Pourquoi les Vingt-Sept jouent à Versailles leur crédibilité en tant qu'Europe puissance

L'Union européenne va-t-elle être enfin audible politiquement, diplomatiquement et militairement sur la scène internationale ? Réponse à l'issue du sommet informel des chefs d’État et de gouvernement des Etats membres de l'Union européenne (10 et 11 mars). Car pour l'UE, c'est clairement le sommet de la souveraineté européenne et la naissance d'une puissance qui se joue à Versailles.
Michel Cabirol
L'Union européenne a un rendez-vous historique. Va-t-elle enfin devenir une puissance politique, diplomatique et militaire sur la scène internationale, et non plus un simple marché ouvert, dont le reste du monde abuse.
L'Union européenne a un rendez-vous historique. Va-t-elle enfin devenir une puissance politique, diplomatique et militaire sur la scène internationale, et non plus un simple marché ouvert, dont le reste du monde abuse. (Crédits : CARLOS BARRIA)

C'est l'opportunité rêvée. Le rendez-vous de Versailles (10 et 11 mars) est crucial pour l'Union européenne (UE). L'UE a clairement un rendez-vous historique. Va-t-elle enfin devenir une puissance politique, diplomatique et militaire sur la scène internationale, et non plus un simple marché ouvert, dont le reste du monde abuse. C'est ce que souhaitait en vain la France depuis des années. Mais depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et donc en Europe - ce qui a provoqué un véritable électrochoc dans certains pays européen -, l'UE a véritablement surpris positivement en s'emparant de dossiers, qui étaient jusqu'ici à l'opposé de ses préoccupations il y a encore quelques mois (international, défense, voire souveraineté).

Plusieurs dogmes ont volé en éclat comme la livraison d'armes à un pays en guerre, l'Ukraine. L'utilisation de la Facilité européenne de paix a permis d'envoyer des équipements militaires aux forces ukrainiennes. Des pays comme l'Allemagne ont annoncé un effort sans précédent pour réparer, moderniser et opérer une remontée en puissance de son outil militaire avec une enveloppe de 100 milliards d'euros dans son budget 2022. Un mouvement suivi par la Suède et le Danemark. Le monde actuel n'est plus vraiment celui d'avant la guerre en Ukraine. Et le Sommet de Versailles, qui portera sur la guerre en Ukraine et les conséquences pour l'UE en matière de souveraineté, a cette lourde responsabilité d'adouber l'Europe, en tant que puissance dans la durée au même titre que les Etats-Unis, la Chine et la Russie. C'est "le sommet du sursaut européen, le sommet de la souveraineté européenne", souligne-t-on d'ailleurs à l'Elysée,

L'union enfin des pays de l'UE

Vladimir Poutine a réussi ce que personne n'avait jusqu'ici réussi à faire, l'union des pays membres de l'UE sur les questions internationales et de défense. "La guerre en Ukraine a d'abord appelé une réponse extrêmement unie et rapide de la part des Européens que ce soit dans le jeu des sanctions, cinq paquets à ce jour pris à l'encontre de la Russie ou dans le soutien apporté à l'Ukraine", résume-t-on à l'Elysée. L'Europe a été enfin au rendez-vous de l'histoire, de son histoire. Ce qui a dû beaucoup surprendre le président russe, qui a certainement compté sur la désunion des pays de l'UE quand il a pris la décision de lancer son attaque contre l'Ukraine.

"Il y a deux préoccupations qui sont partagées : celle, même sur les sujets qui peuvent être les plus difficiles entre Européens, de rester unis, c'est quelque chose qui est vraiment particulièrement marquant depuis deux semaines ; nous devons envoyer des messages d'unité à l'extérieur", insiste-t-on à l'Elysée.

Ce sommet sera également l'occasion de réduire la dépendance des pays européens dans l'approvisionnement d'énergie fossile venant de Russie mais également de réduire l'ensemble des dépendances de l'UE.

La défense au cœur du sommet de Versailles

La situation en Ukraine sera naturellement au cœur des discussions. Les 27 tireront également les conséquences pour l'Union européenne en matière de souveraineté puis, les conséquences qui pèsent sur les approvisionnements dans le domaine de l'énergie et, enfin, les conséquences sur les nécessités de renforcer la défense européenne et les  investissements, en particulier dans les capacités de défense. Clairement la guerre en Ukraine a mis crûment en exergue les dépendances dans un certain nombre de secteurs stratégiques en Europe. Ce constat et cet inventaire des dépendances vont nécessiter "d'investir dans l'ensemble de ces secteurs, la nécessité d'avoir des productions en Europe dans l'ensemble de ces secteurs", fait-on observer à l'Elysée.

"Il y aura une discussion sur le cadre macroéconomique adapté. Quel est le bon niveau de dépenses publiques en la matière ? Quel est le bon niveau de dépenses privées et quelle est la politique budgétaire dont nous devons nous doter au niveau européen", s'interroge-t-on à la présidence.

Après le temps de l'inventaire, qui portera sur une évaluation collective des moyens militaires dont l'Europe devra développer dans les années à venir. "Ça signifiera des investissements. Ça passera par le renforcement des investissements nationaux", souligne-t-on à l'Elysée. Ces investissements doivent également se faire en partie par le budget européen, avec l'objectif de financer des programmes capacitaires conjoints. L'ensemble de ces financements vise à combler les lacunes capacitaires, que ce soit le transport stratégique et tactique, les drones de combat, les capacités de défense pour les missions complexes. Cela passe par le lancement de programmes en cours de gestation difficile comme le SCAF (Système de combat aérien du futur) le MGCS (char du futur). Il faut également que l'UE se dote d'un cloud de combat pour s'émanciper clairement des Etats-Unis. "On a besoin de ce bilan et du renforcement rapide et particulièrement fort de nos investissements dans le domaine de la défense", martèle-t-on à l'Elysée. Enfin, il appelle à investir dans les nouvelles technologies de défense (quantique, IA, hypervélocité...)

 "Ce que la guerre en Ukraine nous amène à faire, c'est d'aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort", estime-t-on à la présidence. (...) Dans la déclaration qui sera adoptée par les chefs d'État et de gouvernement, il y a notamment cette volonté d'accroître sensiblement, pour l'ensemble des Etats membres, leurs investissements dans le domaine de la défense".

Pas d'armée européenne pour le moment

En revanche, pas question d'agiter lors du sommet de Versailles le chiffon rouge d'une armée européenne. "Ce dont on a besoin, c'est de 27 armées nationales fortes en Europe, explique-t-on à l'Elysée. C'est ça l'essentiel". La France pèse sur la réussite de plusieurs outils déjà mis en oeuvre comme la coopération structurée permanente, qui prévoit des engagements de la part des Etats membres en matière de dépenses de défense, de projets conjoints dans le domaine capacitaire, en matière technologique. Elle compte également sur l'Initiative européenne d'intervention (IEI), une alliance de 13 Etats membres qui font de la planification stratégique, du retour d'expérience sur les théâtres d'opération afin de créer une culture stratégique commune.

Et l'OTAN, en état de mort cérébrale ? A la faveur de cette guerre en Ukraine, il y a une coordination entre les alliés dans l'ensemble des formats possibles : au sein de l'OTAN, au sein de l'UE, entre l'UE et l'OTAN. "S'il y a un objectif que le président a en particulier, c'est de renforcer le pilier européen au sein de l'OTAN, c'est-à-dire que les membres de l'Union Européenne à la fois membres de l'OTAN, renforcent leurs capacités de défense, renforcent leur posture, et de cette manière-là et de manière complémentaire avec l'OTAN, renforcent l'Europe de la défense", explique-t-on à la présidence. Enfin, la boussole stratégique, qui reste totalement d'actualité dans l'agenda de la France, sera probablement évoquée. Elle "a été renforcée dans les dernières versions du texte après l'invasion russe en Ukraine. Donc le calendrier d'adoption reste pertinent", précise-t-on à l'Elysée. Cette Europe puissance en gestation survivra-t-elle à la fin de la guerre en Ukraine ?

Michel Cabirol

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Commentaires 17
à écrit le 12/03/2022 à 10:12
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l'Europe est un club libéral il suffit de se pencher sur le volume de lobbyiste à Bruxelles. Ils rêvent d'une Europe fédérale dirigée par une autorité désignée hors ça bloque, ça ne prendra jamais..

à écrit le 11/03/2022 à 15:35
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F Asselineau l' invisibilisé de la campagne présidentielle se lâche pour notre plus grande compréhension, "L'ÉLECTION TRUQUÉE CONTINUE : TF1 organise un débat sur la guerre en Ukraine où ne sont invités à débattre que 8 des 12 candidats Chois...

le 12/03/2022 à 9:32
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le coût de ce sommet pour rien commence a irriter la population i. après la rhétorique de guerre contre le virus le jeu de com politique peut effacer le sauveur

à écrit le 11/03/2022 à 14:36
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L'UE et l'Otan vont être obligée d'intervenir dès l'instant où l'armée Russe va se rapprocher de la frontière de la Pologne. Lviv sera la limite extrême de la poussée Russe. Après, c'est la guerre et ça commencera par la neutralisation de la Biéloru...

à écrit le 11/03/2022 à 14:17
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"Ce dont on a besoin, c'est de 27 armées nationales", ça existe déjà et ça s'appelle OTAN. "Pas d'armée européenne" ? la bonne blague, l'UE est une zone commerciale, pas une Nation. Bref, le sommet de Versailles rappelle à Macron que l'eau chaude ç...

à écrit le 11/03/2022 à 10:10
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A ce sujet il est instructif de lire ce qui fut écrit sur l'Ukraine et l'OTAN entre 2000 et 2015 avec les errements des Van Rompuy et Baroso (merci internet)... La guerre arrive maintenant...

à écrit le 11/03/2022 à 8:23
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L'europe, c'etait "plus de guerre". On voit le resultat. Inutile de citer la litanie des conflits passes. Cette union qui n'en a que le nom, ne sera jamais une puissance puisque chaque pays a perdu sa propre autonomie. A bruxelles une poignee de fonc...

le 11/03/2022 à 17:13
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Les décisions sont prises par le Conseil et le Parlement, qui sont tous composés d'élus. La Commission n'a que pouvoir de proposition. Toutes ces choses simples semblent très nébuleuses pour beaucoup dans ce forum..

à écrit le 11/03/2022 à 7:54
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L'UE est en panne depuis Maastricht, pas la peine de s’exciter on nous a fait le coup mille fois, les pièces de rechange n'arriveront jamais tant qu'elle n'aura pas l'aval souverain de ses peuples. Tant qu'il n'y a que les médias, les politiciens et ...

à écrit le 11/03/2022 à 4:26
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Il faut des conflits sanglants et durs, et une observation objective, clairvoyante et sans complaisance pour se rendre compte combien les opinions peuvent être manipulées par toutes sortes d'affabulateurs/tricheurs/menteurs. Parmi ces derniers se tro...

le 11/03/2022 à 8:06
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Les migrants espagnols ( vous savez comment on les appelait ? ) n'ont pas connus de soucis ? Et n'ont pas éclipsés les locaux lors d'un grand " remplacement " au moins local ? ... les italiens on les appelait comment ? Ça n'a pas été simple pour eux ...

à écrit le 11/03/2022 à 2:30
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Pourquoi la Russie n'envoie que du vieux matériel de guerre en Ukraine ? Ou sont les armements dernier cri ? Ben Poutine nous les réserve.

le 11/03/2022 à 8:17
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Les hélicopteres aligator 52 sont prets ...

à écrit le 10/03/2022 à 23:52
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Que le réveil est dur. Comme quoi mes commentaires n'étaient pas dénués de sens. Arrêtons d'acheter des Tesla, des i-phone, des clouds US et soyons de nouveau fier d'acheter des Nokia, des crosscalls, des renault ou des audi électriques, d'avoir son...

à écrit le 10/03/2022 à 20:09
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Combien de fois nous a t'on servi ce discours depuis des lustres. Mis à part la monnaie. L'Europe n'a rien en commun, dès qu'ils auront fini leur petite réunion inutile. Ce sera chacun pour soi et tout rentrera dans l'ordre

à écrit le 10/03/2022 à 19:29
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Mais non, l'Europe ne joue rien du tout : elle n'a rien à miser en ce qui concerne sa "puissance" car elle n'a aucune volonté commune, donc aucune compétence militaire même potentielle quoi qu'on en dise. Et ce tout simplement parce que ce n'est pas ...

à écrit le 10/03/2022 à 18:03
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Pas de problème si les peuples en sont convaincus, mais est ce le cas? Non, bien sûr, la question ne leur sera pas posé?

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