Le F-35 sous une double menace va-t-il pouvoir atterrir en Suisse ?

Non seulement l'organisation Stop-F35 a déposé une initiative en vue d'organiser un vote populaire sur l'acquisition du F-35A mais un audit du Contrôle fédéral des finances étrille la gestion des risques et les incertitudes financières autour du processus d'acquisition des appareils américains. Un nouveau rapport pourrait être décisif sur l'achat de l'avion américain.
Michel Cabirol
Il n'existe pas d'assurance juridique d'un prix fixe, au sens de forfaitaire selon la jurisprudence suisse, pour l'acquisition des F-35A. Les coûts d'entretien pour l'ensemble de la durée de vie comportent également une incertitude, selon le Contrôle fédéral des finances suisse.
"Il n'existe pas d'assurance juridique d'un prix fixe, au sens de forfaitaire selon la jurisprudence suisse, pour l'acquisition des F-35A. Les coûts d'entretien pour l'ensemble de la durée de vie comportent également une incertitude", selon le Contrôle fédéral des finances suisse. (Crédits : © Peter Nicholls / Reuters)

Pour le F-35A en Suisse, on est entré dans le "money time". L'avion de combat américain de Lockheed Martin doit encore passer quelques obstacles pour se poser définitivement en Suisse. Les prochaines semaines vont être décisives. Non seulement l'organisation Stop-F35 a déposé mardi une initiative en vue d'organiser un vote populaire portant sur l'acquisition du F-35A mais un audit du Contrôle fédéral des finances (CDF) étrille la gestion des risques et les incertitudes financières autour du processus d'acquisition des appareils américains. Un nouveau rapport est attendu et pourrait être décisif sur l'achat de l'avion américain.

Des obstacles que le Conseil fédéral, l'organe exécutif de la Confédération suisse, et la conseillère fédérale en charge de la Défense, Viola Amherd, s'attachent à vaincre par tous les moyens pour s'offrir le F-35, qui est selon la Suisse, l'appareil le mieux adapté pour protéger sa population. Pour autant, le processus de décision du futur avion de combat des forces aériennes suisses semble avoir été parasité par des pressions américaines, comme le rappelait en juin dernier le président de la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat Christian Cambon lors du Paris Air Forum organisé par La Tribune :

"Jusqu'au tout dernier moment, on avait des sérieux espoirs. Un seul voyage de quelques heures du président Biden à Genève, du reste protégé par le système de surveillance aérienne français. On imagine très bien sur quel argument les choses ont basculé. Nos amis suisses, la main sur le cœur, nous disaient "C'est pour vous. Cela va se faire. Il n'y a pas de problème. Vous êtes les meilleurs, vous êtes les moins chers". Au total, on connait la suite"

Pas l'assurance d'un prix fixe

Outre ce point très sensible, qui restera une tache entre la France et la Suisse, l'achat de F-35 fait également l'objet de sérieuses critiques en Suisse. Il y a bien sûr la très active organisation Stop-F35, qui ne veut pas du F-35 et qui a réussi à réunir plus de 100.000 signatures pour déclencher une votation. Il y a aussi le très sérieux Contrôle fédéral des finances (CDF), qui a émis des réserves sur le choix du F-35A, non pas sur le plan technique et opérationnel mais sur le plan financier. "Les risques financiers liés au F-35A doivent être pris en compte", estime-t-il dans un audit publié en juillet.

Le CDF estime notamment qu'"il n'existe pas d'assurance juridique d'un prix fixe, au sens de forfaitaire selon la jurisprudence suisse, pour l'acquisition des F-35A. Les coûts d'entretien pour l'ensemble de la durée de vie comportent également une incertitude. Le CDF recommande à Armasuisse (Office fédéral de l'armement, ndlr) de compléter son inventaire des risques avec ces aspects financiers".

Le CDF note que "les termes fix-price et fix-priced contracts ne sont pas définis dans la LOA (Letter of Offer & Acceptance, nlr)", signée le 28 octobre 2021 par la Defense Security Cooperation Agency (DSCA). Cette agence, qui fait partie du Département de la défense des Etats-Unis (DoD), fournit une assistance financière et technique dans le cadre d'un transfert de matériel de défense, des formations et des services aux alliés, et favorise les contacts entre militaires. Selon Armasuisse, cette clause a spécifiquement été négociée et convenue entre les Etats-Unis et la Suisse. Toutefois, le CDF soutient qu'il existe une "incertitude juridique sur la notion de prix fixe pour l'acquisition". D'autant que la LOA mentionne "à de nombreuses reprises le terme de « estimated cost » (coût estimé)", martèle le CDF. Mais selon Armasuisse, cette dénomination est standardisée à toute LOA.

La Suisse et les Etats-Unis, via le processus de FMS (Foreign military sales) ont convenu que les coûts d'acquisition des 36 F-35A au moment des offres en février 2021 s'élèvent à 5,068 milliards de francs suisses (5,3 milliards de dollars). Ils se situent donc clairement dans le cadre du volume financier de 6 milliards de francs suisses fixés par le Conseil fédéral. Même si le renchérissement du prix est possible jusqu'au moment du paiement, les coûts d'acquisition restent dans la limite du crédit, avait affirmé en juin 2021 le Département fédéral e la défense, de la protection e la population et des sports (DDPS). Pour autant, il faudra qu'un jour Lockheed Martin explique sa politique sur le prix de vente du F-35. Il y a une énorme différence de prix entre les 36 F-35A suisses et les 34 F-35 belges (3,6 milliards de dollars).

Par ailleurs, le CDF estime que "les coûts d'entretien pour l'ensemble de la durée de vie comportent également une incertitude". Car selon l'audit, "le risque de sous-estimation des coûts d'exploitation ne figure pas dans la base de données des risques". Le CDF recommande donc à Armasuisse "de compléter son inventaire des risques avec ces aspects financiers". Les documents consultés par le CDF mentionnent "un prix forfaitaire pour les coûts d'exploitation des avions en fonction du nombre d'heures de vol annuel annoncé. Ces montants sont toujours présentés comme des estimations (« estimated price »)".

Armasuisse n'en a pas démordu, estimant que les coûts d'exploitation seront fixes jusqu'en 2040. Pourtant, le CDF lui a rappelé que "les expériences à l'étranger laissent planer un doute sur l'estimation des coûts d'exploitation. Aux Etats-Unis, un rapport du Government Accountability Office (GAO) pointe notamment que ces coûts ont été estimés de manière trop optimiste. Ces informations n'ont pas été considérées par Armasuisse dans l'analyse des risques".

Stop-F35 gagne une première manche

Les opposants à l'achat des F-35A par la Suisse ont gagné une première manche mais il risque d'y en avoir plusieurs dans un match où tous les coups seront permis. Il ont déposé devant les autorités, une initiative en vue d'organiser un vote populaire sur le sujet. L'alliance de gauche Stop-F35 a déposé 110.000 signatures auprès de la Chancellerie fédérale à Berne. "Avec cette initiative, seule la question du type d'avion est en cause. Si la Suisse se décide pour un autre jet, l'initiative sera retirée", précise Stop-F35 sur son site internet. La Chancellerie va désormais vérifier qu'il y en a bien 100.000 de valides, comme l'exige la loi. Le Conseil fédéral devra ensuite fixer la date du vote.

La Coalition attend du Conseil fédéral qu'il ait "la volonté politique de faire voter les électrices et électeurs sur le plus grand contrat d'armement de l'histoire suisse", explique pour sa part le Groupe pour une Suisse sans armée (GSSA) sur son site. Il demande également au Conseil fédéral de prendre les dispositions nécessaires pour que la votation populaire de mars 2023 puisse avoir lieu avant l'expiration des offres des quatre prestataires. Mais Viola Amherd veut torpiller ce processus démocratique suisse, Berne n'entend pas attendre le résultat du vote populaire. La conseillère fédérale "veut acheter le F-35 en septembre déjà alors que les contrats n'expirent qu'en mars", dénonce l'alliance Stop-F35.

Un vote décisif ?

Viola Amherd doit semble-t-il attendre quoiqu'il arrive la décision de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-N). Elle n'a pas encore pris de décision définitive sur le choix d'acheter ou non le F-35A et n'a pas procédé par conséquent à un vote. Avant de prendre sa décision, elle souhaite prendre connaissance des rapports du Contrôle fédéral des finances (CDF) et de la Commission de gestion du Conseil national portant sur la procédure d'évaluation et sur la gestion des risques, rapports qu'elle doit examiner au cours de ses séances de la fin août et du 12 septembre 2022.

Le CDF, qui a déjà publié un audit très critique sur les risques financiers liés à l'achat du F-35A, a rappelé qu'il ne s'est pas penché sur la phase d'évaluation des candidats qui a mené au choix de l'appareil de Lockheed Martin. Celle-ci sera traitée par la commission de gestion du Conseil national. C'est ce rapport qui pourrait être décisif mais qui pourrait être par conséquent minoré par la CPS-N, où l'équilibre des forces est très largement en faveur de cet achat au regard des premiers compte-rendus sur cette opération. Et le F-35A pourra alors atterrir en Suisse... sauf si Stop-F35 parvient à faire dérailler le processus d'achat. Mais c'est loin d'être gagné.

Michel Cabirol

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Commentaires 27
à écrit le 26/08/2022 à 22:40
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quel type d'avion besoin la suisse aurai dû être la question centrale hors les dirigeants se sont simplement dît on veux l'avion qui parait le plus extraordinaire .les prix qui explosent, une maintenance et un controle totalement dépendante des ISA ...

à écrit le 24/08/2022 à 16:00
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Vu sa situation, la Suisse a juste besoin de faire respecter son espace aérien et pour ça il lui faut des "chasseurs" et non des "bombardiers furtifs". La Suisse n'ira jamais bombarder la Chine, l'Iran ou la Corée du Nord. Il est évident que le meill...

le 26/08/2022 à 10:11
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pourquoi la france pourra bombarder les chinois je voudrais voir ca

à écrit le 23/08/2022 à 17:57
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le politique c'est comme un aristo du siecle dernier, il est conventionné que l'aristo fallait pas lui tirer dessus. les emmerdes viennent bien de quelqu'un. se defendre, c'est pas epuisant ses ressources, c'est taper directement sur qui emmerde. dan...

à écrit le 23/08/2022 à 17:49
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faut ps etre con non plus. il y a toujours un decideur . eliminer le decideur qui se croit intouchable chez lui, c'est renouveler le pouvoir. y a peut etre + de guerre. le suisse, c'est eliminer l'emmerdeur qui decide en face. y a pas de systeme de ...

à écrit le 23/08/2022 à 17:43
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le meilleur système de defense suisse, c'est etre capable de menacer le pays qui les emmerde en lâchant une bombe sur le president qui les emmerde. un bombardier furtif ou un drone hypersonique furtif de haute altitude.

à écrit le 23/08/2022 à 17:30
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la problématique suisse est propre à la suisse. la guerre a haute intensité, pour moi, c'est l'armement et etre en mesure d'en avoir sans etre dans un epuisement. si en plus faut 2 mois pour produire qu'un avion, la guerre a haute intensité est perdu...

à écrit le 23/08/2022 à 17:22
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quelque soit ses achats sur un type d'avion, le choix suisse n'est peut etre pas entièrement pertinent. il faut des avions, après, la guerre c'est une question de puissance de feu. 36 avions x 6 missiles < 100 drones X 4 missiles. l'autonomie d'un dr...

à écrit le 23/08/2022 à 17:13
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on peut même se demander si le suisse fait le bon choix a privilégier bcp d'appareil vs bcp de drones furtif ide combat dans ses achats avec quelques appareils. tant que le pilote est dans un bunker, il y a des pilotes.

à écrit le 23/08/2022 à 17:05
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avant les avions étaient en bois, maintenant on veut faire des avions furtifs . y a des pays, leur besoin c'est juste des avions en bois avec un systeme air/air

à écrit le 23/08/2022 à 17:02
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le prix d'achat et le cout de la maintenance + le coût de l'heure en vol? c'est quoi le besoin en suisse . 36 avions ou 20? le budget de la defense, c'est une enveloppe pour acheter ou une enveloppe pour acheter avec l'année suivant le budget associé...

à écrit le 22/08/2022 à 9:31
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L'ancien secrétaire d'Etat américain à la Défense a qualifié l'appareil de "piece of shit". Problèmes techniques, cout d'exploitation. Seul avantage, tuer les projets européens concurrents en refourguant ce tas de ferraille à tous les alliés européen...

à écrit le 21/08/2022 à 17:42
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"qui est selon la Suisse, l'appareil le mieux adapté pour protéger sa population", ce n'est pas ce que disaient les rapports de l'armée Suisse. Le choix du F35 est un choix purement politique pour s'attirer les "faveurs" des Etats Unis et il est heur...

à écrit le 20/08/2022 à 22:46
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Si je ne m’abuse le F35 est actuellement encore cloué au sol pour des problèmes de sièges éjectables, et vu les nombreux crashs c’est vital: 1 seul moineau kamikaze japonais avalé l’envoie au tatami.. Puis sur environ 800 problèmes non résolus 170 g...

le 23/08/2022 à 16:23
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le dilemme, restera le besoin d'un nb d'avions face à une enveloppe budgétée. l'enveloppe suisse est trop faible. l'origine du choix etait l'économie de maintenance . capex/opex, - cher l'investissement et - cher à l'entretient . suivant les critèr...

le 23/08/2022 à 16:28
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le dilemme, restera le besoin d'un nb d'avions face à une enveloppe budgétée. l'enveloppe suisse est trop faible. l'origine du choix etait l'économie de maintenance . capex/opex, - cher l'investissement et - cher à l'entretient . suivant les critèr...

le 23/08/2022 à 16:31
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demain, il y a un avion de ligne qui pose pb, la police de l'air suisse, c'est un rafale à 22 000€ / de l'heure? on a fait ça en syrie cartographier la syrie à 22 000€ de l'heure. notre erreur c'est le portefeuille produit .

le 23/08/2022 à 16:42
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reconcevoir le rafale en monoreacteur coutera + cher et on aura perdu 4 ans de ventes, qu'à moderniser le programme mirage au lieu d'arreter le mirage, car repond pas au besoin de la france qui vit au dessus de ses moyens pour un mono produit ( certe...

le 23/08/2022 à 16:51
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si on pense qu'on vendre du rafale, sur le sujet du stop F35, c'est le nouveau gripen qui rentrera dans le capex/opex .

à écrit le 20/08/2022 à 18:43
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La Suisse a besoin de cerfs-volants ...et encore! Pourquoi pas aussi un porte avion sur le Leman 🤣.

à écrit le 20/08/2022 à 13:44
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peut-On faire confiance aux suisses et le fait que préfère achéter le camion à bombe us et non rafale de dassault. A dassault aviation. Et nos systèmes d'armes. De toute façon il y a enornement de maintenance sur le f35 plus que sur le rafale qui con...

le 20/08/2022 à 16:23
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"Le contrat avec les américains s'est il fait légalement ?" sans doute, peut-être avec une petite aide "on oublie tout ce qui concerne les banques suisses et leur manières parfois pas 'joli joli' mais vous nous achetez nos avions". Se former au sol p...

à écrit le 20/08/2022 à 13:44
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peut-On faire confiance aux suisses et le fait que préfère achéter le camion à bombe us et non rafale de dassault. A dassault aviation. Et nos systèmes d'armes. De toute façon il y a enornement de maintenance sur le f35 plus que sur le rafale qui con...

à écrit le 20/08/2022 à 13:22
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Les sanctions imposées à nos amis russes en Suisse démontrent surtout que notre voisin immédiat a définitivement perdu sa légendaire neutralité, pour suivre comme tous les autres toutous de Washington une politique mondialiste, laquelle ne peut mener...

à écrit le 20/08/2022 à 10:23
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Que nous avions..mais les politiciens ne servent plus l'intérêt général du pays depuis longtemps. Ils cherchent à s'en mettre plein les poches sans que ça se voie, c'est tout.

à écrit le 20/08/2022 à 10:05
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Bonjour, la Suisse est un pays souveraine avec une démocratie directe se qui réduit les malversations politique.... ( Ex: la GB avec l'échec de la prospérité économique depuis le brixt). Le F35 coût très chère et ils ne semble pas donnée les résulta...

à écrit le 20/08/2022 à 9:12
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Ce sont les Suisse qui sont sous la menace du F35 et de l'impérialisme américain, ne mélangez pas tout. Heureusement pour eux, ils disposent de garde fous démocratiques que nous n'avons pas.

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