L'Europe de l'Est, réservoir de rentabilité pour Société Générale

Après s'être désengagé de près d'une dizaine de pays d'Europe de l'Est, le groupe français s'est recentré sur trois marchés où il occupe une position stratégique et affiche une croissance rentable.
Le siège de Komercni Banka, près de Prague. La banque, aux mains de la SocGen, affiche une rentabilité de 25 %.
Le siège de Komercni Banka, près de Prague. La banque, aux mains de la SocGen, affiche une rentabilité de 25 %. (Crédits : Petr Solar)

De vastes open spaces et des murs jonchés de Post-it de toutes les couleurs. Des cuisines ouvertes et des espaces conviviaux en guise de salles de réunion. Un bâtiment économe en énergie et une dizaine de ruches sur le toit. La visite du nouveau siège de la banque Komercni Banka (KB), situé à Stodulky en périphérie de Prague, tranche avec celle de son siège historique, qui abrite un dédale de couloirs, un hall Art déco et même un pater-noster, ces ascenseurs perpétuels très répandus au XIXe siècle faits d'une chaîne de cabines ouvertes dans lesquelles les passagers montent ou descendent sans qu'ils ne s'arrêtent.

Un succès indéniable

Le bâtiment hypermoderne qui accueille chaque jour quelque 2500 employés est le vaisseau amiral de Komercni Banka, la troisième banque de la République tchèque avec près de 350 agences et 7200 collaborateurs, mais dont peu d'habitants savent qu'elle est aux mains d'un grand groupe français. « Société Générale a acquis 60 % du capital de KB en 2001. C'était à l'époque une banque publique. C'était une banque old school. À la suite d'énormes efforts de transformation, elle est devenue un exemple en termes de vélocité et d'agilité. KB est le succès le plus indéniable de notre stratégie de développement à l'international », vante Philippe Heim directeur général délégué de Société Générale, notamment chargé des activités de banque de détail à l'international.

L'acquisition de KB en 2001 est le fruit d'une politique de croissance impulsée par Société Générale au début des années 2000. « Le groupe avait besoin de grossir, nous étions trop petits. C'était le ressenti peu après l'OPA de BNP sur Société Générale en 1999 », raconte Philippe Heim. Commence alors une période d'acquisitions frénétiques pendant laquelle la banque pousse ses pions en Europe de l'Est. Mais cette stratégie de croissance externe se heurte à la crise financière de 2008, empêchant Société Générale d'obtenir une taille critique dans ces marchés.

« Notre présence est pertinente lorsqu'on détient au minimum 7 à 8 % de parts de marché », estime Philippe Heim. La banque de la Défense mise alors sur le développement de synergies entre les différents pays. C'était sans compter la complexité balkanique. « Ce sont des pays qui ont trois religions différentes. Qui ont une langue commune, mais qui s'écrit différemment », rappelle Philippe Heim.

Le groupe bancaire se résigne et cherche des repreneurs. Depuis deux ans, Société Générale est sortie d'une dizaine de pays (Pologne, Serbie, Slovénie, Macédoine, Bulgarie...) pour concentrer ses efforts sur trois marchés porteurs où elle occupe une position stratégique : la République tchèque avec KB, la Roumanie avec BRD et la Russie avec Rosbank.

En République tchèque, par exemple, Komercni Banka compte 1,6 million de clients dans un pays qui dénombre à peine plus de 10 millions d'habitants, souligne Jan Juchelka, son directeur général. KB, qui s'apprête à célébrer sa trentième année d'existence, est une banque universelle et détient 18 % de parts de marché auprès des particuliers et 30 % auprès des entreprises. Elle affiche une santé insolente avec des revenus en hausse de 4,4 % et une rentabilité de 25 %, contre 12 % pour la banque de détail en France.

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Plus largement, « les activités de Société Générale en Europe de l'Est ont contribué à hauteur de 19 % au résultat du groupe en 2018, soit 838 millions d'euros, contre seulement 280 millions quatre ans auparavant », souligne Giovanni-Luca Soma, directeur des réseaux bancaires internationaux pour l'Europe et patron des activités de Soc Gen en Russie.

Si cette région constitue un véritable réservoir de croissance et de rentabilité pour Société Générale, c'est notamment parce que son contexte monétaire et économique n'a rien à voir avec celui de la zone euro. Alors qu'en France, la banque ne bénéficie pas des effets de volumes sur les crédits en raison des taux bas (directement liés à la politique monétaire accommodante que poursuit la Banque centrale européenne), c'est tout le contraire en République tchèque où les revenus de marge d'intérêt (c'est-à-dire la différence entre le taux auquel la banque prête et le taux auquel elle se refinance) sont en nette progression.

Le virage digital

Pour renforcer sa présence en patchwork à l'Est, où elle ne dispose désormais que de quelques îlots de relais de croissance rentable indépendants les uns des autres, Société Générale n'envisage pas de nouvelles acquisitions.

« Elles s'accompagneraient de trop lourdes transformations », juge Philippe Heim. En revanche, Soc Gen mise sur le digital et réduit, en parallèle, la voilure de son réseau physique, comme en France. Chaque année, depuis 2018, KB ferme ainsi une vingtaine d'agences. « Chez KB, plus de 90 % des interactions réalisées par les clients avec la banque se font en ligne. Le nombre d'utilisateurs mobiles a grimpé de 35 % en un an et notre appli bancaire compte désormais 704000 utilisateurs », se félicite Jan Juchelka.

Lire aussi : Comment Société Générale réinvente ses agences à l'heure du digital

Pour gagner du terrain et répondre au mieux aux besoins des clients, la filiale tchèque a aussi adopté une nouvelle organisation du travail. 1500 collaborateurs (soit 40 % du nouveau siège) travaillent en « tribus ». Il s'agit de casser les niveaux hiérarchiques pour gagner en agilité et lancer rapidement de nouveaux produits sur le marché. L'enjeu consiste aussi à séduire et retenir les salariés dans un pays de plein-emploi, avec un taux de chômage inférieur à 2 %, et où les salaires ont augmenté en moyenne de 9 % l'an dernier.

Infographie H304, Socgen, pp22

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