Les catalogues d'Airbus et de Boeing donnent le tournis. Les prix des gros-porteurs comme l'A350-1000 et le B777-9 s'élève respectivement à 360 et 425 millions de dollars. Même un moyen-courrier comme l'A321 affiche 120 millions de dollars. En privé, le directeur général de l'Association internationale du transport aérien (Iata), Alexandre de Juniac, le dit depuis des années : « Les avions sont trop chers. » Et il ne parle pas des prix catalogue des constructeurs, mais bien des « prix réels », ceux payés par les compagnies aériennes, lesquelles bénéficient de rabais pouvant aller jusqu'à 50 %.
Le numérique pour accélérer le développement des programmes
Alors que la guerre des prix fait rage dans le transport aérien, de nombreux professionnels de l'aéronautique estiment que la prochaine bataille entre Airbus et Boeing ne se fera plus sur la performance des avions, jugée similaire, mais sur les prix de vente. Et, par conséquent, sur les coûts de développement d'un programme et des coûts de production.
La transformation digitale de l'industrie aéronautique peut réduire le temps nécessaire pour développer un avion, c'est-à-dire la phase entre le lancement du programme et la mise en ligne de l'avion. « Il peut être ramené de huit à cinq ans », explique Marc Fontaine, directeur de la transformation digitale d'Airbus. La baisse de coûts serait proportionnelle selon certains experts, autour de 40%. Un chiffre remis en cause par une étude du Boston Consulting Group, qui parle plutôt d'une réduction de 15-20 % .
Changement de modèle, avec avions "gratuits" et services payants
Le coût d'un programme pouvant grimper jusqu'à 15 milliards de dollars, la réduction de la facture est donc importante pour les avionneurs et la chaîne de fournisseurs. S'il est lancé, le New Midsize Aircraft (NMA), ce projet d'avion de 220 à 270 sièges sur lequel travaille Boeing, pourrait être le premier appareil à intégrer un nouveau système de production, plus digitalisé. Les autres programmes suivront, comme les successeurs des A320 et des B737 à l'horizon 2035.
Cette tendance à baisser les coûts se justifiera d'autant plus si le groupe aéronautique chinois Comac venait tenter de rafler certaines campagnes hors de ses frontières en jouant sur des prix très bas. « Airbus et Boeing devront être en mesure de s'aligner », explique un analyste.
Pourtant, si la digitalisation et l'automatisation de la production peuvent faire baisser les prix des avions, c'est peut-être de la transformation radicale du modèle de l'aéronautique que viendra une chute des prix. « Cela passera par un changement de "business model" », assure-t-on dans un grand groupe aéronautique, qui n'exclut pas des avions « gratuits » avec, en parallèle, une multitude de services payés par les compagnies (maintenance, formation des pilotes...). Un peu à la manière des motoristes, qui vendent les moteurs à des prix « dérisoires » et gagnent de l'argent avec les services après-vente, ou du secteur automobile.
La hausse des taxes environnementales fait partie de l'équation
« Quand on achète une voiture, on ne sait pas quelle est la part de la voiture, du leasing, de l'entretien et quel est le choix fait par le fabricant à l'origine. L'achète-t-on au tarif de la fabrication ou au prix chargé ? Si on voit des évolutions des prix, ce sera sur le coût complet de concession de l'avion sur toute sa durée de vie », explique la même source.
Dans tous les cas, il faudra baisser la facture. Confrontées à un risque de taxation accrue sur les questions environnementales, les compagnies aériennes pourraient avoir du mal à continuer d'acheter autant d'avions si les prix ne bougent pas.
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