Face à la menace d'un échec de la procédure d'acquisition de 35 F-35A, la réponse du Département fédéral suisse de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a été rapide. C'est non au calendrier suggéré par Stop-F35, une coalition de gauche (PS et Verts) formée pour empêcher cet achat, qui estimait pourtant possible un vote populaire d'ici au 12 mars 2023. Selon le DDPS, « l'organisation d'une votation populaire avant l'expiration de la validité des offres en mars 2023, n'est pas réalisable ». Il semblait évident même avant la remise des 100.000 signatures que le DDPS ferait tout pour torpiller cette initiative populaire, qui met dans l'embarras le Conseil fédéral et Viola Amherd en charge de la défense. C'est bien le cas.
« Le DDPS élaborera le message le plus rapidement possible, mais avec le soin nécessaire, et le soumettra au Conseil fédéral pour décision. Le message relatif à la votation devrait être transmis au Parlement d'ici la session d'hiver », a souligné le DDPS dans un communiqué publié mercredi.
Mauvaise foi du DDPS ?
Pourquoi l'organisation d'une votation n'est-elle pas possible avant la fin mars ? « En exigeant que la votation ait lieu en mars 2023, le Conseil fédéral et le Parlement ne disposeraient que d'un peu plus d'un mois pour élaborer et traiter le message relatif à l'initiative populaire », a expliqué le DDPS. Et de préciser : « Même en resserrant les procédures habituelles de l'administration fédérale, il est impossible de tenir le calendrier exigé ; cela parce que le devoir de diligence ne serait pas respecté et que le Conseil fédéral et le Parlement ne pourraient donc pas traiter l'initiative avec le soin nécessaire ». En outre, le DDPS ne veut pas accélérer cette procédure parce que « cela susciterait l'attente qu'à l'avenir, d'autres comités d'initiative bénéficient d'un traitement préférentiel de leur initiative au niveau du calendrier ».
Enfin, « le simple lancement d'une récolte de signatures pourrait rendre caduques les décisions prises par le Conseil fédéral et le Parlement dans le cadre de leurs compétences », a également expliqué le DDPS. Résultat, « le Conseil fédéral donnerait ainsi la main à un usage contraire à la fonction de l'instrument de l'initiative populaire en tant que référendum financier de fait ». C'est pourtant ce qui s'est passé avec le Gripen en 2014. Les Suisses avaient été appelés à voter en mai 2014 contre le fonds d'acquisition de l'avion de combat suédois. Et ils avaient rejeté ce projet à 53,4%. L'actuel conseiller en charge des finances, Ueli Maurer, alors en charge de la défense, doit encore se souvenir de ce cuisant échec.
Viola Amherd tient absolument à ses F-35
Dès la mi-mai 2022, le Conseil fédéral a indiqué que les contrats d'acquisition devraient être signés après l'adoption des crédits d'engagement par le Parlement. « Si la signature des contrats d'acquisition n'intervient pas avant la fin mars 2023, des négociations supplémentaires seront nécessaires pour prolonger la validité de l'offre », a expliqué le DDPS. Résultat, les Etats-Unis seraient susceptibles de gonfler les prix des appareils en raison de l'inflation et de la hausse de la demande. Le DDPS craint en outre que « la livraison des nouveaux avions de combat sera très probablement retardée en raison d'autres commandes : la Finlande a décidé le 10 décembre 2021 d'acheter 64 F-35A, l'Allemagne veut en acquérir jusqu'à 35 et le Canada a également décidé d'acheter 88 appareils de ce type ».
« Un retard dans l'acquisition aurait de graves conséquences en matière de politique de sécurité. Dès 2030, la population ne serait plus protégée contre les menaces et les dangers aériens », a-t-il noté.
Surtout, le Conseil fédéral ne veut pas que cette acquisition échoue en raison d'une nouvelle votation à l'image de celle des Gripen rejetée en mai 2014. D'autant qu'en septembre 2020, le projet d'acquisition de nouveaux avions de combat, qui avait été soumis à une votation, est passé d'extrême justesse avec un écart de 8.515 voix (50,1%), avec une participation de 59,4%. C'est ce qui semble affoler la conseillère fédérale en charge de la défense Viola Amherd, qui avait appelé en mars les opposants à retirer leur texte mais la coalition de gauche avait refusé.
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