PSA officialise sa grande alliance avec le chinois Dongfeng et... l'Etat français

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1071  mots
PSA Peugeot-Citroën bénéficiera d'une augmentation de capital de 3 milliards d'euros, et d'un partenariat renforcé avec son nouvel actionnaire, le chinois Dongfeng.
PSA Peugeot Citroën officialise enfin ce mercredi son alliance avec le groupe public chinois Dongfeng ainsi que l'entrée au capital de l'Etat français. Le groupe automobile a annoncé une augmentation de capital de 3 milliards d’euros. Il a affiché une perte nette de 2,3 milliards l'an dernier.

Ca y est. Après de nouvelles pertes  encore très lourdes l'an dernier, PSA Peugeot Citroën officialise enfin ce mercredi son alliance avec le groupe public chinois Dongfeng ainsi que l'entrée au capital de l'Etat français. Le groupe automobile a annoncé une augmentation de capital de 3 milliards d'euros. Comme La Tribune l'avait écrit, l'Etat français et Dongfeng vont investir chacun 800 millions d'euros dans cette opération en plusieurs étapes, à l'issue de laquelle ils détiendront 14% du capital de PSAchacun.

Un tournant historique, avec l'entrée d'un constructeur chinois pour la première fois dans un grand groupe automobile occidental et une prise de participation inédite de l'Etat français, qui détiendra quasiment la même part de PSA que de... Renault! L'opération, qui a fait l'objet de longs mois de négociations, a été approuvée mardi "à l'unanimité" par le conseil de surveillance du constructeur de l'Avenue de la Grande-Armée à Paris. Longtemps réticent, Thierry Peugeot , l'actuel président du conseil en sursis, a salué l'ouverture d'une "nouvelle page de l'histoire de PSA Peugeot Citroën", qui va renforcer "sa solidité financière tout en traçant des perspectives de développement ambitieuses" et assurer "la pérennité du groupe".

Synergies majeures avec Dongfeng

Ces opérations se concrétiseront avec la signature de l'accord final  prévu pour la fin mars 2014. Au crucial volet financier, qui va permettre à PSA en mal d'argent frais d'avoir les moyens de financer ses projets, s'ajoute un volet industriel et commercial, avec une volonté de renforcement de PSA en Chine et en Asie du sud-est - où il est très faible - ainsi que la réalisation de synergies industrielles avec le groupe chinois pour environ 400 millions d'euros par an (pour le seul PSA) à l'horizon 2020. Une plate-forme à bas coûts pour des véhicules destinés aux pays émergents est à l'étude.

Sur la seule Chine, PSA prévoir de tripler les ventes de DPCA, sa co-entreprise historique avec Dongfeng à 1,5 million d'unités en 2020. Le lancement de deux à trois modèles par an pour l'ensemble des trois marques (Peugeot, Citroën et la marque propre de DPCA) est prévu. Les accords prévoient aussi la création d'un centre de recherche et développement  commun, dédié au développement des produits et technologies pour les marchés à forte croissance, dont la Chine.

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Un nouveau patron

Pour mettre en oeuvre cette nouvelle stratégie, PSA a annoncé ce mercredi la nomination d'un nouveau patron. Ex-bras droit de Carlos Ghosn chez Renault, Carlos Tavares prendra comme prévu la présidence du directoire de PSA le 31 mars 2014, en succession de Philippe
Varin.

PSA Peugeot Citroën a par ailleurs annoncé ce mercredi l'ouverture de négociations exclusives pour adosser sa filiale bancaire Banque PSA Finance à Santander Consumer Finance, filiale de crédit à la consommation du groupe espagnol Santander. L'opération vise à nouer des partenariats à parts égales sur les différents marchés européens du constructeur automobile français. Elle permettra à Banque PSA Finance de ne plus avoir recours à la garantie de l'Etat français pour assurer le financement de ses activités" et pourrait renflouer les caisses de la maison-mère à hauteur de 1,5 milliard d'euros d'ici à 2018, selon PSA. Bon à prendre.

Lourdes pertes en 2013

Le groupe a présenté également ce mercredi ses résultats financiers au titre de 2013,  largement dans le rouge, malgré une nette amélioration. Le constructeur en crise a consommé certes seulement 426 millions d'euros de cash l'an dernier, alors qu'il avait prévu initialement d'en brûler 1,5 milliard - contre 3 milliards en 2012. Ca, c'est la bonne nouvelle qui témoigne d'un assainissement de la situation du consortium. Avec un chiffre d'affaires en baisse de 2,4% à 54,1 milliards d'euros, PSA a affiché un résultat opérationnel courant en perte de 177 millions d'euros seulement, ce qui est aussi satisfaisant par rapport aux 560 millions de l'année noire 2012.

En revanche, les activités automobiles seules, au coeur des activités du groupe,  ont affiché un chiffre d'affaires en baisse de 4,8% à 36,5 milliards et une perte opérationnelle supérieure à un milliard (1,042 exactement). Cela représente une diminution, certes, à comparer avec le 1,49 milliard de 2012. Mais il n'empêche, le taux de marge reste négatif de 2,9% pour la division automobile! Même divisée par deux, la perte nette du constructeur reste immense, à savoir 2,31 milliards d'euros! La dette nette de PSA au 31 décembre 2013 était encore de 4,15 milliards.

PSA se félicite des bonnes ventes de la petite Peugeot 208 avec 353 000 véhicules écoulés en Europe et au Brésil en 2013, de la nouvelle compacte Peugeot 308, avec près de 42 000 unités en trois mois  de commercialisation, et du "crossover" urbain 2008, avec plus de 100 000 exemplaires, qui a largement dépassé ses objectifs. Satisfecit aussi hors d'Europe pour  la Citroën C4L en Chine, l'extension de la ligne DS, et les  Peugeot 301 et Citroën C- Elysée pour pays émergents.

La Chine peu rentable

Mais le redressement du groupe malade n'est pas terminé, très loin de là. Faute, notamment d'économies d'échelle suffisantes jusqu'ici. Par ailleurs, le groupe reste cantonné dans des véhicules relativement petits et compacts à faibles marges, dont une bonne partie reste encore produite à coûts élevés en France. Le constructeur est aussi frappé par l'évolution négative des marchés européens et un fort impact des taux de change (526 millions, sous l'effet essentiellement du peso argentin, du real brésilien, de la livre britannique et du rouble).

Enfin, malgré 557.000 ventes en 2013, la Chine rapporte toujours très peu par rapport à ce que génère ce pays pour GM ou Volkswagen: à peine 100 millions d'euros de dividende! Presque rien, après plus de vingt ans de présence industrielle. "L'Amérique Latine et Russie sont deux régions à améliorer", assure en outre  laconiquement le groupe pour masquer de très mauvais résultats dans ces deux zones. PSA est jusqu'ici insuffisamment intercontinentalisé.

"Dans la continuité de la tendance de 2013, nous allons poursuivre notre gestion active du cash avec pour objectif un "free cash flow opérationnel" positif en 2016 au plus tard", annonce prudemment PSA. Le groupe s'est refusé à tout autre pronostic pour l'année en cours. Philippe Varin a toujours été prudent.

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