Brexit au Crédit Mutuel : un droit veto de l'organe central sur Arkéa ?

La Confédération, l’organe central de la banque mutualiste, veut faire adopter un cadre juridique à la désaffiliation du groupe régional breton Arkéa qui souhaite son indépendance. Opposée à ce divorce, elle s’estime seule décisionnaire, même en cas d’avis favorables des superviseurs bancaires. De quoi relancer la machine à contentieux.
Delphine Cuny
Le siège de la Confédération nationale du Crédit Mutuel à Paris.
Le siège de la Confédération nationale du Crédit Mutuel à Paris. (Crédits : Crédit Mutuel)

Le parallèle avec le Brexit revient tout naturellement dès qu'il est question du Crédit Mutuel Arkéa : le groupe régional brestois veut quitter le giron de l'ensemble mutualiste et les administrateurs de ses caisses locales ont voté massivement en faveur de cette sortie en mars-avril dernier. Mais rien n'est prévu pour organiser la sortie et les parties se déchirent sur les modalités et la facture du divorce. La Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), l'organe central du groupe, a donc voulu créer son propre « article 50 » en quelque sorte : elle va proposer lors de son prochain conseil d'administration lundi 18 février d'adopter une « décision de caractère général relative à la désaffiliation de caisses du Crédit Mutuel à leur demande. » L'objectif est de « poser un cadre réglementaire et éviter une désaffiliation désordonnée » indique une source proche de la Confédération, qui ne doute pas d'obtenir la majorité.

« Avec ce projet de décision de caractère général, la Confédération reconnaît enfin le principe même du droit à désaffiliation de chacune des caisses locales du groupe Arkéa » a réagi le groupe breton. Et d'ajouter que « s'agissant des conditions de désaffiliation, la CNCM ne peut se doter de pouvoirs excédant ceux prévus par la loi. »

Car la Confédération n'est pas tout à fait dans l'optique de la main tendue. Ce texte qui aura la force d'un « règlement au sens administratif » selon elle, lui donne la « compétence exclusive » sur la décision de désaffiliation. Elle estime que « seule la Confédération peut prononcer la désaffiliation d'une caisse de Crédit Mutuel », selon l'article 1er de ce texte que la Tribune a pu consulter.

Qui aura le dernier mot ?

La Confédération reconnaît qu'elle ne dispose « pas d'un pouvoir absolu de refuser » une désaffiliation mais assure qu'elle doit simplement motiver son refus « par des raisons d'intérêt général », plus précisément « les intérêts essentiels du groupe Crédit Mutuel. » Or elle n'a cessé de réaffirmer qu'elle s'oppose à ce projet de sortie d'Arkéa  jugé « risqué. »

La procédure de désaffiliation prévoit qu'il revient à la caisse souhaitant se désaffilier de déposer son projet d'indépendance à la CNCM qui ensuite autorisera ou non la consultation des sociétaires en assemblée générale extraordinaire. En cas d'approbation à la majorité des deux tiers en AGE, le conseil d'administration de la Confédération statue dans les deux mois, sur les « conditions définitives » de la sortie, dont « la date effective de la désaffiliation » et « le montant de l'indemnité » devant être versée à sa Caisse centrale.

En clair, la CNCM ne validera la procédure de divorce que si le projet répond à ses demandes d'indemnités financières élevées (1,7 milliard d'euros soit quatre ans de résultat net d'Arkéa !). A la fois juge et partie, la CNCM n'a pas prévu dans sa procédure de faire appel à une évaluation extérieure, indépendante, de la facture de sortie. A l'heure de la banque mobile et de la fréquentation en berne des agences, la Confédération justifie ses prétentions financières par son besoin de reconstruire un réseau de 150 caisses en Bretagne et dans le Sud-Ouest, les deux fédérations d'Arkéa voulant leur indépendance.

S'il assure ne pas se placer « dans une posture de blocage », l'organe central affirme qu'il aura le dernier mot, même après l'avis de la Banque centrale européenne (BCE) et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, adossée à la Banque de France) sur la viabilité d'un Arkéa en solo.

« L'avis des autorités de supervision ne vaut pas agrément. Si les autorités de supervision donnent un avis favorable au projet d'Arkéa et la Confédération un avis négatif, Arkéa ne sort pas. Il appartiendra à Arkéa de déposer un recours devant un juge administratif en excès de pouvoir par exemple » affirme une source proche de l'organe central.

Une sorte de droit de veto. Arkéa peut aussi saisir le Conseil d'Etat pour contester la validité de cette décision qui sera votée lundi prochain, mais sans garantie d'en obtenir la suspension de son entrée en vigueur prévue le 21 février. Le texte prévoit aussi qu'une caisse ne peut déposer de nouvelle demande de désaffiliation pendant trois ans...

Delphine Cuny

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