Comment l'auto allemande reste "made in Germany"

Par Alain-Gabriel Verdevoye, à Berlin et Munich  |   |  886  mots
La BMW Série 2 Active Tourer sera produite à Leipzig
Volkswagen comme BMW accroissent leur production et leurs effectifs en Allemagne. Ils misent sur la formation des salariés, la qualité de la main d'oeuvre, la flexibilité, mais aussi leur spécialisation dans le "premium" pour faire tourner leurs sites de production outre-Rhin. Malgré les coûts élevés.

"Toutes  nos usines tournent à plus de 100% des capacités. Certaines sont à 120%", affirme  Harald Krüger, Directeur de la production de BMW. La firme bavaroise a d'ailleurs recruté 4.500 personnes outre-Rhin l'an passé, dont 1.700 intérimaires transformés en salariés à contrat indéterminée. Les effectifs du seul site de Leipzig, qui produit notamment la Série 1 mais aussi la nouvelle gamme écologique "i", ont ainsi crû d'un tiers en un an à 3.900 personnes. En 2013, BMW a fabriqué pour la troisième année consécutive plus d'un million de véhicules en Allemagne, soit 50% de ses volumes de fabrication mondiaux.

Recrutement en Allemagne

Le munichois n'est pas seul dans ce cas outre-Rhin. Le groupe Volkswagen assure avoir titularisé pour sa part l'an dernier 5.300 salariés intérimaires ou à contrat déterminé en Allemagne. Le nombre d'employés du groupe Volkswagen en Allemagne ne cesse d'ailleurs d'augmenter. Il a progressé de 82.000 personnes entre 2009 en 2013 à 255.000, une croissance à laquelle l'intégration des 18.000 salariés de Porsche dans le consortium à la mi-2012 n'a que marginalement contribué.

La production en Allemagne du groupe de Wolfsburg a, il est vrai, progressé de plus de 500.000 unités en quatre ans à 2,45 millions d'exemplaires. Soit là aussi une croissance très supérieure à la seule intégration de Porsche (165.000 véhicules fabriqués l'an passé en Allemagne). Et ce, alors que les ventes de Volkswagen outre-Rhin ont légèrement régressé, elles, sur la période. 

Le groupe de Basse-Saxe fabrique encore 25% de ses véhicules outre-Rhin, alors que l'Allemagne n'absorbe plus que 12% de ses ventes mondiales. A titre de comparaison, Renault produit moins de 20% de ses véhicules en France, tandis que l'Hexagone absorbe encore 21% de ses ventes. Si Volkswagen produit sa compacte Golf outre-Rhin... il n'en reste pas moins qu'il fabrique ses petits modèles Polo en Espagne) ou Up en Slovaquie.

Bonus pour les salariés

Les employés de Volkswagen en Allemagne bénéficieront même d'un bonus de 6.200 euros au titre de 2013 (en baisse toutefois de 1.000 euros sur 2012). BMW versera pour sa part un bonus de 8.140  euros.

La production totale de voitures particulières outre-Rhin a d'ailleurs progressé de 1% l'an dernier à 5,45 millions d'unités, toutes marques confondues. Même si ces chiffres sont un peu inférieurs au record de 2011, c'est plus qu'il y a dix ans, alors que la production auto de Renault et PSA en France a chuté de moitié  dans le même temps! Et ce n'est pas fini. Audi, filiale haut de gamme de Volkswagen, a ainsi annoncé que 50% des 22 milliards d'euros investissements prévus entre 2014 et 2018 profiteraient aux sites historiques d'Ingolstadt et de Neckarsulm, dans le sud de l'Allemagne.

"Il faut savoir être plus productif"

Mais comment font-ils donc ces constructeurs allemands pour produire chez eux avec des coûts salariaux élevés? "Avec des coûts élevés, il faut savoir être plus productif. Or, nos usines allemandes  le  sont", explique Harald Krüger, rencontré mercredi dernier, en marge de la conférence du bilan de BMW à Munich. "Nous avons en Allemagne un excellent niveau de formation et de qualification", indique-t-il. "On a un vrai savoir-faire. C'est possible de faire de la qualité ailleurs, mais ça prend du temps en formation", renchérit Peter Schwarzenbauer, membre du directoire du groupe BMW en charge de Mini, Rolls-Royce et des motos.

L'Allemagne bénéficie en particulier de la politique de formation interne historique, dite de l'apprentissage "Ces programmes d'apprentissage son un avantage compétitif de l'Allemagne. On a introduit même ce système aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Inde", précise Harald Krüger.

Usines très flexibles

"Pour être productif, il faut des usines très flexibles. Avec nos nouveaux moteurs modulaires, nous produirons sur les mêmes lignes des trois, quatre et six cylindres essence et diesel. On pourra ainsi jouer sur la production, selon la demande", poursuit  Harald Krüger. Les constructeurs automobiles allemands bénéficient aussi d'accords syndicaux permettant de fortes variations de production, en cas de nécessité.

Evidemment, les groupes allemands achètent beaucoup de composants dans les pays d'Europe centrale à bas coûts environnants. Pourtant, "la base de fournisseurs allemands reste la première. 47% de nos volumes d'achats sont effectués en Allemagne, 19% en Europe occidentale (hors Allemagne), 17% en Europe de l'est", souligne Harald Krüger.

Véhicules "premium" à fortes marges

Les allemands ont en fait un atout-clé, qu'ils évoquent moins volontiers. Ils produisent en Allemagne des véhicules "premium" vendus beaucoup plus chers, donc  moins sensibles aux coûts que les petites voitures qui génèrent une bonne partie des ventes de Renault et PSA. Porsche produit ainsi la totalité de ses véhicules sur le territoire allemand.

Cette tradition allemande du "premium" est due notamment à la montée en gamme progressive des clients en Allemagne des années 60 à nos jours, mais aussi à un soutien indéfectibles des pouvoirs publics  de Bonn puis de Berlin à leurs constructeurs nationaux. N'oublions pas que la vitesse est libre sur une bonne partie des autoroutes allemandes, ce qui favorise la vente de gros véhicules puissants, lesquels font la renommée de l'industrie auto germanique dans le monde entier. Enfin, la politique fiscale des gouvernements allemands successifs n'est pas dissuassive vis-à-vis des voitures de forte cylindrée. Celle-là même qui génèrent les marges.