Aérocampus Aquitaine, la reconversion réussie de l'ex-centre de la DGA

En 2011, la région Aquitaine rachetait à l'État un centre de formation de la Direction générale de l'armement (DGA), près de Bordeaux, sur le point de fermer. Devenu le premier campus de formation à la maintenance aéronautique en Europe, il vient d'être choisi par Dubai pour former ses techniciens.
Des jeunes en formation de BTS de maintenance aéronautique sur le site d’Aérocampus de Latresne, près de Bordeaux./ DR

« Dubai nous a choisis pour former 400 techniciens par an à la maintenance aéronautique à partir de 2015. »

Avec cet accord, signé en novembre dernier lors du salon de l'aéronautique, Jérôme Verschave estime qu'Aérocampus Aquitaine, le centre de formation dont il est le directeur général, est entré dans le monde des « grands ». Dubai construit en effet à l'heure actuelle un nouvel aéroport qui lui permettra de doubler son trafic aérien et va y adosser une gigantesque usine de maintenance, où tous les composants d'un avion seront réparés, de la cafetière au moteur.

L'investissement global est colossal : 33 milliards d'euros. Aérocampus sera donc l'une des pièces maîtresses du cluster formation.

« Ce sont eux qui sont venus nous chercher », précise son président, Denis Guignot.

Ce premier contrat international représente un chiffre d'affaires annuel de 4 millions d'euros. Une vraie reconnaissance pour cet ancien centre de formation de la DGA dont la reconversion est exceptionnelle.

En avril 2011, le conseil régional d'Aquitaine avait racheté, pour 6,5 millions d'euros, ce site militaire de 26 hectares, avec ses 20.000 m2 de bâtiments, alors que celui-ci s'apprêtait à fermer pour des raisons budgétaires. L'ambition - rassembler en un même lieu toutes les voies de formation du niveau bac pro à l'école d'ingénieur sur la maintenance aéronautique - pouvait paraître illusoire.

Mais les faits sont là. Après deux ans d'activité, le nombre de jeunes en formation initiale pour le métier de technicien est déjà passé de 85 à 200. Deux BTS en aéronautique ont été créés. Avec des résultats probants : 100% de réussite à tous les bacs professionnels, par voie scolaire ou par apprentissage, dont 60% de mentions pour la promo 2012. Un internat d'excellence en bac professionnel, réservé aux élèves issus de milieux défavorisés, a également vu le jour. Il accueille 54 personnes. Toutes sont assurées d'avoir un emploi à la sortie.

Une réussite reconnue à l'international

Fort de son succès, Aérocampus Aquitaine ultiplie les initiatives. Ainsi, il a lancé à la rentrée la première section professionnelle franco-allemande en France avec 15 élèves en bac pro aéronautique. Symboliquement, elle sera inaugurée à la mi-janvier par Vincent Peillon, le ministre de l'Éducation, et son homologue allemande, Johanna Wanka. C'est aussi le premier campus de formation dans le pays à être doté d'une salle de réalité virtuelle immersive, dédiée à la formation. Elle comprend un système immersif (écran, lunettes 3D polarisées, joystick) et une table 3D...

L'objectif est de développer de nouvelles méthodes d'acquisition de compétences, de travail collaboratif et d'être capable de former à distance. Ces nouveaux outils ouvrent d'ailleurs d'autres marchés, notamment en Afrique, où certains pays n'ont pas toujours les moyens d'acheter des avions pour former leurs jeunes techniciens.

Le concept séduit et commence à essaimer

La « marque » s'exporte. Un Aérocampus va ouvrir en Auvergne à la rentrée 2014. En outre, des discussions sont en cours pour former des techniciens à la maintenance aéronautique dans des pays d'Asie et du Moyen-Orient, où les besoins sont très importants.

Comment expliquer une telle réussite ? Sans doute le résultat d'un subtil mélange d'ingrédients. Ainsi, pour nombre d'observateurs, le succès est grandement lié à la personnalité même de ses deux dirigeants, dont les réseaux et compétences sont très complémentaires.

Avec d'un côté le « politique », Jérôme Verschave, un ex-Thales devenu directeur de cabinet du président (PS) de la région Aquitaine, Alain Rousset, de 2000 à 2011 ; et de l'autre, l'« expert », le général Denis Guignot, chef d'étatmajor du Commandement du soutien des forces aériennes françaises jusqu'en 2011.

De son côté, Jérôme Verschave préfère mettre en avant « une gouvernance qui intègre les industriels et a permis de répondre au plus près aux besoins du marché ».

De fait, à ce jour, le cluster de formation Aérocampus ne compte pas moins de 19 partenaires. Mais il faut dire aussi que le marché de la maintenance aéronautique civile est en plein essor. Aujourd'hui, il pèse 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel.

« Dans les cinq prochaines années, la flotte mondiale va passer de 18.000 à 25.000 avions. Or aujourd'hui, dans le prix d'un avion, les deux tiers concernent l'exploitation et la maintenance », analyse Alain Rousset.

Pour s'imposer dans ce milieu, la région, qui abrite les plus grands du secteur - Dassault, Thales, etc. - et partage avec Midi-Pyrénées un pôle de compétitivité mondial, Aerospace Valley, a tous les atouts.

Des pépites et des projets

Or, ce campus a justement su développer des ressources propres avec ces entreprises. Thales, Astrium et Dassault y forment désormais une partie de leurs cadres et ingénieurs du Sud-Ouest. Sur son budget 2013 (4 millions d'euros), Aérocampus Aquitaine a dégagé 1,5 million de recettes.

« Je ne m'attendais pas à un tel engouement. Les acteurs industriels locaux ont joué le jeu », se réjouit Jérôme Verschave.

À tel point, que malgré ses 200 places d'hébergement, le centre sature déjà... Un internat de 130 lits et un hôtel de 80 chambres devraient donc ouvrir d'ici un an. À la fin de l'année, 140 salariés travailleront sur le site grâce à l'implantation de centres de formation (Institut de soudure, IFI peinture, etc.), mais aussi de jeunes sociétés qui souhaitent bénéficier de la dynamique créée.

L'Aérocampus, c'est aussi une pépinière d'entreprises

Telespazio, l'un des leaders mondiaux des services par satellites (2.500 collaborateurs dans le monde, 350 en France), filiale commune des groupes Finmeccanica et Thales, vient d'installer un centre de surveillance de l'environnement pilote sur le campus.

Cet « Earthlab » va proposer des outils inédits - par leur précision - de surveillance des aléas climatiques, de gestion de l'agriculture et des ressources naturelles, ou encore du suivi en temps réel de l'érosion du littoral. L'ambition de Telespazio est de créer une « galaxie EarthLab », un « réseau mondial de centres de surveillance de l'environnement, à raison d'une base par continent ».

Autre pépite à avoir choisi Aérocampus, Insiteo, entreprise française leader mondial des solutions géolocalisées indoor, qui a créé une application sur smartphone pour être guidé dans les aéroports, les musées, les grandes entreprises... ou se repérer dans les centres commerciaux et y recevoir en temps réel des bons de réduction. Au total, le conseil régional investit 25 millions d'euros dans cette reconversion. Mais le retour sur investissement est prometteur. Aérocampus emploie actuellement 25 salariés et s'apprête à recruter entre 5 et 10 personnes dans les prochains mois.

En 2011, lors du rachat, il n'y avait plus que 15 personnes sur le site... Aujourd'hui, les nouveaux projets de développement émergent régulièrement. Une réussite remarquée par la présidence de la République : voici un an, lors de son déplacement en Gironde sur l'emploi, la formation et l'innovation, François Hollande a cité Aérocampus comme un « exemple à suivre ».

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