Baisse du Livret A à 0,50% en février 2020 : Bruno Le Maire défend le choix du gouvernement

Par Delphine Cuny  |   |  856  mots
Bruno Le Maire. (Crédits : Reuters)
Le ministre de l'Economie et des Finances a justifié l'adaptation nécessaire du taux de rémunération du placement préféré des Français, qui diminuera de 0,75% à 0,50% en février prochain, lors d'un colloque sur l'épargne utile organisé par la Caisse des dépôts ce mercredi.

A l'heure où les épargnants de toute l'Europe se plaignent de placements qui ne rapportent presque plus à cause des taux bas, inférieurs à l'inflation, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) organisait ce mercredi 2 octobre après-midi un colloque sur l'utilisation de cette épargne dans les territoires et sur "l'épargne utile". Le directeur général de la Caisse, Eric Lombard, a insisté en préambule sur la nécessité de revoir la rémunération du Livret A, le placement préféré des Français, dont 60% des encours sont centralisés au fonds d'épargne de la CDC pour financer le logement social essentiellement.

"L'épargne réglementée est un modèle vertueux à beaucoup d'égards, mais il est mis sous pression par l'environnement de taux bas, probablement durable. Rémunérer le Livret A à 0,75% quand le placement sans risque, l'OAT à 10 ans [l'emprunt d'Etat] est à -0,3%, coûte donc 30 centimes, est un défi. L'application de la nouvelle formule de calcul du taux dès février 2020, avec un taux plancher de 0,50%, est bienvenue. J'entends les critiques. Mais [cette application] ne devrait pas occasionner d'inflexion des comportements des ménages dans un contexte de faible rendement qui est général" a fait valoir Eric Lombard.

Le DG de la Caisse des dépôts a notamment fait allusion aux assureurs qui ont l'intention de baisser le taux de rémunération de leurs contrats d'assurance vie en fonds euro, comme Generali France (son ancien employeur) ou de dissuader les placements en fonds euro à capital garanti.

Il a calculé que pour un livret A de 4.800 euros, soit la moyenne nationale (certains ménages étant bien au-delà, au plafond de 22.950 euros), la baisse de 25 points du taux du livret "coûterait environ un euro par mois" à l'épargnant. Cette baisse du taux va permettre "un allègement des charges financières pour le logement social de 317 millions d'euros en année pleine" a-t-il ajouté.

"L'épargne réglementée restera pleinement utile pour les territoires" a déclaré Eric Lombard.

Protéger l'épargne populaire

Le Ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, qui décide du taux de ce produit phare de l'épargne réglementée, dont les encours sont au plus haut historique à 298 milliards d'euros à fin août, a également défendu cette mesure fatalement impopulaire. Le gel du taux à 0,75% en 2018 aurait représenté un manque à gagner de 3,6 milliards d'euros pour les épargnants selon l'association de consommateurs CLCV.

"Nous avons protégé l'épargne très populaire des taux bas, qui risquaient de faire avoisiner les rendements de zéro : nous avons garanti que le taux du Livret A ne descendrait jamais en dessous de 0,5% en toutes circonstances et que le livret d'épargne populaire ne serait jamais inférieur à l'inflation" a déclaré le ministre en clôture du colloque. "La nouvelle formule du taux du Livret A fournira des ressources plus compétitives pour le logement social et plus en phase avec les ressources bancaires" a-t-il mis en avant.

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"L'argent qui dort"

Le ministre a rappelé les dispositions de sa loi Pacte sur l'assurance vie et l'épargne retraite, avec la création du PER lancé lundi, un produit unique qui a permis de mettre "du jardin à la française dans notre paysage d'épargne retraite très touffu : c'est une révolution" a-t-il affirmé, espérant porter les encours d'épargne retraite de 230 milliards actuellement à 300 milliards d'euros d'ici à la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron (soit 2022).

"Nous avons engagé cette transformation de l'épargne réglementée vers l'économie active avec la loi Pacte" a-t-il assuré. "L'argent qui dort, ça suffit. Il faut mieux orienter l'épargne. Nous avons besoin de placements plus dynamiques et de sortir de l'alternative basique entre épargne réglementée avec peu de rendement ou immobilier" a plaidé le ministre.

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La députée Sophie Errante (LREM, Loire-Atlantique), la présidente de la commission de surveillance de la Caisse, a préconisé de "mieux expliquer aux Français le sens de l'épargne", racontant qu'elle entend "dans les médias, au Parlement, dans territoires, que l'épargne des Français dort, ne sert à rien".

Le chef économiste de la CDC, Yann Tampéreau, a rappelé que les dépôts à vue des Français, "un argent assez neutre et stérile pour l'économie", avaient grimpé de 380 milliards à 576 milliards d'euros depuis 2014.

"Il faut que les Français fassent un effort d'allocation de leur épargne, il fait peut-être trouver un levier extra-financier, sociétal" a-t-il estimé.

Car les Français restent peu portés sur le risque (le nombre de détenteurs d'actions en Bourse a chuté de 6 millions à 3 millions depuis 2008). Y compris en assurance vie : la remontée de la part des unités de compte (investies en actions) observée l'an dernier a été de courte durée après la chute sur les marchés fin 2018 qui a plombé les rendements.