Pourquoi Thales décolle enfin...

Par Michel Cabirol  |   |  1109  mots
Le groupe a enregistré un niveau record des prises de commandes (18,9 milliards d'euros)
Patrice Caine a présenté des résultats 2015 exceptionnels. Le patron de Thales incarne le renouveau d'un groupe à nouveau ambitieux.

Patrice Caine est-il un PDG béni des Dieux? Son groupe Thales a réussi une année 2015 exceptionnelle sur le plan commercial et opérationnel. Un peu de chance bien sûr mais, surtout, de nouvelles orientations stratégiques ainsi que des restructurations en profondeur lancées quand il était numéro deux de Jean-Bernard Lévy à partir de décembre 2012, ont permis de remettre le groupe d'électronique dans le sens du vent. Patrice Caine (46 ans), qui s'est glissé dans le costume de PDG de Thales avec facilité, peut donc légitimement revendiquer les résultats 2015 un peu plus d'un an après sa nomination à la tête de Thales en décembre 2014. Il incarne le renouveau d'un groupe à nouveau ambitieux.

Pour autant, Thales ne bénéficiera pas toujours d'un alignement des astres aussi parfait tout le temps. Toutes les divisions - défense, aérospatial et transports - ont contribué à ces résultats exceptionnels, qui vont réjouir Dassault Aviation servi par un dividende en hausse de 21% (1,36 euro par action). Tous les voyants économiques et financiers de Thales sont au vert, à l'exception de l'activité transport. Le groupe a enregistré un niveau record des prises de commandes (18,9 milliards d'euros) en hausse de 31%, un chiffre d'affaires, en croissance organique de 4,5% (14,1 milliards), un Ebit en hausse de 23% (1,2 milliard) et, enfin, un résultat net ajusté en augmentation de 44% (809 millions). Même DCNS a contribué pour 22 millions à l'EBIT de Thales (contre -117 millions en 2014).

"L'année 2015 a marqué une étape importante dans le succès de notre stratégie de croissance rentable. Nous avons enregistré un niveau record de prises de commandes, et notre chiffre d'affaires a retrouvé une croissance solide après plusieurs années de quasi stabilité. La rentabilité a progressé en ligne avec les objectifs de moyen-terme. Dans le même temps, nous avons augmenté les investissements dans l'innovation, le marketing et le développement des talents", a expliqué Patrice Caine cité dans un communiqué publié mardi.

Un niveau record de prises de commandes

Des ventes records qui ont permis à Thales d'afficher au 31 décembre 2015 un carnet de commandes consolidé de 32,3 milliards d'euros. Soit près de de 2,3 années de chiffre d'affaires. Ce qui renforce "la visibilité sur l'activité des années à venir", explique le groupe dans le communiqué. Le ratio des prises de commandes rapportées au chiffre d'affaires (book-to-bill) s'est élevé à 1,34 sur l'exercice 2015.

En 2015, Thales a signé cinq contrats majeurs, d'un montant unitaire supérieur à 500 millions d'euros : signalisation de 4 lignes du métro de Londres (1 milliard d'euros environ), commandes liées aux achats des avions de combat Rafale par l'Egypte (environ 900 millions) et le Qatar (environ 1 milliard), contrat de plus de 1.000 véhicules par l'armée australienne (Hawkei) pour 820 millions d'euros, et système de communication militaire par satellite pour la France (ComSat NG) pour environ 650 millions d'euros.

Au total, Thales a engrangé un nombre particulièrement élevé de grandes commandes d'un montant unitaire supérieur à 100 millions dans toutes les divisions du groupe. Soit 24 au lieu de 19 en 2014 et 2013. Enfin, le groupe a enregistré une croissance de commandes d'un montant unitaire inférieur à 10 millions d'euros de 6% par rapport à 2014.

Le transport, une épine dans le pied de Thales

Ça va mieux mais ce n'est pas encore le pied pour Patrice Caine. La division Transport a enregistré un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros, en hausse de 8,4% par rapport à 2014. "En dépit des retards d'exécution sur certains contrats, ce secteur retrouve la croissance après deux années de baisse organique de son chiffre d'affaires, les activités de signalisation ferroviaire grandes lignes, de supervision et plus particulièrement de signalisation ferroviaire urbaine étant à nouveau en croissance", a expliqué Thales dans son communiqué. Ainsi, la division a enregistré 2,8 milliards d'euros, en hausse de 71% par rapport à 2014, notamment grâce au contrat remporté auprès du métro de Londres. Ainsi, pour le groupe, cette activité s'inscrit toujours dans son ADN.

Cette activité a enregistré un EBIT négatif de 37 millions d'euros (- 2,4% du chiffre d'affaires), contre 32 millions (2,3%) en 2014. Dans le cadre de la revue approfondie du portefeuille menée au cours du premier semestre 2015, des charges complémentaires ont été enregistrées, qui ont fortement affecté la rentabilité de la division. En ligne avec le plan de redressement mis en oeuvre par la nouvelle équipe de direction, cette activité est à l'équilibre au deuxième semestre 2015 (2 millions). "Après une année 2016 qui devrait être à l'équilibre, l'impact du plan de redressement doit permettre à cette activité de renouer progressivement avec la rentabilité au cours des prochaines années", a estimé le groupe.

 Et 2016?

Thales pourra-t-il continuer sur ce rythme de prises de commandes. Pas sûr. Et ce n'est pas Patrice Caine, rusé comme un sioux, qui va se risquer à être trop ambitieux pour ne pas décevoir les marchés. Le groupe a donc donné des perspectives plutôt conservatrices. "Les prises de commandes devraient se maintenir à un niveau élevé en 2016, proche de ceux observés en 2013-2014", a estimé Thales. Pour autant, le groupe pourrait remporter en 2016 plusieurs mégacontrats de plus de 1 milliard d'euros chacun comme par exemple le Rafale en Inde (36) et aux Emirats Arabes Unis (60), le construction d'une douzaine de sous-marins en Australie, un système de défense anti-aérien en Turquie, des frégates armées de missiles Aster 30 au Qatar, des satellites pour l'Egypte.

En 2016, le chiffre d'affaires devrait connaître une progression organique de l'ordre de 5% par rapport à 2015. "Cette évolution favorable, combinée à la poursuite des efforts d'amélioration de la compétitivité, devraient conduire Thales à afficher, sur la base des taux de change de février 2016, un EBIT compris en 1,3 et 1,33 milliard d'euros, en hausse de 7 à 9% par rapport à 2015", a averti Thales. Dans ce contexte, Thales a revu à la hausse son objectif à moyen terme de croissance organique du chiffre d'affaires. Le groupe vise à présent une progression organique de l'ordre de 5% pour les années 2017 et 2018, et confirme son objectif de taux de marge d'EBIT de 9,5% à 10% à cet horizon.

"Ces bons résultats confortent notre conviction que Thales a maintenant renoué durablement avec la croissance, a estimé Patrice Caine. Nous révisons à la hausse notre objectif de croissance organique du chiffre d'affaires pour les années à venir, et confirmons notre objectif de rentabilité à l'horizon 2017-2018. (...) Thales réalise une transformation profonde, porteuse de croissance rentable et durable".

Dans l'avenir, le PDG de Thales a souligné l'importance du marché de niche de l'IFE (In Flight Entertainment), le multimédia de bord, une activité en croissance de 10% au sein du groupe, ainsi que celui de la "connectivité" à bord, "encore en maturation" mais "en croissance très forte", de l'ordre de 15%.