Tiffany attaque LVMH en justice pour non respect des accords du rachat

Le rachat de Tiffany par LVMH semble compromis mercredi, après que le géant mondial du luxe a annoncé qu'il n'était pas "en mesure" de réaliser l'opération "en l'état", et que le joaillier américain a riposté en attaquant en justice le groupe français.
Fondée à New York en 1837 et rendue célèbre dans le monde entier en 1961 par le film Breakfast at Tiffany's (Diamants sur canapé) avec Audrey Hepburn, la maison Tiffany est connue pour ses diamants et la couleur bleu-vert de ses écrins.
Fondée à New York en 1837 et rendue célèbre dans le monde entier en 1961 par le film "Breakfast at Tiffany's" ("Diamants sur canapé") avec Audrey Hepburn, la maison Tiffany est connue pour ses diamants et la couleur bleu-vert de ses écrins. (Crédits : Gonzalo Fuentes)

>> Article du 9/9/2020 à 12:50 | Mise à jour à 18:35

Tiffany va poursuivre LVMH en justice en raison du report du projet d'acquisition du joaillier américain par le géant français du luxe, rapporte mercredi le Financial Times.

LVMH a évoqué juste auparavant un abandon de cette opération estimée à 16,2 milliards de dollars (13,8 milliards d'euros), en raison d'une demande des autorités françaises de la reporter au-delà du 6 janvier et de la requête de Tiffany pour décaler sa finalisation du 24 novembre au 31 décembre. Dans un communiqué séparé quelques minutes plus tard, Tiffany a annoncé qu'il attaquait en justice aux Etats-Unis le groupe de Bernard Arnault, afin de l'obliger à faire aboutir la transaction et à respecter les termes de l'accord signé entre les parties.

"Une succession d'événements de nature à fragiliser l'opération"

Fin août, les deux parties avaient repoussé de trois mois, à fin novembre, la date butoir pour boucler leur rapprochement, d'un montant record de 16,2 milliards d'euros. Mais "après une succession d'événements de nature à fragiliser l'opération d'acquisition de la société Tiffany", LVMH a réuni mercredi son conseil d'administration.

A son issue, LVMH a indiqué avoir "pris connaissance d'une lettre du ministre de l'Europe et des Affaires Etrangères (Jean-Yves Le Drian, ndlr) qui, en réaction à la menace de taxes sur les produits français formulée par les Etats-Unis, demande au groupe LVMH de différer l'acquisition de Tiffany au-delà du 6 janvier 2021".

"Le conseil d'administration a également pris note de la demande de Tiffany de repousser le délai limite de réalisation de l'accord du 24 novembre 2020 au 31 décembre 2020", précise le communiqué.

Mais il indique avoir "décidé de s'en tenir aux termes" de l'accord conclu en novembre 2019 prévoyant une date limite pour la clôture de l'opération au plus tard le 24 novembre 2020, et a "acté, qu'en l'état, LVMH ne serait donc pas en mesure de réaliser l'opération d'acquisition de la société Tiffany & Co".

Le tsunami du COVID-19

Avec la crise du coranavirus, et sur fond de guerre commerciale entre Paris et Washington, les obstacles se sont accumulés entre LVMH et Tiffany, compromettant le mariage du siècle dans le luxe. Quand les deux groupes ont annoncé leur rapprochement en novembre dernier, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes avec des marchés lancés à l'assaut des sommets qui autorisaient toutes les audaces financières pour les deux groupes.

"Avec 16,2 milliards de dollars, il s'agissait incontestablement de la plus grosse acquisition de l'histoire du luxe", estime auprès de l'AFP Arnaud Cadart, gérant de portefeuilles chez Flornoy & Associés.

Mais l'arrivée de la crise et ses conséquences massives ont, sans surprise, conduit à une nouvelle analyse de la situation.

Un diamant trop cher ?

16,2 milliards quand tout va bien, c'est déjà beaucoup, mais quand l'activité baisse et les cours de Bourse aussi, c'est une autre histoire.

"Le business de Tiffany n'était pas censé être heurté à ce point-là, les conditions de prix qui prévalaient dans un monde de pré-Covid", n'étaient plus les mêmes, poursuit M. Cadart.

Pour les acteurs de marché, "LVMH qui était le seul acheteur naturel" pour le joaillier américain a sans doute eu le "sentiment qu'il était en droit de négocier une baisse de prix", avec un cours de Tiffany qui s'éloignait de plus en plus des 135 dollars par action prévus au départ. Hier à la clôture à Wall Street, le titre a terminé à près de 122 dollars.

Lors d'une conférence de presse, le directeur financier de LVMH, Jean-Jacques Guiony a toutefois assuré :

"Nous n'avons jamais essayé de renégocier les termes de cette transaction".

Pas assez de "preuves d'amour"

Si les deux groupes ont très peu communiqué sur leurs négociations, comme souvent dans ce genre de dossier, la prudence était néanmoins devenue palpable.

"Le marché attendait des preuves d'amour" qui ne sont pas venues, relate M. Cadart.

Dans les communiqués publiés mercredi, les deux camps s'accusent mutuellement d'avoir fait traîner.

Alors qu'ils avaient annoncé fin août repousser de trois mois - à fin novembre - la date butoir pour boucler l'opération, le conseil d'administration de LVMH fait état mardi d'une nouvelle demande "de Tiffany de repousser le délai limite de réalisation de l'accord du 24 novembre 2020 au 31 décembre 2020".

De son côté, Tiffany, qui poursuit en justice aux États-Unis le groupe de Bernard Arnault, affirme que LVMH n'avait pas, à la date du 24 août 2020, lancé certaines demandes auprès d'autorités compétentes pour leur feu vert concernant l'opération, notamment l'Union européenne ou Taïwan.

La guerre commerciale

LVMH explique notamment sa décision par une lettre du ministre français de l'Europe et des Affaires Etrangères Jean-Yves Le Drian, "qui, en réaction à la menace de taxes sur les produits français formulée par les États-Unis, demande au groupe LVMH de différer l'acquisition de Tiffany au-delà du 6 janvier 2021".

En cause: les mesures de rétorsion visant des produits français représentant 1,3 milliard de dollars, annoncées en juillet par Washington pour punir Paris d'avoir instauré une taxe sur les géants technologiques américains. Mais dont l'applicaiton est gelée pour l'instant.

Pour certains experts, si l'éventualité d'un impact de la guerre commerciale n'est pas à exclure, cela offrirait aussi à LVMH une parade pour ne pas froisser ses partenaires aux Etats-Unis où le groupe est très actif.

Une autre opportunité en embuscade ?

Cet abandon "peut aussi laisser la place à d'autres opportunités et notamment l'acquisition des 34% encore détenus par (le géant britannique des spiritueux) Diageo dans Moët Hennessy", dont LVMH détient déjà 66%, note M. Cadart.

Alors que Diageo a entamé une procédure d'arbitrage contre la décision de LVMH de couper les dividendes au titre de 2019 en raison de la crise, cette acquisition qui "représente environ 15 milliards, permettrait à Bernard Arnault de boucler la boucle de 30 ans de consolidation de sa position au sein du géant".

(avec AFP et Reuters)

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Commentaires 4
à écrit le 10/09/2020 à 9:13
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Après le lamentable naufrage de BAYER qui a acheté MONSANTO au plus cher alors que tous les indicateurs étaient dans le rouge, il était prudent de prendre en contexte la crise actuelle afin d'éviter un deuxième échec successif européen d'ampleur. ...

à écrit le 09/09/2020 à 20:21
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15 milliards pour les 34% de Diageo, vous etes sur ?

à écrit le 09/09/2020 à 18:16
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LVMH va subir la foudre de la justice américaine

le 09/09/2020 à 22:35
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Les américains n’ont pas hésité à faire de même en abandonnant le rachat d’Embraer par Boeing,

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