Le New Space veut faire de l'espace un business comme les autres

Le New Space voit éclore de nombreuses start-ups qui proposent des solutions innovantes. Les acteurs historiques, eux, doivent adapter leurs méthodes à cette concurrence agile. Deux débats sur le New Space ont été organisés le 14 juin par La Tribune dans le cadre du Paris Air Forum.
Nous sommes plus aptes à prendre des risques que les grands groupes car nous avons besoin d'aller vite, a expliqué le 14 juin au Paris Air Forum le PDG d'Exotrail David Henri à la tête d'une startup française qui développe des solutions de propulsion électrique pour les petits satellites.
"Nous sommes plus aptes à prendre des risques que les grands groupes car nous avons besoin d'aller vite", a expliqué le 14 juin au Paris Air Forum le PDG d'Exotrail David Henri à la tête d'une startup française qui développe des solutions de propulsion électrique pour les petits satellites. (Crédits : Exotrail)

Les acteurs européens du New Space, dont quelques uns étaient réunis lors de la 6e édition du Paris Air Forum organisé par la Tribune, ont de grandes ambitions : car qui dit New Space dit jeunes pousses bien décidées à s'octroyer une part de ce marché en pleine expansion. Pour le PDG d'Exotrail David Henri à la tête d'une startup française qui développe des solutions de propulsion électrique pour les petits satellites, "nous sommes plus aptes à prendre des risques que les grands groupes car nous avons besoin d'aller vite. Les clients ont des demandes précises et nous devons réaliser quelque chose qui ressemble à une pièce de joaillerie".

Benoît Deper, directeur exécutif de la startup belge Aerospacelab, qui fabrique des petits satellites, a pour sa part estimé qu'il y a "beaucoup d'activités sur un marché saturé. Mais la plupart des entreprises n'ont que des présentations Powerpoint et peu lance vraiment des satellites". C'est le cas également de Rocket Factory Augsburg (RFA), qui a été créé en août  2018 par OHB et sa filiale MT Aerospace, et qui fabrique des petits lanceurs. "Chez nous, on a une très bonne compréhension de l'accès au marché. On aura jusqu'à 90 satellites en 2020", a assuré le directeur général de Rocket Factory, Ulrich Scheib.

Comment

Concernant le financement de ces jeunes sociétés innovantes par les fonds de capital risque, David Henri a rappelé que "les venture capital ne peuvent pas attendre une rentabilité dans 20 ans" et prévoit un retour sur investissement (ROI) pour Exotrail entre cinq et sept ans. Il a annoncé la mise au point d'un premier démonstrateur dans deux mois et prévoit une deuxième étape l'année prochaine avec un premier produit exploitable. De son côté, Benoît Deper, qui a investi dans son propre hardware pour un meilleur accès aux données, a évoqué un premier lancement à la fin de l'année et une feuille de route pour la mise en orbite des premiers satellites d'ici à 2021.

Le gouvernement du Luxembourg a mis en place Space Resources.lu et s'est doté d'un cadre légal pour exploiter les ressources de l'espace proche. Cette structure offre des financements de R&D pour les fournisseurs de technologies spatiales. Jean-Jacques Dordain, membre du board, explique comment le New Space a changé la donne :

« Beaucoup de choses ont évolué, avec l'arrivée de satellites plus petits aux performances meilleures. Nous devons développer une approche différente pour faire de l'espace un business comme les autres. Je suis étonné des conversations entre clients entrepreneurs et investisseurs et de la résistance au changement qu'ils manifestent. Il est toujours plus facile de bâtir des murs que des ponts entre clients et investisseurs qui ne connaissent pas grand-chose à un marché qui a la réputation d'être très cher. Comme le dit Jeff Bezos "j'ai toujours été intéressé par l'espace mais avant d'y investir j'ai dû devenir riche" ».

Les acteurs traditionnels bousculés mais restent dans le coup

Face à ces nouveaux arrivants ambitieux et agressifs, les acteurs historiques de l'industrie spatiale ne restent pas les bras croisés. Pour Daniel Neuenschwander, directeur du transport spatial de l'ESA (agence spatiale européenne), "nous assistons à une accélération de la concurrence soutenue par l'investissement privé. C'est à la fois une opportunité et un défi que nous embrassons". Le président exécutif d'ArianeGroup, André-Hubert Roussel,  ne craint pas la concurrence des start-up du New Space : "nous sommes en train de développer un nouveau lanceur, Ariane 6, qui doit être opérationnel l'année prochaine et proposera une polyvalence améliorée. Nous accélérons de manière continue et nous supportons cette économie du New Space".

Pour John-Paul Hemingway, directeur général de SES Networks, un opérateur de satellites géostationnaires et en orbite moyenne, "la propulsion électrique 100 % digitale arrive. C'est un défi car il faut intégrer cette technologie qui est une combinaison entre les installations au sol et dans l'espace". Le vice-président exécutif pour l'Espace de Lockheed Martin Corporation Rick Ambrose voit encore plus loin : "l'espace est difficile, qu'il soit nouveau ou ancien. Notre société a 106 ans et il faut continuer à se réinventer. C'est très excitant, nous allons créer une économie lunaire et martienne et la rendre durable". Pour y arriver, il a estimé qu'il "faut désormais délivrer les systèmes deux fois plus vite qu'avant avec des objectifs agiles et durables".

"Nous n'avons aucune idée de ce qui va arriver dans cinq ans", a fait valoir John-Paul Hemingway. Chez ArianeGroup, "on travaille maintenant en mode startup like avec de petites équipes pour développer des  lanceurs en cinq ans plutôt que dix", a expliqué André-Hubert Roussel. L'ESA reconnaît qu'elle doit "simplifier sa manière de passer des contrats avec les start-up et établir une corrélation entre la taille des sociétés et leurs capacités d'innovation", a souligné Daniel Neuenschwander. Sous la pression des nouveaux arrivants du New Space les industriels historiques, doivent allier innovation, flexibilité et réduction des coûts, et apprendre à travailler avec ces prestataires d'un nouveau genre. Conclusion de John-Paul Hemingway : "Tout le monde doit embrasser le concept de New Space, les start-up comme les grandes compagnies, celles-ci pouvant aussi apporter des solutions. C'est un marché vibrant et une époque excitante pour notre industrie".

Regarder les vidéos du débat du Paris Air Forum 2019 :

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Commentaire 1
à écrit le 06/07/2019 à 11:19
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Il est assez plaisant de constater que dans le milieu on commence à parler de 'real space' en réaction au 'new space'. En effet, l'hypothèse qui sous-tend le 'new space' est peu ou prou que le nombre d'objets compense la perte de fiabilité de chacun....

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