Il y a eu un avant et un après. Avant la visite de Joe Biden en Suisse, le Rafale faisait figure de favori et le camp français paraissait raisonnablement optimiste sur les chances de l'avion tricolore. Après la visite du président américain, le F-35 est subitement devenu le favori de la Suisse, selon la presse helvétique. Et de loin. Les Etats-Unis ont-ils fait pression sur la Suisse même si son président Guy Parmelin s'en défend ? "J'ai rappelé (à Joe Biden, ndlr) qu'il y avait un processus qui se déroulait, qui était fixé de longue date et que le Conseil fédéral (gouvernement ndlr) prendrait sa décision sur la base du processus actuellement en cours", a-t-il souligné le 15 juin dernier.
L'annonce a semble-t-il été reportée plusieurs fois ces derniers jours. Selon une nouvelle rumeur, le choix de la sélection de l'avion de combat (6 milliards de francs suisses, 5,48 milliards d'euros) serait annoncé ce mercredi. Le F35 de Lockheed Martin et le F/A 18 de Boeing sont en compétition contre le Rafale de Dassault et l'Eurofighter du consortium éponyme (Airbus, BAE Systems et Leonardo). Un autre important contrat de défense (2 milliards de francs suisses ) devrait être annoncé simultanément pour un système de missiles de défense aérienne, pour lequel le SAMP/T du consortium Eurosam (MBDA, Thales) affronte le Patriot de l'américain Raytheon.
Machine de guerre américaine
Ce qui est sûr c'est que le camp français a constaté ces dernières semaines un retour en force très brutal des Etats-Unis dans cette compétition qu'ils ne souhaitent vraiment plus perdre face à Dassault Aviation et le consortium Eurofighter. "La machine de guerre américaine est en mouvement", explique un observateur de cette compétition. Et l'administration américaine, y compris sous la présidence des démocrates, en connait un rayon pour exercer des pressions indicibles, via notamment les lois extraterritoriales américaine, pour faire pencher la balance du bon côté.
"Les démocrates sont des tueurs dans ce type de compétition", rappelle cet observateur. D'ailleurs, le secteur bancaire suisse peut être très dépendant de décisions venues de Washington - on l'a vu avec le secret bancaire suisse sous Barack Obama - tandis que les exportations horlogères suisses sont en général portées par les Etats-Unis. A la France de réexpliquer les enjeux essentiels de la relation franco-suisse. Mais est-ce suffisant face à la superpuissance américaine ?
Des signaux avant-coureurs crédibles ?
Ces fuites dans la presse suisse, qui donne comme vainqueur de la compétition le F-35 de Lockheed Martin, ont-elle été organisées pour préparer l'annonce du Conseil fédéral et du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports ? En quelque sorte un tir de préparation. Possible. L'avion de Lockheed Martin, qui pourtant cumule de nombreux déboires technologiques et financiers, aurait le mieux réussi les tests effectués par Armasuisse, selon l'émission "Rundschau" de la SRF et la NZZ, puis repris par l'ensemble des médias suisses.
Les médias suisses avancent que l'avion de combat américain est loin devant la concurrence tant sur le plan financier que technique, offrant de loin le meilleur rapport qualité-prix. Ce qui semble déjà très surprenant au moins sur le plan financier. Le plafond financier exigé par Berne s'élève à 6 milliards de francs suisses (soit 6,54 milliards de dollars) d'euros. Soit ce que proposait le département d'État à la Suisse en septembre ou presque : 40 F-35 armés pour un coût estimé à 6,58 milliards de dollars. Ou bien Lockheed Martin a bradé ses appareils pour gagner la compétition... En outre, le F-35 souffre de 871 défaillances logicielles et matérielles, qui pourraient nuire à la préparation, aux missions ou à la maintenance de l'avion de combat, selon le bureau d'essai du Pentagone.
Tir de barrage des pacifistes contre le F-35 et le F-18
En outre, le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), en général bien informé, a indiqué dans une première réaction sur Twitter qu'il lancerait une initiative contre le F-35 (et contre le F/A-18) si le Conseil fédéral devait suivre la proposition d'achat de cet avion de combat. En mai, le GSsA, qui avait réussi à faire capoter l'appel d'offres gagné par le Gripen E en mai 2014, avait menacé de lancer une initiative pour empêcher cette acquisition "si le processus d'acquisition venait à connaître des irrégularités ou si le choix du Conseil fédéral venait à se porter sur un modèle états-unien".
En outre, il avait estimé qu'il existait "un risque que les avions de combat suisses ne puissent pas être utilisés pour protéger notre espace aérien. Du point de vue de la neutralité, c'est hautement problématique". En mars dernier, la ministre des Armées Florence Parly avait elle aussi rappelé à Berne avec son homologue suisse qu'elle savait que "la Suisse très attachée au principe de souveraineté, en particulier des données". Si le F-35 est choisi par la Suisse, il devra affronter une nouvelle partie beaucoup plus périlleuse. Il faudra se mettre dans la poche le GSsA. Et ça, ce n'est pas gagné.
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