Incroyable mais vrai... La Suisse a mis une claque monumentale à la France en snobant il y a deux semaines le Rafale au profit d'un F-35 surévalué par l'office fédéral de l'armement Armasuisse et qu'a fait cette dernière ? Elle a très naïvement commandé au constructeur suisse Pilatus des avions d'entrainement (PC-21) quelques semaines avant la décision des Suisses d'écarter le Rafale. Repéré par Challenges, le communiqué de Pilatus daté de vendredi arrive au plus mauvais moment et ravive une plaie qui est loin d'être cicatrisée tant la mauvaise foi d'Armasuisse a été abracadabrantesque en faveur du F-35, notamment sur ses coûts d'exploitation. En outre, Pilatus met clairement dans l'embarras Paris. Ce qui manque aussi bien d'élégance que de finesse.
Pilatus : un choix difficile à remettre en cause
L'Armée de l'air, qui avait déjà acheté en 2017 à Pilatus 17 PC-21, a commandé neuf autres PC-21 à Pilatus pour renforcer son programme de formation de ses futurs pilotes avec des avions d'entraînement supplémentaires. Pilatus considère d'ailleurs l'Armée de l'Air française comme "l'une des forces aériennes les plus prestigieuses au monde". Pour rappel à la Suisse, elle vole effectivement en Rafale, qui est "combat proven". Les PC-21 remplaceront les avions d'entraînement bimoteurs qui étaient auparavant utilisés par l'armée de l'air. « Les évaluations françaises sont très professionnelles, ce qui nous prouve encore une fois que nous offrons le meilleur système de formation au monde sur ce marché », a expliqué le PDG de Pilatus, Markus Bucher. Cela change des évaluations douteuses d'Armasuisse !
Les PC-21 seront stationnés à la base aérienne de Cognac-Châteaubernard à partir de 2023, où les PC-21 sont utilisés depuis 2018. Les premiers pilotes ont terminé leur formation en 2020. Avec la dernière commande, la flotte française de PC-21 passera à un total de 26. Outre la Suisse et l'Espagne, la France est le troisième pays européen à adopter le PC-21. Plus de 230 PC-21 sont maintenant en service dans neuf forces aériennes dans le monde. Selon Pilatus, le PC-21 est beaucoup plus rentable à utiliser qu'un avion d'entraînement conventionnel et permet de réduire de plus de 50 % le coût de la formation d'un futur pilote militaire.
Le F-35 ne pouvait pas perdre en Suisse
Les Etats-Unis ne pouvaient laisser perdre le F-35 face au Rafale, question de prestige. Jamais un avion américain (F-16, F-15, F-18 et F-35) n'a perdu face à un avion français dans une compétition majeure (Pays-Bas, Corée du Sud, Singapour, Belgique et Suisse). Si le Rafale ou les Mirage 2000 se sont vendus à l'international, c'est en raison de la politique de double source des pays acheteurs (Inde, Égypte, Émirats Arabes Unis, Qatar, Grèce...) qui ne souhaitent pas dépendre d'un seul fournisseur.
Selon Armasuisse, le F-35 aurait un coût de soutien inférieur qui serait justifié par le recours à des simulateurs. Cet argument pour justifier le choix du F-35 ne tient pas. Mais ce sont bien les pressions américaines sur la Suisse, dont le rendez-vous de 25 minutes entre Joe Biden et son homologue suisse Guy Parmelin, qui ont fait basculer la compétition. Quelles pressions : rôle des institutions bancaires et financières suisses dans le terrorisme et/ou le blanchiment ? Chantage sur les licences bancaires suisses aux Etats-Unis ? Un peu des deux ?
"La Suisse aura eu l'intelligence de la situation : en choisissant la solution américaine, elle incite les partis de gauche à faire campagne contre", analyse un observateur. Les partis de gauche doivent récolter 100.000 signatures en 18 mois. Certains estiment que l'objectif sera atteint dès la fin août. S'en suivra un processus compliqué entre la Chancellerie et le Parlement puis l'organisation probable d'une initiative populaire, via une votation sur la question du F-35. "En cas de succès de cette votation, le F-35 sera éliminé. La Suisse aura alors beau jeu de dire : nous n'y pouvons rien !", fait valoir cet observateur.
Ne pas injurier l'avenir
Cette analyse a pu être faite au sein de Dassault Aviation et au ministère des Armées, qui n'ont pas voulu injurier l'avenir après la décision suisse de sélectionner le F-35. Les réactions ont été certes froides mais très (trop ?) mesurées. Comme l'a souligné le groupe de réflexions Mars dans La Tribune, "plusieurs axes de coopération dans la défense pourraient être reconsidérés. La France met régulièrement en place des dispositifs de sécurisation de l'espace aérien lors d'évènements en Suisse (....) Si un tel investissement se justifie auprès d'un partenaire, qui valorise l'engagement de long terme, il est beaucoup moins pertinent avec un voisin qui tourne le dos". La France pourrait ainsi facturer à la Suisse l'ensemble des coûts des prestations de l'Armée de l'Air.
"Ainsi, lors de la visite des Présidents Biden et Poutine à Genève les 15 et 16 juin dernier, l'armée de l'air française a établi, en soutien du dispositif suisse, une zone d'exclusion de survol autour de Genève et a renforcé sa posture permanente de sécurité aérienne pour l'événement. Le contribuable français a donc payé pour sécuriser un sommet international à Genève, sommet durant lequel le Président Biden a fait la promotion du F-35 auprès des autorités suisses".
De même, les partenariats industriels avec les sociétés suisses pourraient être revisités, selon Mars. Au-delà des PC-21 de Pilatus, "la France pourrait veiller à limiter au strict nécessaire ses partenariats avec les sociétés suisses, que ce soit par exemple dans la rénovation des hélicoptères - RUAG a rénové les SuperPuma - ou la formation des militaires de l'Armée de Terre, afin de privilégier soit sa BITD, soit celles de ses partenaires stratégiques". La France, si elle le souhaite, a les moyens pour faire comprendre à la Suisse que la claque pourrait avoir un impact.
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