Défense : des milliards d'économies grâce à la mutualisation des équipements ?

La directrice exécutive de l'Agence européenne de défense (AED), Claude-France Arnould, estime que l'Europe pourrait économiser près de 10 milliards d'euros si elle mettait en commun le spatial, les véhicules blindés et les frégates.
Ravitaillement en vol d'un chasseur F16 de l'armée de l'air australienne par l'A330 MRTT (Multi Role Transport Tanker) Copyright Reuters

Mutualiser, mutualiser, mutualiser... En période de contraintes budgétaires fortes, la mutualisation des équipements militaires entre pays européens apparait comme la nouvelle martingale. La directrice exécutive de l'Agence européenne de défense (AED), Claude-France Arnould, a ainsi estimé devant la commission des affaires étrangères et de la défense dy Sénat,  que "si nous nous mettions ensemble au niveau européen, nous pourrions faire 1,8 milliard d'euros d'économies dans le spatial, 5,5 milliards dans les programmes de véhicules blindés, et 2,3 milliards sur dix ans pour les frégates". Sans oublier le projet le plus avancé, celui des avions ravitailleurs. Ce programme est d'ailleurs le projet phare de l'AED. Après les lacunes observées lors de l'opération Harmattan en Libye, l'Europe dispose de vrais atouts opérationnels avec l'Airbus A330 MRTT, qui représente une solution européenne, et l'A400M pour le ravitaillement tactique.

Code de bonne conduite

Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui a participé en novembre à un comité directeur de l'AED, a engagé la signature de la France aux côtés de la Belgique, de l'Espagne, de la Grèce, de la Hongrie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Pologne, du Portugal et de la Norvège pour que l'Europe se dote d'ici à 2020 d'une capacité commune d'avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT). Le 13 décembre, 26 pays membres de l'AED ont indiqué qu'ils allaient systématiquement passer en revue leurs programmes en vue de favoriser dans le cadre d'un code de bonne conduite le "pooling and sharing" (union et partage) des capacité de défense dans leurs prochains achats.

"Le code de conduite peut être un vrai tournant", a assuré Marie-France Arnould. Et d'expliquer qu'une "des idées intéressante qui peut déclencher un véritable engagement est de dire que l'on accorde un plus haut degré de protection contre les coupes budgétaires aux programmes menés en coopération européenne. En d'autres termes, si tel pays doit pour des raisons économiques faire des coupes dans son budget de la défense, il ne met pas en difficulté les autres pays. Une autre idée intéressante, me semble-t-il, est que l'on réinvestisse les économies réalisées à travers la coopération, notamment dans la recherche et technologie de défense européenne".

Vers la mutualisation des télécoms militaires

Astrium Services a récemment signé un accord-cadre de trois ans avec l'AED avec pour objectif de fournir au meilleur prix des communications non sécurisées aux armées de cinq pays (France, Italie, Pologne, Roumanie et Royaume-Uni). Un petit test qui permettra de passer à la vitesse supérieure très prochainement. Car lescinq pays européens, qui disposent déjà de leur propre infrastructure de télécoms militaires - France, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie et Espagne -, doivent décider de systèmes de nouvelle génération entre 2017 et 2025. "Le spatial militaire n'a pas très bien marché, alors que c'est très important aussi : il nous faut par exemple préparer la prochaine génération de moyens de communication satellitaire", a fait valoir Marie-France Arnould.

En France, les mentalités commencent aussi à changer. Pour les satellites, en matière de télécommunications, nous sommes dans une problématique de renouvellement, a récemment expliqué le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud. Les Britanniques ont l'expérience de l'externalisation puisqu'ils ont déjà renouvelé une fois leurs satellites et sont en train de négocier leur troisième contrat. Donc, on sait par expérience que l'externalisation coûte moins cher. C'est en conséquence une voie sur laquelle il convient de s'engager". Chez les industriels, on reste prudent. "C'est facile d'avoir aujourd'hui ce discours car le temps des décisions est encore très, très loin", explique-t-on.

La mutualisation, une auberge espagnole ?

Jusqu'où peut aller la mutualisation des matériels de défense entre les différentes armées européennes ? Pour le ministre de la Défense, la mutualisation est plus que jamais l'une des pistes pouvant nous permettre de résoudre l'impossible équation entre la situation géostratégique et la situation budgétaire. Selon Jean-Yves Le Drian, elle est opportune dans un contexte de réduction des budgets de la défense. Il avait d'ailleurs précisé sa stratégie début octobre à l'Assemblée nationale : "nous devons poursuivre le nôtre (réduction du budget, ndlr) tout en favorisant le partenariat avec nos partenaires européens. C'est à cette seule condition que notre défense sera en mesure de répondre aux menaces futures. En effet nous ne pourrons pas y arriver tout seul, nos voisins non plus".

En revanche, le chef de l'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, est plus que mitigé sur le concept. "La notion de mutualisation capacitaire est une auberge espagnole, comme le pooling and sharing ou la smart defence, avait-il expliqué mi-octobre à l'Assemblée natuonale. Si j'y suis extrêmement favorable, je suis aussi très prudent. Avant de mutualiser, il faut avoir un accès garanti, ce qui relève du politique, et très bien connaître l'autre, pour ne parler que du bilatéral". Pour l'amiral Guillaud, il est aussi "plus facile politiquement et diplomatiquement de mutualiser des capacités de défense ou de résilience que des capacités offensives". Dans ce contexte, la France travaille avec l'Allemagne en vue de "rapprocher les services de santé". "D'autre part, il est plus facile à deux pays de la même taille de mutualiser, avait rappelé le chef d'état-major des armées. Enfin, il existe des stratégies de niches, comme en développent les Néerlandais ou les Danois". Et de conclure, "la mutualisation n'est pas la panacée, mais seulement un outil parmi d'autres".

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Commentaires 18
à écrit le 18/02/2013 à 14:36
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Pour avancer de tels chiffres, il faudrait que l'AED ait des bases solides ainsi qu'une légitimité établie sur des réussites. Pour le moment la mutualisation qu'elle met en place ne touche que des capacités ancillaires (protection, énergie, catering....

à écrit le 13/01/2013 à 14:35
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Bonjour, il faut bien savoir qu?il nie a pas ou peut de coopération militaire en Europe, car il y a encore moins de consensus sur telle ou telle opération. Qui va croire que l?Angleterre pour prêtera ses avion de transport pour quitté plus vite l?Af...

à écrit le 12/01/2013 à 22:33
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On l'a vu avec eurofighter et l'a400m, superbe exemple de mutualisation, des programme catastrophique sur le plan budgetaire, 4 pays a partenaire pour l'eurofighter, pour 30% cher que le rafale avec des fonctionnalité réduite. un avion à la russe, g...

à écrit le 11/01/2013 à 15:36
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L'Europe de la défense restera une utopie car les budgets européens sont en berne d'une part et d'autre part la volonté politique n'est pas là. La crise au Mali prouve que sans la France, l'Europe ne serait pas intervenue car les autres pays moins na...

à écrit le 11/01/2013 à 15:15
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Je cite l'article : "Astrium Services a récemment signé un accord-cadre de trois ans avec l'AED avec pour objectif de fournir au meilleur prix des communications NON SÉCURISÉES aux armées de cinq pays (France, Italie, Pologne, Roumanie et Royaume-Uni...

à écrit le 11/01/2013 à 14:27
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Il est bien cet article. Absence de leçon du journaliste/journal. Parole donnée à un vrai connaisseur. Ce qui donne la complexité dans le dernier paragraphe. Faut y aller à fond pour pouvoir dégager des marges de manoeuvre.

à écrit le 11/01/2013 à 13:20
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L'Europe de la Défense ne peut se construire qu'après la constitution d'un ministère des Affaires étrangères unique et commun. Quand les Etats européens se résoudront-ils à supprimer les leurs ??? Sinon, on risque d'aboutir à la situation de mars 200...

à écrit le 11/01/2013 à 12:56
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UNE mutualisation des armes cela serait une bonne solution à la condition d'avoir une armée européenne mais sous un seul ministère de la défense européen .Connaissant la mentalité de notre pays quel général va accepter des ordres d'un autre généra...

le 14/01/2013 à 14:09
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pourquoi vous croyez que les autres pays accepteraient un général francais sans broncher???

à écrit le 11/01/2013 à 10:59
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Je suis assez pour cette mutualisation industriel, EADS et Ariane Espace sont la preuve que cela marche. Et pour pouvoir concurrencer les mastodonte Chinois et US de l export d arme il faudra bien comprend que ce n est pas avec des industrie national...

à écrit le 11/01/2013 à 9:09
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Mais où est la concurrence "libre et non faussée" qui doit construire notre paradis européen?

le 11/01/2013 à 10:15
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La concurrence libre n'est bonne que lorsqu'elle s'applique aux entreprises. Tout le projet européen, c'est justement de supprimer les logiques de concurrence entre les états de l'Union et de favoriser la coopération entre eux.

le 11/01/2013 à 12:45
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Le vouloir des États Européen sans concurrence c'est bien pour faire payer plus les contribuables au future guerres décider par les américain.

à écrit le 11/01/2013 à 9:04
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Une ancienne diplomate qui découvre ce qui est une évidence depuis des decennies. EADS avait ouvert la voie mais cette dame a oublié qu'il existe des politiques dont elle est issue,incapables de se mettre d'accord et des industriels type Dassault qui...

le 11/01/2013 à 19:04
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Je ne comprends pas les contradictions dans les propos de Samarida: à bas Dassault qui a participé à hauteur de 25% des frais d'industrialisation de Rafale et bravo à EADS dont le programme Eurofighter a été payé à 100% par les pays concernés...! Le ...

à écrit le 11/01/2013 à 9:01
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Bonjour, Quand on a des problèmes à l'intérieur, positivons en changeant le focus à l'international. Il faudrait nous rappeler quand un projet de mutualisation a fonctionné? Et ici la France ne s'est guère montré exemplaire ( ^porte avion nucléaire, ...

à écrit le 11/01/2013 à 8:30
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La stratégie française me semble assez bonne( armée entièrement projetable, flotte/bulle de projection, bases de défenses) malgré des difficultés, mais je ne vois pas pourquoi on utiliserait la mutualisation avec d'autres pays pour réduire les budget...

à écrit le 11/01/2013 à 6:53
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Mais, il faut mutualiser. Une arme pour quatre est largement suffisant.

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