La nouvelle régulation bancaire met-elle en péril le financement de l'économie ?

La Commission des finances du Sénat a invité plusieurs responsables dont François Pérol, patron de BPCE, et Andrea Enria, président de l'EBA, pour en discuter. Les intervenants se sont montrés rassurants
Pour François Pérol, "Les banques vont être contraintes de faire des choix stratégiques forts" - Photo : Reuters.

La nouvelle régulation bancaire en cours d?élaboration est-elle une chance pour l?économie ou au contraire la source de tous les maux que l?on connaît actuellement ? Les régulateurs ont-ils pris en compte les bons critères pour améliorer la sécurité des banques ou ont-ils plutôt joué aux apprentis sorciers ? La nouvelle donne stratégique que ces nouvelles normes vont insuffler n?est-elle pas, finalement, une aubaine pour tous les établissements bancaires ? Conscient des nombreuses questions que pose la mise en place des recommandations de Bâle III, le Sénat organisait ce matin une table ronde pour tenter d?apporter quelques réponses. Pour ce faire, la Chambre Basse, sous l?impulsion de Philippe Marini président de la commission des finances, avait invité plusieurs personnalités dont Andrea Enria, le patron de l?EBA (l?Autorité bancaire européenne), mais aussi François Pérol, président du directoire de BPCE ou Danièle Nouy, secrétaire générale de l?ACP (Autorité de contrôle prudentiel).
D?une manière générale, les intervenants sont unanimes pour convenir que la crise financière de 2008 a bel et bien mis en évidence l?indispensable réforme des normes prudentielles bancaires et ce, de façon à garantir la solvabilité du système financier mondial. Les avis divergent, toutefois, lorsque l?on en vient à la nature de ces garanties et leur mode de fonctionnement. Pour Danièle Nouy, le ratio de liquidité, n?ud gordien de la réforme en cours, a été mal calibré et souffre d?une définition trop limitée. Conséquences : si les entreprises peuvent encore normalement espérer financer leur développement grâce à des soutiens bancaires, il n?en va pas de même pour les collectivités locales dont les besoins à long terme sont clairement menacés. « Les banques sont en train de revoir leur modèle économique. Pour autant, même si les coûts risquent d?augmenter, ces établissements seront plus solides et continueront bel et bien de financer les ménages et les entreprises », soutient la responsable de l?ACP.

« Les banques vont être contraintes de faire des choix stratégiques forts »

Pour François Pérol, les nouvelles règles en préparation vont indéniablement transformer la banque de demain. « Il va falloir faire des choix stratégiques forts », convient-il. Au sein de son groupe bancaire il a d?ailleurs déjà commencé la mutation en privilégiant les activités tournées autour du client, français de préférence, tout en se désengageant de celles pour compte propre. Le numéro un de BPCE reconnaît volontiers que la réduction des bilans va limiter les effets de levier et augmenter les coûts de ressources. Coûts que la banque sera bien obligée de répercuter. Pour autant, le groupe a prévu de maintenir ses encours de crédits vis-à-vis des collectivités locales en dépit des difficultés que ces positions ne vont pas manquer de provoquer. « Les collectivités locales sont des clients historiques. C?est la raison pour laquelle nous allons continuer de les accompagner. Cependant, il faut des ressources longues pour faire face à leurs besoins de long terme. Et c?est là que le bât blesse », a précisé le numéro un de BPCE ajoutant qu?il ne sait pas encore si ces positions pourront être tenues ad vitam aeternam et de militer pour la création d?une agence de financement, sans la garantie de l?Etat, qui pourrait se substituer aux établissements jusqu?ici présents sur ce segment, à commencer par Dexia dont les activités de financement vis-à-vis des collectivités locales sont aujourd?hui réduites à leur plus simple expression.

Et de recommander également une mise en ?uvre « fine » de ces nouvelles normes, avec notamment des coussins de liquidité plus étoffés que prévu, coussins qui intégreraient, au-delà du cash et des obligations souveraines, une liste d?actifs plus étendus. L?homme fort de BPCE a d?ailleurs dit préférer une mise en oeuvre plus rapide avec des règles plus souples qu?un calendrier plus lointain avec des règles plus strictes. « Ce qu?il faut surtout, c?est une harmonisation maximale entre tous les régulateurs », a-t-t-il enfin affirmé redoutant une surenchère stérile et contreproductive de la part des différents organes prudentiels.

Il ne faut pas diaboliser les marchés financiers

Quant à la séparation des métiers, il semble que tout le monde soit plus ou moins d?accord sur ce sujet. Pour Danièle Nouy, cette dichotomie n?a pas empêché le scandale du hedge fund LTCM en son temps. Pour elle, il est surtout indispensable de réguler toutes les activités de marché. Sentiment partagé par Andrea Enria qui estime que la régulation doit être la même pour tout le monde et qu?il faut rejeter à tout prix le « shadow banking », ces activités bancaires de l?ombre facilitées par la désintermédiation. Pour François Pérol, « rien ne remplacera une bonne supervision et la séparation des métiers est loin de lever tous les risques ». « Il faut surtout tenir compte des spécificités de chaque pays et ne pas prendre pour argent comptant les idées des autres », ajoute-t-il précisant que les projets Vickers en Grande-Bretagne ou Volcker aux Etats-Unis ne sont pas adaptés pour la France.
Quant à la diabolisation des banques et des marchés financiers, le numéro un de BPCE l?explique volontiers : « trois raisons à cela : les incertitudes règlementaires, la faiblesse de la zone euro, devenue anxiogène, et le retrait des financements en dollars ». Pour lui, ce regard est en train d?évoluer car les banques s?adaptent à ce nouveau contexte. Et même si elles vont clairement remettre le client au centre de leurs préoccupations, il ne faut pas pour autant déprécier le rôle des marchés financiers. « Tout le monde en a besoin, que ce soit les états, les entreprises, les collectivités locales qui peuvent y avoir accès ou les épargnants ».
Le sujet n?est certes pas clos. Et certains amendements seront sûrement encore introduits d?ici à la mise en ouvre effective de toutes ces nouvelles normes prudentielles. En attendant, la Commission des finances du Sénat a prévu d?entendre le commissaire européen Michel Barnier le 6 mars qui présentera son rapport sur la séparation des métiers bancaires. Rapport attendu avec impatience par toutes les parties prenantes.
 

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