La France et l'Allemagne veulent muscler la souveraineté européenne sur fond de divergences

Aides d'État, énergie, règles budgétaires... les ministres allemand et français de l'Économie ont annoncé la mise en place de groupes de travail franco-allemands sur des projets industriels communs afin de surmonter "les difficultés techniques". Au-delà de cette volonté de coopérer, de profondes divergences demeurent en matière de politique énergétique notamment.
Grégoire Normand
Le vice-chancelier, ministre de l'Economie et du climat allemand Robert Habeck et le ministre de l'Economie français Bruno Le Maire lors d'un point presse à Bercy lundi.
Le vice-chancelier, ministre de l'Economie et du climat allemand Robert Habeck et le ministre de l'Economie français Bruno Le Maire lors d'un point presse à Bercy lundi. (Crédits : Reuters)

A l'issue d'un déjeuner au ministère de l'Economie ce lundi 7 février, Bruno Le Maire et le vice-chancelier et ministre allemand de l'Economie et du climat, Robert Habeck, ont mis l'accent sur la souveraineté européenne. Alors que le Vieux continent est fortement secoué par de vives tensions énergétiques et géopolitiques en Ukraine, l'axe franco-allemand a rappelé la nécessité d'une plus grande coopération. "Nous avons mis au cœur de la présidence française de l'union européenne (PFUE) la souveraineté européenne. Et nous nous réjouissons que la coalition allemande partage la même ambition d'une Europe souveraine", a déclaré le ministre des Finances français lors d'un point presse.

L'Allemagne qui a pris la présidence du G7 depuis le premier janvier dernier compte bien profiter de cette nouvelle responsabilité pour mettre en avant les projets de la nouvelle coalition "feu tricolore" (SPD/sociaux-démocrates, Verts, FDP/libéraux) au pouvoir depuis l'automne dernier. "Il faut que l'Europe, la France et l'Allemagne refondent leur économie. Nous devons produire sans CO2. Cela doit se traduire par un boom d'investissements. Il y a un nouveau consensus économique en Allemagne. Nous avons décidé d'un grand paquet d'investissements", a déclaré le ministre allemand après cette réunion de travail.

Des projets industriels communs

Cet objectif de souveraineté passe par plusieurs axes déterminants pour l'avenir de l'économie européenne. Le premier mis en avant par Bruno Le Maire est la construction de projets industriels communs. "Nous avons plus de projets communs depuis les deux dernières années que nous n'en avons eu depuis 30 ans. Nous sommes déterminés à poursuivre ces projets industriels communs et à en ouvrir de nouveaux" a affirmé Bruno Le Maire.

Il a cité notamment les chantiers des batteries électriques, les semi-conducteurs, le cloud, l'espace, les réseaux électriques. Pour booster la mise en œuvre de tous ces dossiers, plusieurs groupes de travail franco-allemands doivent être actés dans les semaines à venir. Le but est de faire face "aux difficultés techniques" qui pourraient survenir.

Une nouvelle doctrine économique : vers un nouveau régime des aides d'Etat et une réciprocité des marchés publics

L'autre axe sur lequel ont insisté les deux ministres est la nouvelle doctrine économique de l'Union européenne. "Nous sommes déterminés à faire bouger les lignes", a expliqué Bruno Le Maire. Sur ce point, la pandémie a profondément modifié le régime des aides d'Etat sur le sol européen. Afin d'éviter un marasme économique, le gouvernement français a volé au secours de grands fleurons industriels en faisant d'immenses recapitalisations, en accordant des prêts garantis par l'Etat (PGE) ou en passant par le chômage partiel. Ce lundi, la Cour des comptes dans un volumineux rapport de 130 pages a rappelé que l'Etat actionnaire avait déboursé entre 15 et 20 milliards d'euros rien qu'en 2020 pour venir en aide aux secteurs jugés stratégiques dans l'énergie ou les transports. Les sages de la rue Cambon ont d'ailleurs appelé à une refonte de l'Etat actionnaire. "Il y a quelques années, il était impossible d'apporter de l'aide publique à un projet industriel [...] Pendant ce temps, en Chine comme aux Etats-Unis, il y avait des aides publiques massives. Là dessus, l'Europe a évolué en nous permettant de mettre en œuvre des projets industriels communs. Ce sont les fameux PIEC, les projets d'intérêt collectifs européens. C'est une première brique. Elle est indispensable mais elle n'est pas suffisante", a poursuivi Bruno Le Maire.

Cette nouvelle doctrine doit également passer par la réciprocité aux marchés publics. L'accès au marché public est quasiment nul en Chine, aux Etats-Unis c'est 32% et en Europe, c'est 95%. Nous voulons mettre en place un instrument de réciprocité sous la présidence de l'Union européenne. "Pas d'accès au marché public européen, si nous n'avons pas accès aux marchés publics américain et chinois", a-t-il indiqué.

L'énergie au centre des divergences

Il faut dire qu'au-delà de la volonté affichée de coopérer, de profondes divergences entre les deux pays ont ressurgi dans la crise énergétique qui fait trembler toute l'Europe actuellement. Les deux ministres ont notamment annoncé l'ouverture d'un chantier important sur la connexion des réseaux électriques entre les Etats européens. Alors que les prix de l'énergie flambent depuis plusieurs mois, "nous avons parlé de la connexion des réseaux de production français et allemands", mais aussi "envisagé ce problème sous l'aspect européen", a expliqué Robert Habeck.

"Plus il y a de connexions, plus c'est intéressant au niveau macro-économique. Plus le réseau est petit, moins il y a de connexions en termes d'approvisionnement énergétique et plus on est dépendants - et donc ça coûte plus cher", a-t-il souligné. "La connectivité" des réseaux électriques européens "doit être améliorée, y compris entre la France et l'Allemagne", a-t-il ajouté. Ce dossier explosif intervient alors que la France et l'Allemagne affichent des divisions importantes. Emmanuel Macron qui pourrait annoncer la construction de six nouveaux réacteurs EPR lors d'un déplacement à Belfort jeudi prochain veut relancer la filière nucléaire et inclure cette énergie dans la taxonomie verte. A l'opposé, la coalition allemande qui a pris les commandes de l'Etat fédéral après les mandats d'Angela Merkel s'y oppose fermement.

Lire aussi 4 mnEmmanuel Macron à Belfort pour dévoiler sa stratégie nucléaire (et annoncer sa candidature?)

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 08/02/2022 à 8:15
Signaler
Oui plus ça va et plus le désamour croissant entre les nations européennes se fait jour et déjà qu'il était bien visible dorénavant il est incontournable. Ça valait la peine de nous imposer le traité de Lisbonne tiens... Les politiciens et leurs pito...

à écrit le 07/02/2022 à 19:26
Signaler
Et l'Italie ? Zappée ! l'Allemagne est la première puissance industrielle d'Eur, la Fr n'est plus QUE ! troisième. L'Italie loin devant la FR. Des partenariats doivent etre noués avec les Industries d'Italie : recherche-innovation-débouchés commerci...

à écrit le 07/02/2022 à 19:25
Signaler
Et l'Italie ? Zappée ! l'Allemagne est la première puissance industrielle d'Eur, la Fr n'est plus QUE ! troisième. L'Italie loin devant la FR. Des partenariats doivent etre noués avec les Industries d'Italie : recherche-innovation-débouchés commerci...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.