Affaire Madoff : une filiale de Natixis condamnée à indemniser un client

Pour le tribunal de commerce de Paris, la société 1818 Gestion - dont la maison-mère est détenue par Natixis - n'a pas respecté les engagements du mandat de gestion en investissant dans Luxalpha.
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C'est une première en France. Dans un jugement prononcé le 4 février, la 6e chambre du tribunal de commerce de Paris a condamné 1818 Gestion, filiale de Banque Privée 1818, elle-même détenue à 100 % par Natixis, à payer la somme de 100.377 euros à la SAS Groupe Someg avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2009, date de l'assignation de la Someg contre les deux sociétés. En contrepartie, la Someg renonce à tous ses droits sur les 73.213 actions de Luxalpha au bénéfice de 1818 Gestion. Le tribunal de commerce a ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant toute voie de recours sans constitution de garantie.

Un mandat de gestion de 2,5 millions d'euros

Le 8 février 2008, la société a confié à 1818 Gestion un mandat de gestion d'un montant de 2,5 millions d'euros. Parmi les quatre stratégies proposées dans ce mandat, la Someg a opté pour une gestion prudente et accepté de supporter un « risque limité » comme indiqué lors de l'ouverture du compte d'instruments financiers auprès de la Banque Privée 1818, le 29 janvier 2008.

Le portefeuille devait donc être essentiellement investi en produits de taux, les actions françaises et européennes pouvant représenter au maximum 30 % dans des « placements à niveau de risque faible ». « En investissant dans Luxalpha, 1818 Gestion n'a pas respecté les conditions du mandat de gestion, estiment Nicolas Lecoq Vallon et Hélène Feron-Poloni, associés au cabinet Lecoq Vallon et conseils de la Someg. 1818 Gestion a manqué à son devoir d'information claire et non trompeuse, de vigilance, de diligence et de compétence en investissant sur ce fonds. »

Un défaut d'alerte

Pour les deux avocats, « la seule lecture du prospectus, du bon de souscription, les niveaux de rendements et volatilités affichés par Luxalpha auraient dû alerter la société de gestion sur le fait que ce produit comportait des risques et par conséquent ne convenait pas au profil de notre client ». Argument retenu par le tribunal de commerce. Considérant que la stratégie de Luxalpha reposait sur des arbitrages d'options, il a jugé que « cela relève de la gestion alternative et ne correspond pas aux opérations autorisées de l'article 6 du mandat de gestion ». De plus, investir dans une Sicav Ucits 3 (conforme à la directive européenne), dont le dépositaire (UBS) n'est pas gardien des actifs et dont le risque de défaut d'un courtier américain [Madoff, Ndlr] pèse sur les actionnaires, ne peut être considéré comme un placement à risque limité et ne correspond pas au mandat. Conclusion : le tribunal de commerce a jugé que 1818 Gestion n'avait pas respecté les engagements du mandat de gestion et l'a condamné.

De leur côté, Banque Privée 1818 et 1818 Gestion estiment que l'investissement dans Luxalpha correspond aux indications du mandat de gestion et que cette ligne ne représentait que 4,12 % du portefeuille contre 74 % pour les produits de taux. À leur décharge, elles ne pouvaient pas savoir qu'il s'agissait d'un montage pyramidal.

Un mois pour faire appel

Par ailleurs, Banque Privée 1818 souhaitait être mise hors de cause, car elle considère que l'attaque n'est dirigée que contre la société de gestion. Le tribunal l'a déboutée sur ce point. Tout comme il a débouté la Someg qui souhaitait, quant à elle, voir condamner la banque qui n'a pas défini sa catégorie d'investisseur comme l'exige la directive MIF (Marché des instruments financiers).

Banque Privée 1818 et 1818 Gestion ont un mois pour faire appel après signification de la décision. Si elles ne le font pas, ce jugement fera jurisprudence. Quoi qu'il en soit, beaucoup d'établissements ont du souci à se faire, notamment si Luxalpha se trouve dans les mandats de gestion à profil prudent.

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Commentaires 2
à écrit le 23/02/2011 à 11:33
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A suivre... Certaines Caisses de retraites se seraient laissées piéger en investissant dans des "produits Madoff", les cotisants peuvent-ils espérer voir leurs Caisses récupérer les fonds perdus par des gestionnaires un peu "laxistes" ?

à écrit le 21/02/2011 à 23:55
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j'ai moi-même perdu 20% de mon portefeuille dans le cadre d'un mandat de gestion "équilibre" auprès d'une société de gestion qui n'a pas d'activité banque. j'étais investi en luxalpha et thema. (perte 280K?) ais je une possibilité de recours à l'heur...

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