Paiement mobile : les nuages s’accumulent sur Apple Pay

La Commission européenne serait prête à lancer ses sanctions à l’encontre d’Apple Pay, avant même la mise en œuvre des prochaines directives sur les services numériques. Le litige est aussi vieux que le service de paiement mobile lui-même : Apple refuse en effet l’accès à ses iPhones à tout autre service de paiement mobile qu’Apple Pay. Une sanction éventuelle pourrait remettre en cause le modèle d’Apple alors que le géant est déjà l’objet d’attaques aux États-Unis. Les banques américaines elles-mêmes commencent à se rebeller sur le niveau de commission imposé par Apple Pay.
Apple est dans le collimateur des autorités européennes pour des pratiques jugées anti-concurrentielles, notamment dans le domaine des paiements.
Apple est dans le collimateur des autorités européennes pour des pratiques jugées anti-concurrentielles, notamment dans le domaine des paiements. (Crédits : Dado Ruvic)

Avis de gros temps sur l'application de paiement mobile Apple Pay. Et les menaces planent des deux côtés de l'Atlantique. Côté européen, c'est la Commission européenne qui a finalement décidé, après quelques atermoiements, de frapper, et fort.

Selon l'agence Reuters, l'exécutif européen envisage en effet de lancer une procédure à l'encontre d'Apple pour entrave à la concurrence. Le problème est connu : Apple, au nom de la sécurité des données personnelles, refuse d'ouvrir la puce sans contact NFC, et par extension la fonction « tap and go », de ses iPhones à d'autres applications de paiement autre que Apple Pay.

Ce blocage, régulièrement dénoncé par les banques européennes comme une concurrence déloyale, un avis partagé par l'autorité européenne de la concurrence, est au menu de la prochaine directive européenne Digital Market Act. Mais sa mise en œuvre n'est pas prévue avant deux ou trois ans.

Position dure de la Commission

Apparemment, la Commission, qui n'a pas réagi aux informations de Reuters, souhaite bousculer le calendrier législatif. En juin dernier, elle avait déjà ouvert plusieurs enquêtes sur des soupçons de pratiques anticoncurrentielles, ce que conteste formellement Apple. La vice-présidente de la Commission ; Margrethe Vestager, en charge de la concurrence, semble même concentrer ses attaques sur le refus d'Apple d'ouvrir son antenne NFC.

Ces accusations interviennent alors que les autorités antitrust néerlandaises se penchent également sur Apple Pay sur cette même question. En France, les autorités préfèrent attendre que le problème se résolve de lui-même avec la directive. Toujours selon Reuters, la Commission pourrait adresser à la compagnie son acte d'accusation dès l'an prochain. Avec, à la clé, une amende pouvant représenter jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires mondial. Soit 27 milliards de dollars !

Mais, au-delà de l'amende, c'est bien tout le modèle d'Apple dans les paiements et au-delà pour créer un écosystème propriétaire qui pourrait être remis en cause si l'Europe forçait le géant de Cupertino à ouvrir sa technologie au nom de la libre concurrence. Ainsi, en France, les utilisateurs d'iPhones pourraient utiliser le service interbancaire de paiement mobile Paylib, ce qu'ils ne peuvent pas faire aujourd'hui. Mais, c'est également toute la chaîne du paiement qui pourrait profiter de l'ouverture du système Apple, les prestataires informatiques ou de services, les fintechs...

Nouveau front aux États-Unis

Cela pourrait notamment avoir des conséquences outre-Atlantique, suite notamment à la bataille entre Apple et Epic Games qui a finalement contraint Apple à ne plus imposer son système de paiement aux éditeurs de jeux présents dans son App Store. Un nouveau front vient d'ailleurs de s'ouvrir aux États-Unis, selon le Wall Street Journal. Plusieurs grandes banques américaines mettent en effet la pression, du moins indirectement, sur Apple pour modifier la clé de répartition des commissions sur les transactions via Apple Pay, jugée trop favorable à l'empire de la Pomme.

Pour éviter une bagarre frontale, les banques se reportent sur Visa, principal scheme américain, indispensable passerelle entre les banques et Apple Pay, pour négocier les changements et faire baisser le niveau de commissions que payent les banques à Apple pour les transactions sur son application mobile. Selon le quotidien américain, cette commission serait de 0,15% sur chaque transaction. Pourtant, les banques ne payent aucune commission au service rival Google Pay. Autre avantage pour Apple, ce dernier se réserve le droit d'accepter ou non les banques émettrices qui souhaitent proposer le service Apple Pay. C'est pourtant contraire à la politique défendue par Visa ou MasterCard.

Le niet d'Apple

L'idée avancée pour réformer le système est que les banques ne payent qu'une fois cette commission sur les paiements récurrents, du type abonnement à un service. Pour l'heure, Apple a émis une fin de non-recevoir, sûr de sa position de force. « Nos partenaires bancaires continuent de voir les avantages de fournir Apple Pay et investissent dans de nouvelles façons de mettre en œuvre et de promouvoir Apple Pay auprès de leurs clients », a déclaré Apple au Wall Street Journal.

Pourtant, Apple et ses iPhones sont loin d'afficher des positions dominantes à la fois sur les smartphones et sur le paiement mobile. Selon des études concordantes, Apple Pay reste encore peu utilisé par des utilisateurs d'iPhones. Mais, dans un monde des paiements où tout bouge très vite, nombreux sont ceux qui estiment qu'Apple sera le premier bénéficiaire, compte tenu de sa notoriété, de son écosystème et du profil plus « haut de gamme » de ses clients, du boom à venir du paiement mobile, notamment dans le secteur des services.

Une bataille larvée

C'est pourquoi les banques américaines (c'est moins le cas en Europe) se sont très vite bousculées pour nouer des partenariats avec Apple lors du lancement de son service Apple Pay, en 2014, et malgré un décollage très poussif du service. Mais, aujourd'hui, elles déchantent sur les performances d'Apple Pay, d'autant que les offres de paiement mobile se multiplient.

Ce nouveau différend qui s'annonce reflète également la guerre sourde que se livrent les banques et les géants de la technologie dans le domaine des paiements, mais aussi des services financiers. Apple ne cesse ainsi de lancer des galops d'essai dans le pré-carré des institutions financières, comme le crédit à la consommation (Apple Card) ou le conseil financier.

Finalement, il aura fallu presque huit ans pour les banques ou les autorités ne réagissent aux volontés monopolistiques d'Apple. Ce dernier conserve néanmoins un atout dans sa manche, et de taille : sa volonté de défendre mordicus les données personnelles de ses clients. C'est devenu sa marque de fabrique. Et, aujourd'hui, face à ses concurrents du web ou aux banques, cela vaut de l'or.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2021 à 16:20
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Objectivement, 27 milliards sont une petite paille non ?

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