À Illiers-Combray, le temps retrouvé de tante Léonie

Balade champêtre en Eure-et-Loir sur les traces de Marcel Proust. La maison liée à l’enfance de l’écrivain y rouvre ses portes après deux ans de travaux.
Le château de Villebon.
Le château de Villebon. (Crédits : © LTD / CONSEIL DÉPARTEMENTAL D’EURE-ET-LOIR/STUDIO MARTINO)

Son enquête l'a amené à fureter dans les placards, sous les baguettes électriques, derrière un conduit de cheminée... Et elle lui a permis de resituer la chambre de Léonie dans une autre pièce. Pour François-Xavier Richard, de l'atelier de papiers peints Offard, à Tours (Indre-et-Loire), la tante du narrateur d'À la recherche du temps perdu, l'œuvre de l'écrivain Marcel Proust (1871-1922), ne dormait pas côté jardin, mais côté rue. « La typologie des papiers peints était alors bien plus genrée : le décor très fleuri ne pouvait être que le sien, assure cet artisan détective, parvenu à retrouver puis à rééditer les motifs de l'époque. Lors de l'aménagement de cette maison-musée dans les années 1950, le machisme de l'époque a voulu que l'on attribue la plus grande chambre à "l'oncle", son mari, et la plus petite à ce personnage. » Pour François-Xavier Richard, le papier peint est un sujet éminemment proustien, « tout un univers que l'on s'invente devant des nuages ou un fouillis de feuilles et qui revient subitement des années après ».

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Marcel Proust passa des vacances de Pâques et d'été dans cette maison de 1877 à 1880. Cette vaste chambre joue un rôle clé dans son œuvre : c'est là que sa tante Élisabeth, alias Léonie, lui offrait un morceau de madeleine après l'avoir trempé dans son infusion de tilleul. Ce fameux souvenir d'enfance qui lui apparut des années plus tard en buvant une tasse de thé... Dans ce village de l'Eure-et-Loir, tante Léonie ne quittait plus son lit et observait les allées et venues des habitants depuis ses fenêtres. Le bourg s'appelait Illiers. Ce n'est qu'en 1971 que lui fut accolé le nom de Combray, celui, imaginaire, donné par Proust dans son récit.

Château de Villebon

Le salon oriental de la Maison de la tante Léonie. © LTD / CONSEIL DÉPARTEMENTAL D'EURE-ET-LOIR/STUDIO MARTINO

Du côté de Méséglise et de Guermantes

La modeste demeure bourgeoise vient d'être superbement rénovée et agrandie au terme d'un chantier de deux ans, pour un montant de 4 millions d'euros. On entre dans le petit jardin par le portail bleu surmonté de la clochette qui annonçait la visite de Swann. À l'intérieur, le parcours débute par une salle très pédagogique. « Nous nous adressons aussi bien aux aficionados qu'aux non-initiés, qui découvriront par la même occasion la façon dont vivait la bourgeoisie d'une commune rurale au XIXe siècle », insiste Jérôme Bastia-nelli, président de la Société des amis de Marcel Proust. Sa pièce préférée ? Le salon orientaliste, l'antre du mari de tante Léonie, Octave, alias Jules Amiot, qui avait voyagé et commercé en Algérie. Dans la cuisine, un plat en forme d'asperges rappelle l'omniprésence de ces légumes aux repas, qui jouaient, « dans leurs farces poétiques et grossières comme une féerie de Shakespeare, à changer [un] pot de chambre en un vase de parfum ». À l'étage, la chambre du petit Marcel se révèle telle qu'on l'imagine, son lit niché dans une alcôve et, posée sur un meuble, la lanterne magique qui permettait de projeter des images le soir...

Cette flânerie littéraire mène à l'église Saint-Jacques, où une feuille punaisée au mur indique le banc de la famille Proust. Ce charmant village de campagne conserve un air un peu désuet, entre son café à l'ancienne et ses épiceries. Près du Loir - la Vivonne sous la plume de Proust -, un chemin de halage conduit au Pré Catelan, un jardin paysager dessiné par Jules Amiot. Le petit Marcel aimait y lire sur un banc caché dans une grotte artificielle. Un sentier grimpe jusqu'à une barrière blanche ouverte sur une plaine de colza et une haie d'aubépines, celle à travers laquelle le narrateur vit apparaître Gilberte, première jeune fille en fleur du roman. C'est le côté de Méséglise - alias Méréglise -, aussi le côté de chez Swann, l'un des deux itinéraires de promenade de la famille Proust. Ces 14 kilomètres se parcourent à vélo en passant par la source du Loir à Saint-Éman, dont l'église devint celle de Saint-André-des-Champs, où s'abriter les jours d'orage.

Le côté de Guermantes menait, lui, au château de Villebon, à une quinzaine de kilomètres. Si Proust n'en franchit jamais l'enceinte, le promeneur d'aujourd'hui y découvre une spectaculaire forteresse en briques, ceinte de douves. Dans une galerie donnant sur la cour Renaissance, la copie d'un manuscrit montre la ligne où l'écrivain ratura le nom du château de Villebon, remplacé par celui de Guermantes. Fidèle à cette géographie proustienne qui superpose la réalité, le rêve et le souvenir...

Château de Villebon

© LTD / CONSEIL DÉPARTEMENTAL D'EURE-ET-LOIR/STUDIO MARTINO

PÈLERINAGES PROUSTIENS

À Illiers-Combray (Eure-et-Loir)

Les 18 et 19 mai, l'accès à la Maison de tante Léonie, lieu labellisé Maison des illustres, sera exceptionnellement gratuit pour ce week-end de réouverture. De 11 heures à 22 heures samedi dans le cadre de la Nuit des musées et de 11 heures à 17h30 dimanche.
Entrée payante à partir de lundi, 7 à 9 euros.

4, place Lemoine, Illiers-Combray (Eure-et-Loir).

Tél. : 0237243097 amisdeproust.fr/fr/musee et tourisme28.com

À Paris

Son appartement du boulevard Haussmann appartient à une banque ; celui de la rue Hamelin, où il est mort, est devenu un hôtel... Sa chambre est reconstituée au musée Carnavalet, autour du lit dans lequel il a écrit l'essentiel de son roman. Au cimetière du Père-Lachaise, des passionnés déposent sur sa tombe une tasse de thé et une madeleine.

À Cabourg (Calvados)

Marcel Proust y passa ses étés de 1907 à 1914 pour soigner son asthme. Il logeait au Grand Hôtel, où une chambre lui est consacrée. La Villa du Temps retrouvé présente, cette saison, ses dessins et une sélection de lettres, dans un décor Belle Époque.

À lire

Aux côtés de Marcel Proust - Promenades parisiennes et euréliennes, d'Anne Chevée (Art'Hist, 9 euros).

Carnet d'adresses

La Madeleine d'Illiers

Touche proustienne de ce restaurant traditionnel : des asperges sauce mousseline duchesse de Guermantes (6euros) et, aux murs, des planches de la bande
dessinée de Stéphane Heuet adaptée d'À la recherche du temps perdu.

13, place de l'Église, Illiers-Combray (Eure-et-Loir). Tél. : 0953338306. restaurantlamadeleinedilliers.eatbu.com

Hôtel Les Aubépines

Cet hôtel, dont le nom évoque ces fleurs décrites par Proust, se situe juste en face de la gare où le jeune Marcel et sa famille arrivaient en train, une ligne toujours desservie depuis Chartres (trente-cinq minutes). Chambres simples et plaisantes à partir de 92 euros.

15-17, avenue Georges-Clemenceau, Illiers-Combray. Tél. : 0237244949.
hotel-lesaubepines.com

Café de la Citadelle

Ce salon de thé éphémère investit le parc de la maison bourgeoise qui a abrité la
collection permanente de la Maison de tante Léonie durant les travaux.
Menu sucré et salé.

19, rue de Chartres, Illiers-Combray. Du vendredi au dimanche de 11 heures à 22 heures.

Office du tourisme

Location de vélos électriques, 25 euros la journée, pour pédaler du côté de chez Swann ou de Guermantes. Escape game autour de Proust, de 12 à 20 euros par personne.

Rapid Market

Une entreprise locale a concocté une madeleine de Proust exportée dans le monde entier, sous la forme d'une coquille Saint-Jacques, avec trois parfums au choix - vanille, citron, chocolat -. Cette supérette est le seul endroit du globe où le sachet de quatre est vendu moins de 10 euros, 9,90 euros, en attendant l'ouverture d'une boutique d'ici à fin 2024.

20, place de l'Église, Illiers-Combray. 
lamadeleinedeproust.fr

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