Eurodrone : cet échec torpille-t-il la stratégie de Safran de se diversifier dans les turbopropulseurs ?

Grâce au programme Eurodrone, Safran Helicopter Engines souhaitait s'ouvrir le marché des turbopropulseurs. Son échec sur le drone MALE européen va-t-il remettre en question cette diversification importante dans la stratégie de la filiale de Safran ?
Michel Cabirol
Non seulement Safran HE a échoué sur l'Eurodrone mais la filiale de Safran voit en même temps débarquer un concurrent sérieux en Europe capable désormais de postuler sur des programmes européens.
Non seulement Safran HE a échoué sur l'Eurodrone mais la filiale de Safran voit en même temps débarquer un concurrent sérieux en Europe capable désormais de postuler sur des programmes européens. (Crédits : Safran Helicopter Engines)

Mauvais temps pour Safran Helicopter Engines (Safran HE). La filiale de Safran a perdu plus qu'un contrat (120 moteurs à fabriquer) après le choix d'Airbus d'équiper le drone MALE européen, l'Eurodrone, avec le moteur Catalyst développé par le motoriste italo-américain GE Avio. Car Safran HE envisageait à partir du développement du moteur Ardiden 3TP, basé sur le démonstrateur technologique Tech TP, de se diversifier dans les moteurs d'avions turbopropulseurs et lancer une nouvelle filière européenne (Piaggio Aerospace, l'espnagol ITP et les allemands MT-Propeller et ZF Luftfahrttechnik) sur un segment de marché dominé par les motoristes américains. Airbus lui a coupé l'herbe sous les pieds.

"Nous avons aidé Safran Helicopters Engines à formuler la proposition la plus compétitive et attractive possible (pour gagner la compétition de la motorisation de l'Eurodrone, ndlr). Nous les avons aidés financièrement et nous leur avons suggéré de rapprocher leur projet de moteur d'un futur moteur susceptible de remplacer les moteurs Pratt & Whitney sur les avions Daher", avait expliqué en juin 2021 à l'Assemblée nationale le Délégué général pour l'armement Joël Barre.

Non seulement Safran HE a échoué sur l'Eurodrone mais la filiale de Safran voit en même temps débarquer un concurrent sérieux en Europe capable désormais de postuler sur des programmes européens. A commencer par la motorisation d'une nouvelle génération d'hélicoptères dans le cadre du programme européen "Next Generation Rotorcraft Technologies" (NGRT) financé par le Fonds européen de défense (40 millions d'euros). Avec la sélection de GE Avio sur l'Eurodrone, Airbus a clairement crédibilisé un nouveau concurrent pour Safran HE en Europe. Le géant européen a-t-il voulu à travers l'Eurodrone créer de la concurrence en Europe face à Safran Helicopter Engines ?

L'Ardiden TP3, une alternative aux moteurs américains

Pour Safran HE, cette diversification est ou était importante. Safran va maintenant devoir décider au niveau du groupe si cette stratégie pour sa filiale est toujours aussi viable sans le financement du moteur Ardiden 3TP par les États partenaires de l'Eurodrone au moment où il développe le moteur de l'avion de combat européen (Next Generation Fighter) dans le cadre du programme SCAF (Système de combat aérien du futur) et où il réfléchit déjà au successeur du Leap dans le cadre du programme RISE. Pour Safran HE, le programme Eurodrone était la porte d'entrée à un nouveau marché où sont déjà bien établis Pratt & Whitney et General Electric (GE). En interne chez Safran HE, on estimait que cette stratégie était également un enjeu d'autonomie pour l'Europe et la France.

Pourquoi cette diversification était-elle importante ? Le marché actuel de l'hélicoptère est actuellement contraint et les opportunités de développement sont très limitées même si elles existent. C'était le cas avec l'Eurodrone. En outre, de nombreux motoristes ont effectué le chemin inverse en développant d'abord une expertise dans les moteurs turbopropulseurs puis vers les turbomoteurs. Ce qui a accentué la compétition sur le marché des hélicoptères. Le site de Bordes a également aujourd'hui un problème de charge de travail. Le défi auquel il est confronté est la gestion de la charge industrielle à partir de 2022 et jusqu'en 2024 en raison d'un niveau de prises de commandes, qui était bas ces dernières années du fait du marché et de la pandémie. Le programme Eurodrone représentait de la charge pour des centaines d'emplois dans l'ensemble des entreprises parties prenantes du projet de Safran HE.

Un marché mondial

Cette diversification était envisagée par Safran depuis plusieurs années dans le cadre du programme Clean Sky 2 (décembre 2014), financé par la Commission européenne. A l'image de GE, qui a dérivé son turbomoteur CT7 vers un moteur turbopropulseur, Safran a lui aussi développé son démonstrateur Tech à partir du moteur Ardiden, certifié en 2017 par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).

Comme suggéré par Joël Barre, l'un des débouchés "naturels" pour Safran HE était les avions de Daher, qui a d'ailleurs racheté l'avionneur Kodiak en juin 2019, ou même ceux du suisse Pilatus. Safran travaille déjà avec Daher sur l'EcoPulseTM, un démonstrateur d'avion à propulsion hybride distribuée conçu également par... Airbus. Au-delà de l'Europe, la filiale de Safran serait entrée sur un marché évidemment mondial, des avions d'affaires aux avions régionaux en passant par les avions d'entraînement militaires. Que va faire Safran ? Va-t-il laisser Safran HE autofinancer cette diversification ? Le dossier est à l'étude...

Michel Cabirol

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Commentaires 14
à écrit le 27/04/2022 à 10:48
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Qu'en est il du moteur Silvercrest ?

à écrit le 05/04/2022 à 21:32
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Safrant veut mais Prat and Witney ne veut pas encore un concurrent la participation d'État français dans Safrant etait plus de 20% maintenent seulement 12% grace à Hollande.

à écrit le 05/04/2022 à 15:36
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Tout en respectant les engagements de la France (le choix de GE est un choix industriel) sur le MALE il faudra rapidement développer des projets français de drone un peu plus à long terme et sur des technologies plus avancés que celles du MALE avec u...

à écrit le 05/04/2022 à 14:53
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Suffit de plagier les plans du chassis pour un francodrone avec safran.

à écrit le 05/04/2022 à 12:16
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Les drones actuelles à part ceux de reconnaissance et de sigint elint sont une illusion. il est très facile de s'en prémunir en disposant de hangars opaques à monter en toile qui recouvrerait plus que ce qu'ils contiennent. Les drones actuelles d...

à écrit le 05/04/2022 à 11:05
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Je subodore que l’incapacité de Safran maître d’oeuvre à développer le moteur Sylvercrest jadis tombé depuis dans les limbes a beaucoup joué dans ce choix. Dommage car par ailleurs le turbopropulseur de l’A400 réalisé en coopération est une réussite...

le 05/04/2022 à 11:32
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'Dommage car par ailleurs le turbopropulseur de l’A400 réalisé en coopération est une réussite,' C'est du second degré? Vous devriez vous intéresser à la disponibilité opérationnelle de ce moteur ainsi que de son réducteur......

le 05/04/2022 à 14:23
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Le réducteur est réalisé par AVIO et je crois que les problèmes rencontrés concernant sa durée de vie ont depuis été résolus.

à écrit le 05/04/2022 à 10:04
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La partie Allemande exige un bimoteur et envoie le contrat chez GE, c'est quoi la compensation? à qui cela profite? Il n'y a pas de PNF pour ce genre d’affaire ? Dans ces conditions la France doit se retirer et acheter des drones US, au moins on les ...

le 05/04/2022 à 12:45
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Tout à fait d'accord

à écrit le 05/04/2022 à 9:36
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Il est grand temps qu Airbus - qui a profité des avances des états et donc de l argent public- agisse en préférence «  européenne comme tout les autres concurrents chinois usa etc….sinon fin des avances remboursables ….donc nos impôts

à écrit le 05/04/2022 à 9:36
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Il est grand temps qu Airbus - qui a profité des avances des états et donc de l argent public- agisse en préférence «  européenne comme tout les autres concurrents chinois usa etc….sinon fin des avances remboursables ….

le 05/04/2022 à 11:35
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C'est bien parce qu'Airbus doit respecter des règles de retour géographique que cela tourne à l'usine à gaz (sans jeu de mots...) Regardez l'organisation industrielle du moteur choisi....c'est édifiant.....en matière de souveraineté on fait mieux.......

à écrit le 05/04/2022 à 7:22
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Bonjour, Personnellement, je crois que nous n'aurions jamais dû accepter une motorisation étrangers sur l'Eurodrone... ( Programme de souveraineté) Maintenance, ils nous reste à développer nos savoir faire sur ce type de moteurs.... Car les déboi...

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