"Les grands céréaliers doivent augmenter les rendements en respectant l'environnement"

Pour nourrir la planète en respectant l'environnement, les agriculteurs doivent innover davantage. Entretien avec Thierry Blandinières, DG d'InVivo, premier groupe coopératif agricole français.
Thierry Blandinières, DG d'InVivo. / DR

LA TRIBUNE - Innovation et compétitivité sont-elles les clés de l'agriculture de demain ?

Thierry Blandinières. L'agriculture française est un acteur économique important, en France comme au niveau mondial. Notre chance est d'avoir, compte tenu de nos atouts climatiques, une production régulière, qui nous permet d'être constamment présents sur le marché mondial. Aujourd'hui, cependant, nous devons prendre en compte des pays comme la Chine, l'Ukraine, le Brésil et même l'Allemagne, cette dernière étant devenue très compétitive dans certaines filières. Et si le maïs, dans le Sud-Ouest de la France, affiche les rendements les plus élevés au monde, il existe encore une marge de progrès. Les grands céréaliers doivent augmenter les rendements à l'hectare tout en respectant l'environnement.

Nous devons donc remettre en cause notre modèle économique, afin d'être plus compétitifs. Ainsi, nous vendions jusqu'à présent du blé de qualité moyenne. Mais aujourd'hui, l'Ukraine et les États-Unis fournissent du blé de meilleure qualité, et nous perdons des marchés, au Maghreb, notamment. Les goûts des consommateurs, à mesure qu'une classe moyenne émerge dans le monde, évoluent. La filière blé doit donc s'adapter à cette nouvelle demande.

Comment s'adapter, justement ?

Pour avoir des taux de protéines plus élevés dans le blé, la terre doit être plus riche, ce qui pourrait signifier plus de fertilisants. Or, nous voulons offrir des produits plus qualitatifs, mais avec moins d'intrants, afin de mieux respecter l'environnement. Il s'agit donc d'adopter le concept d'agriculture de précision : des fertilisants seront utilisés, mais uniquement là où ils seront nécessaires.

InVivo a initié, dans le sillage du Grenelle de l'environnement, le programme « Epiclès ». Dans des fermes pilotes, nous cartographions les champs afin de déterminer quelle zone nécessite quel type d'intrants, et en quelle quantité. À l'aide de satellites et de logiciels, nous enregistrons le plus d'informations possible, nous les traitons et nous donnons des indications sur le type et la quantité d'intrants requis. Bref, nous avons nous aussi recours au big data !

Aujourd'hui, 1,8 million d'hectares, soit 10% des surfaces cultivables en France, sont sous « Epiclès ». Evidemment, il nous faut démontrer aux agriculteurs que cette nouvelle stratégie est rentable. Et c'est le cas ! Entre les avantages en matière d'écologie (avec moins d'intrants) et l'augmentation des rendements, le gain est de 50 euros à l'hectare en moyenne. Notre programme est si efficace que nous venons de signer un partenariat avec une société britannique, Hutchinson Group, pour le mettre en place à l'automne prochain au Royaume-Uni. Il ne s'agit pas de dire que pour protéger l'environnement, nous devons produire moins. Nous devons produire plus et mieux.

Le bio est-il de nature à aider l'agriculture française ?

Il existe deux normes dans le bio : la norme française, très contraignante, qui résulte d'une démarche politique, et la norme européenne, plus économique et calquée sur le système allemand, qui vise une montée en gamme de l'agriculture conventionnelle tout en restant compétitif.

Le bio est intéressant pour le poulet en Bretagne, mais restera une niche, compte tenu des contraintes. Faire du poulet bio ne règle donc pas le problème de la production plus standard. Alors que dans le Sud-Ouest, les producteurs ont opté pour une différenciation, avec des labels de qualité, la Bretagne s'est concentrée sur le couple prix-volume, afin d'être compétitive face au reste du monde. Cela a marché pendant trente ans. Mais ce n'est plus le cas, en raison de la présence des Brésiliens sur le marché, mais aussi de l'Allemagne, dont les élevages de poulets sont plus grands (notamment en ex-RDA) que chez nous, et plus compétitifs.

Or, si les Allemands ont réussi à s'adapter avec les mêmes normes que celles que nous devons observer, nous devons aussi pouvoir évoluer. Il nous faut réorganiser la production, autour de fermes plus compétitives, avec un schéma de méthanisation, par exemple. Une économie circulaire, qui permet une meilleure efficacité tout en réalisant des gains écologiques.

Nous voilà donc face à un paradoxe : pour faire plus d'écologie, il faut une taille critique, autrement dit, de plus grosses fermes... Idem pour les abattoirs. Ils doivent être plus grands pour être plus compétitifs.

Y a-t-il des échanges entre l'Inra et les agriculteurs pour stimuler l'innovation ?

Nous travaillons effectivement avec l'Inra, notamment autour d'Agri Sud-Ouest Innovation, le pôle de compétitivité Midi-Pyrénées et Aquitaine, dont l'objet est d'améliorer l'agrochaîne, autrement dit, la chaîne de valeur entre la fourche et la fourchette. Nous planchons ainsi sur un programme « maïs et eau », qui renvoie au concept d'agriculture de précision. Pour doser l'irrigation et éviter de gaspiller l'eau, nous tentons d'avoir une idée précise de la situation agronomique du terrain. Il ne s'agit pas, sur de telles surfaces, d'un goutte-à-goutte comme cela se fait en Israël, mais notre système est labellisé, et à ce titre, reçoit des subventions européennes et régionales.

Pourquoi l'innovation est-elle également une nécessité dans l'agroalimentaire ?

L'innovation dans l'agroalimentaire est clairement le relais de croissance de demain. Le secteur vins et spiritueux est celui qui exporte le plus avec celui des céréales, mais il fonctionne sur une logique de terroirs et d'AOC. Il s'agit donc, avec le vin en vrac, par exemple, d'adopter une nouvelle démarche marketing, afin de mieux valoriser cette production. Chaque filière doit revoir ses produits pour les adapter aux goûts du pays ciblé. Bordeaux fait déjà du rosé, c'est une belle innovation !

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>>> FOCUS

LES COOPÉRATIVES, UN MODÈLE PERTINENT

À l'heure où une nouvelle économie collaborative émerge, le modèle des coopératives agricoles prend toute sa pertinence. Emblématique de ce mouvement, le groupe InVivo, qui réunit quelque 200 coopératives agricoles françaises, rassemblant plus de 300000 agriculteurs, a fait de l'innovation sa spécialité.

Avec un budget annuel de R&D de 34 M€, le groupe a affiché un CA de plus de 6 Md€ sur l'exercice 2012-2013 (dont 50% à l'international). Au-delà du commerce des grains (premier exportateur de blé français), InVivo produit de la nourriture animale au Mexique, au Brésil, au Vietnam et en Indonésie et exporte le savoir-faire français. Le sien va de l'optimisation des intrants à une meilleure santé animale, en passant par une production céréalière accrue et de qualité.

Dirigé depuis juin 2013 par le corrézien Thierry Blandinières - diplômé de l'ESC Nantes et titulaire d'un Executive MBA d'HEC, il a commencé chez Procter et Gamble -, le groupe mise sur le développement durable, qu'il considère comme un vecteur essentiel de création de valeur pour l'agriculture.

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Commentaires 18
à écrit le 15/03/2014 à 17:51
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"Les grands céréaliers doivent augmenter les rendements à l'hectare tout en respectant l'environnement."...et en cultivant des OGM. Du foutage de gueule.

à écrit le 08/03/2014 à 14:24
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Si nous vivons de + en + vieux c'est grâce aux progrès de la médecine, les Français ne souffrent plus de famine depuis plus d'un siècle. Par contre ils meurent de plus en plus du cancer, plus de 350 000 nouveaux cas en 2013, à ce rythme là, aucun d...

à écrit le 06/03/2014 à 12:25
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Fatigant de répondre à toutes les âneries lues sur l'agriculture ! La faute à la télé qui diffuse des reportages irresponsables, alarmistes sans preuves ? En attendant nous continuons à mourir de plus en plus vieux. Sur les pesticides, on confond tou...

le 15/03/2014 à 18:01
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"Mangez sans crainte de la nourriture, même industrielle ! " Pour que les industriels de la chimie, des ogm, les grands céréaliers et le secteur de l'agro-alimentaire continuent à s'en mettre plein les poches. En ce qui concerne la chimie, c'est su...

à écrit le 05/03/2014 à 10:08
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la formule, déjà augmenter le rendement et respecter l'environnement, ne vont pas ensemble, c'est tout ! (un peu comme pour les humains d'ailleurs : augmenter le rendement et respecter l'humain, on voit où ça pousse certains, à l'irrémédiable en tem...

le 06/03/2014 à 12:06
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Affirmation péremptoire : "augmenter le rendement et respecter l'environnement, ne vont pas ensemble". D'où sortez-vous cette certitude ? Certes diffusée à longueur d'antenne par nos idéologues écologistes. Votre principale erreur est de croire qu'un...

à écrit le 05/03/2014 à 8:55
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c'est ça, oui ! on "nourrit la planète" et de concert on fait CREVER par toutes sortes de s......operies les individus plus vite, avec au passage beaucoup, beaucoup de fric !!

à écrit le 05/03/2014 à 8:31
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faire de l'intensif sans pesticides c'est déjà ne pas respecter l'environnement. Une seule solution: réduire la croissance des populations surtout lorsqu'elles vivent en zones à faible potentiel alimentaire. Distribution gratuite des capotes et poli...

le 05/03/2014 à 10:00
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pour les inconséquents, oui, mais une éducation" servirait elle à quelque chose, vraiment?? un peu de réalisme : vous crevez la faim, vous n'avez pas d'avenir, mais vous faites des gosses en pagaïe..la réflexion même réduite, vous y croyez? il y a a...

à écrit le 05/03/2014 à 4:42
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Une étude récente a montré la qualité du sperme par région. On a vu les régions avec trop de pesticides comme Bordeaux, Toulouse, Dijon, sont très très très dangereuses pour la santé !

le 05/03/2014 à 8:30
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Malgré cela,que croyez vous qu'ils en ont à faire? le fric passe au dessus de tout, même de la vie des hommes, c'est hélas, bien connu et ce n'est pas prêt de changer !! (j'oubliais les hommes politiques eux mêmes s'en contre foutent royalement !)

le 06/03/2014 à 11:58
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Analyse trop rapide de la carte de la qualité du sperme en France : aucune corrélation établie sur la base de l'exposition des populations à sperme détérioré face aux pesticides. Il y en a peut-être une, mais ce n'est pas encore étudié. Que dire de l...

à écrit le 04/03/2014 à 23:50
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Au supermarché, on a le choix entre la farine Francine blanche et la farine Francine Bio. Je suppose que si, la 1ère, la farine blanche n'a pas le sigle bio, c'est qu'il y a des résidus de pesticides dedans. Pourtant, c'est la farine la plus communém...

le 05/03/2014 à 8:34
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malheureusement pas tout le monde ne peut le faire, manger bio...et, puis il est reconnu aussi que le bio.....on oublie trop vite le vent sur les récoltes même bio qui apporte pas mal de cochonneries, les pluies acides etc...ils ne peuvent pas mettre...

à écrit le 04/03/2014 à 23:43
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65% de la production agricole sert à nourrir des vaches et des poulets que nous surconsommons, alors qu'il ne faudrait pas en consommer du tout vu que l'homme est herbivore. Et ceci malgré que des centaines de millions de personnes souffrent de la fa...

le 05/03/2014 à 4:46
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L'homme n'est pas herbivore mais OMNIVORE, il a besoin de protéines que son corps ne sait pas fabriquer. Par contre, vous avez raison, l'excès de viande est dangereux pour la santé, mais nous sommes dans une société où la viande est synonyme de pros...

à écrit le 04/03/2014 à 19:51
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Mettre du marketing sur du luxe, évident, pas trop difficile et très rentable. Par contre sur de l'élevage intensif, il faudrait demander à Doux ou Gad ... Par contre on voit clairement que dans les céréales la France n'est plus dans le haut du pani...

à écrit le 04/03/2014 à 19:32
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il serait grand temps que les grands céréaliers respectent ENFIN l'environnement, et nous par la même occasion !!! ils préfèrent nous empoisonner à petit feu, et personne ne fait rien pour arrêter tout ça!! FRIC ! oblige! ! là, encore, LAMENTABLE co...

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