Finance durable : les républicains relancent la bataille de l’ESG au Congrès américain

Aux Etats-Unis, une majorité au Congrès s’oppose à un texte du ministère du Travail permettant aux fonds de pension de prendre en compte des critères ESG dans leurs décisions d’investissement. Pour le camp républicain, l’ESG relève de l’idéologie. Mais la Maison Blanche pourrait mettre son veto au texte anti-ESG des parlementaires républicains, aidés par quelques transfuges démocrates, élus dans des états miniers. Outre-Atlantique, la finance durable a du mal à décoller alors qu’elle s’impose de plus en plus comme une norme en Europe.
Le Congrès américain s'oppose au développement de la finance responsable.

Les sénateurs républicains, aidés par deux sénateurs démocrates, ont bloqué un texte du ministère du Travail permettant aux gestionnaires des fonds de pension d'inclure dans leur stratégie de gestion des critères ESG. Bref, de faire tout simplement de la finance durable, comme c'est devenu aujourd'hui (presque) la norme en Europe. Et comme la Chambre des représentants (dans laquelle les républicains sont majoritaires) a adopté un texte similaire, le président Joe Biden devrait utiliser, pour la première fois, son droit de veto pour empêcher le Congrès de limiter les investissements responsables dans les fonds de pension.

Le texte du ministère du Travail visait à annuler un édit de l'ère Trump qui obligeait les gérants à ne retenir que des critères financiers dans leurs décisions d'investissement. Ce qui en soit semblait difficile à appliquer.

Cette bataille de l'ESG aux Etats-Unis n'est pas nouvelle. Le camp conservateur a toujours combattu l'idée même de la prise en compte de critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance dans la gestion des entreprises et dans la gestion d'actifs. Le représentant républicain Andy Barr, auteur du texte visant à empêcher la promotion de l'investissement durable, estime que le gouvernement était en train de « politiser » les fonds de pension, et mettait donc les retraites des Américains « en danger ».

Pour ces républicains, la défense du climat relève avant tout d'une posture « idéologique ». Un avis donc partagé par des élus démocrates, dont Joe Manchin, élu de l'Etat minier de Virginie-Occidentale, connu pour torpiller les ambitions climatiques de la Maison Blanche au Congrès.

Listes noires

Déjà plusieurs Etats conservateurs avaient déjà dressé des listes noires de gestionnaires d'actifs qui revendiquaient une volonté de promouvoir une finance plus responsable. Même le numéro un mondial de la gestion BlackRock n'en a été victime en... Virginie Occidentale, qui boycotte aussi au passage la plupart des grandes banques américaines, accusées de ne pas aimer le charbon américain.

Le Texas aussi a publié sa liste noire de banques et gestionnaires d'actifs qui ne peuvent donc plus gérer d'actifs pour le compte des fonds de pension de l'Etat, ni d'ailleurs assurer l'émission d'obligations municipales. Curieux pour un Etat certes profondément pétrolier mais également devenu, avec la Californie, le premier investisseur dans les énergies renouvelables ! Quant à l'Etat de Floride, patrie de Ron DeSantis, considéré comme le candidat républicain le plus sérieux à la présidentielle de 2024, il a retiré quelque 2 milliards de dollars placés chez Black Rock, dont le patron, Larry Fink, est pourtant l'ardent défenseur du capitalisme américain.

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Tendance lourde

Ces querelles pourraient prêter à sourire si ce n'est qu'elles pourraient tuer dans l'œuf le développement de la finance durable aux Etats-Unis. C'est d'ailleurs ce que visent les conservateurs. Aujourd'hui, les encours ESG sont anecdotiques outre-Atlantique alors qu'ils dépassent les 20% en Europe. Et avec la guerre en Ukraine, la production d'énergies fossiles est (re)devenue une priorité stratégique, y compris en Europe d'ailleurs.

Dans ce contexte, le climat passe au second plan et les grandes gestions américaines se montrent très prudentes dans leurs déclarations, notamment sur leur politique de vote en assemblée générale. A cela s'ajoute le bruit autour de l'intérêt ou de la réalité des engagements pris par les acteurs financiers en matière de climat. « Les tendances sont lourdes et l'industrie du pétrole est une industrie en déclin. Les critères ESG vont finir par s'imposer d'eux-mêmes, y compris aux Etats-Unis », veut cependant se rassurer un responsable, basé aux Etats-Unis, d'une société de gestion française.

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