PSA : un cap sur la Chine pas forcément réaliste

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  930  mots
La nouvelle Citroën C-Elysée, produite dans la co-entreprise DPCA avec Dongfeng
Avec le soutien du groupe Dongfeng, PSA veut tripler ses ventes en Chine d'ici à 2020. Mais la firme tricolore reste encore très marginale dans l'ex-Empire du milieu, avec 3,6% de part de marché seulement. Volkswagen, GM, Hyundai-Kia, Nissan, Toyota, Honda, Ford, sont bien mieux implantés.

La Chine, la Chine. "D'ici à 2015, la Chine sera le premier marché de PSA", martelait Philippe Varin, président sortant du directoire de PSA, mercredi soir, lors d'une conférence de presse commune avec Xu Ping, patron de Dongfeng, et Pierre Moscovici, ministre de l'Economie. "Certains mois, en Chine, on immatricule plus de voitures qu'en une année en France", rappelle, gourmand, Robert Peugeot, président de la holding familiale FFP et membre du conseil de surveillance de  PSA, pour  bien démontrer l'importance de ce pays dans la stratégie du groupe.

Le constructeur français a officialisé mercredi à l'Elysée son mariage stratégique avec le consortium public chinois Dongfeng, avec lequel il avait déjà créé une co-entreprise en Chine au début des années 90. Ce mariage prévoit notamment une très forte impulsion donnée aux activités de PSA sur place.

Petite part de marché pour PSA

Le salut du groupe passe-t-il par la Chine? Voire. DPCA,  la traditionnelle co-entreprise chinoise entre PSA et Dongfeng qui veut implanter une quatrième usine, compte certes augmenter ses ventes cette année dans l'ex-Empire du milieu à 650.000 unités (+50.000 DS), contre 550.500 l'an dernier. Et PSA vise même 1,5 million d'unités en 2020.

Mais, derrière des chiffres qui peuvent faire rêver, il y a une réalité.  Pionnier dans l'ex-Empire du milieu au milieu des années 80 en compagnie de Volkswagen, PSA est à la traîne en Chine. Même si sa croissance est forte ces dernières années, le constructeur tricolore part de très loin, puisqu'il s'est fait doubler progressivement par des nouveaux entrants plus dynamiques, tandis que Volkswagen creusait l'écart.

L'équivalent de deux mois pour Volkswagen

Les ventes de PSA en 2013 ont représenté globalement sur place ce que le seul groupe Volkswagen vend localement sur les deux premiers mois de 2014. Et c'est à peine plus que les seules ventes annuelles en Chine d'Audi, marque haut de gamme de Volkswagen. La part de marché de PSA ne dépasse pas un modeste 3,6%. Et ses profits locaux restent fort modestes.

Le groupe Volkswagen a livré pour sa part 3.266.235 voitures de marque Volkswagen, Audi et Skoda (+16,2%) en Chine sur 2013. Lié aux groupes SAIC et FAW, le groupe Volkswagen dispose de huit usines d'assemblage en Chine Il y investit 9,8 milliards d'euros entre 2013 et 2015 pour porter notamment ses capacités à 4 millions d'unités, voire 18 milliards d'euros entre 2013 et 2018. Le consortium allemand a réalisé en 2013 un bénéfice opérationnel record sur place de 4,3 milliards d'euros                             

Volkswagen n'est pas le seul à réussir. General Motors compte pour sa part dépasser un peu la croissance du marché automobile chinois cette année, estimée entre +7 % et +10 %. En 2013, General Motors a vendu 3,16 millions de véhicules sur le marché chinois avec ses coentreprises locales (+11,4 %). Le coréen Hyundai devait de son côté signer ce jeudi un accord pour implanter une quatrième usine dans le pays, à Chonqqing.

Hyundai-Kia en pleine expansion

Hyundai peut aujourd'hui fabriquer 1,05 million de véhicules annuellement en Chine, dans trois usines situées dans les environs de Pékin. Le groupe automobile coréen est également représenté en Chine à travers son autre marque, Kia, associée à... Dongfeng elle aussi. Kia vient de mettre se service un troisième site. Le consortium Hyundai-Kia dans son ensemble prévoit de vendre 1,7 million de véhicules sur le marché chinois cette année, contre 1,58  en 2013 (+18%).

Nissan, premier partenaire en Chine de... Dongfeng (!), y table sur une hausse de 10% de ses ventes cette année à 1,4 million d'unités. Ford compte y écouler plus d'un million de véhicules, contre 935.813 (+ 49 %) en 2013. Toyota vise aussi une croissance sensible, après les 917.500 unités de l'an dernier (+ 9%). Honda, autre associé de Dongfeng,  mise sur une progression de 19% au moins de ses ventes sur le marché chinois à plus de 900.000 unités en 2014.

Tous ces constructeurs sont plus gros que PSA, qui, longtemps handicapé par des modèles vieillissants comme la fameuse Citroën Zx Fukang à la finition fort médiocre, ne jouit pas d'une très bonne image en Chine pour ses marques Peugeot et Citroën. Si le français a certes une marge de progrès, pas sûr que l'objectif de tripler les ventes soit tout à fait réaliste. Surtout quand la Chine commence à prendre des mesures de restriction de la circulation pour freiner la pollution et les embouteillages. Quant à DS, le label "premium" de PSA, il a tout à prouver face aux valeurs sûres et bien implantées que sont Audi, Mercedes, BMW...

Alliance stratégique mondiale avec Dongfeng

Conformément à ce qui avait été annoncé à la mi-février, PSA a scellé mercredi une alliance mondiale avec Dongfeng, à l'occasion de la visite du président chinois Xi Jinping à Paris, qui va toutefois bien au-delà de ses seules activités chinoises. L'accord prévoit en effet que le constructeur public chinois et l'Etat français déboursent chacun 800 millions d'euros pour prendre l'un et l'autre 14% du capital de PSA en crise. La famille Peugeot mettra, elle, moins de 100 millions. Le solde (près de 1,4 milliard) sera levé sur le marché, le tout au prix de 7,50 euros l'action.

A l'issue de l'augmentation de capital de 3 milliards d'euros, qui sera lancée dans la foulée de l'assemblée générale des actionnaires prévue le 25 avril, la famille fondatrice Peugeot - aujourd'hui actionnaire à hauteur de 25,4% du capital et 38,1% des droits de vote - devrait redescendre elle-même à 14%. C'est la première fois qu'un groupe chinois met un pied dans un grand groupe automobile occidental.