe les anciennes entités administratives d'Alsace, de Lorraine et de Champagne-Ardenne devance même un puissant voisin allemand : le Land de Bade-Wurtemberg qui se classe quinzième.

Les friches, des atouts inespérés

« Nous sommes une région industrielle qui est fière et qui le revendique, avec 750 kilomètres de frontières et une place de leader dans la production d'énergie bas carbone », résume Franck Leroy, président (ex-Horizons) du Conseil régional du Grand Est. La dynamique amorcée en sortie de crise sanitaire relève pourtant d'un équilibre fragile.

Avec 18.000 hectares de friches, héritées de ses précédentes activités industrielles et de son passé militaire, le Grand Est a abordé sereinement en 2021 la mise en scène de sa phase de réindustrialisation. Le « Business Act » régional conclu avec les services décentralisés de l'Etat a établi des canaux de communication plus fluides entre les entités chargées de la promotion économique, autour de quatre priorités : environnement, numérique, industrie et santé. Les relations historiques scellées avec les pays voisins continuent de jouer un rôle de locomotive. En 2023, 26 % des projets d'investissements internationaux ont été introduits par l'Allemagne.

Extensions et projets ex nihilo

Présents en Alsace depuis les trente glorieuses, les Etats-Unis (13 % des projets) jouent aussi un rôle essentiel dans la dynamique industrielle. A Fegersheim, en banlieue de Strasbourg, le laboratoire pharmaceutique Lilly (1.100 salariés sur le site) a annoncé un réinvestissement de 160 millions d'euros pour produire un médicament contre le diabète.

Plusieurs grands projets ex nihilo ont aussi été annoncés dans le Grand Est en 2023, à l'instar d'HoloSolis à Hambach (Moselle) : ce consortium européen s'apprête à construire, pour 850 millions d'euros, la plus grande gigafactory européenne de modules photovoltaïques. L'usine sera opérationnelle en 2027.

Malmené par les velléités identitaires de l'Alsace, dont certains élus n'ont jamais digéré la fusion avec les voisins lorrains et champardennais, le Grand Est trouve dans cette dynamique industrielle un semblant de revanche, ou de consolidation. « Le classement EY démontre la pertinence des grandes régions issues de la réforme territoriale de 2014 », explique Franck Leroy. « Le Grand Est nous confère une visibilité que l'Alsace, la Lorraine ou Champagne-Ardenne n'auraient jamais obtenue, seules ».

L'âge d'or des anciennes usines

Dans ces anciens territoires malmenés par la crise et la désindustrialisation, les élus saluent l'acceptabilité sociétale des nouvelles usines. A Hambach, les consultations publiques préalables menées avant l'implantation XXL d'Holosolis n'ont pas fait de vagues dans le voisinage. « Ici, l'industrie n'est pas un gros mot », observe Franck Leroy, dont les conseillers se plaisent à rappeler « l'âge d'or » des usines lorraines ou alsaciennes au vingtième siècle, et leur présence intacte dans la mémoire de la population.

Les discours environnementaux, pourtant, sont omniprésents, comme en attestent les débats récurrents sur les mobilités. En sortie de crise du Covid, le Grand Est a mis l'accent sur son indépendance énergétique. « Nous sommes devenus la première région productrice de biogaz », rappelle Franck Leroy. « Il y a un énorme bouillonnement dans le secteur de l'énergie », confirme Vincent Froehlicher, directeur de l'Adira, l'agence publique de développement économique en Alsace. Les gisements de géothermie mis en évidence au nord de Strasbourg vont passer du stade de l'exploration à celui de l'exploitation. Le Grand Est s'apprête à accueillir à Lauterbourg (Bas-Rhin) sa première usine de raffinage du lithium. Ce projet porté par le néo-industriel Viridian mobilisera un investissement de 160 millions d'euros.

Une agence pour renaturer des friches

Quatrième région métropolitaine par sa superficie (57.400 kilomètres carrés), le Grand Est apparaît, par ailleurs, bien doté pour se jouer des contraintes de la loi ZAN (zéro artificialisation nette). Le foncier disponible en Lorraine et en Champagne-Ardenne rétablit l'équilibre face à la densité de l'aménagement du territoire en Alsace, où les grandes implantations sont devenues problématiques depuis trois décennies.

Le conseil régional, qui porte un projet d'agence territoriale de compensation, permettra aux industriels contraints d'artificialiser une emprise foncière, de procéder, en échange, à la réhabilitation de terres polluées. Dans des bassins de vie où les friches ne peuvent plus être réindustrialisées, parce que la main d'œuvre est trop faible (Meuse, Ardennes), les investisseurs pourront ainsi financer, en circuit court, des chantiers de renaturation. L'agence devrait être opérationnelle en fin d'année 2024.

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