La dégringolade du marché russe n'arrange pas Renault

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  801  mots
La Lada Granta (Avtovaz), est la voiture la plus vendue en Russie
Carlos Ghosn redoute un impact "important" pour Renault de la crise en Russie. Le marché plonge. Or, Renault contrôle le premier constructeur russe Avtovaz (Lada), tout en étant lui-même le deuxième acteur ans le pays.

Le plongeon des ventes de voitures en Russie n'arrange pas Renault. Carlos Ghosn, PDG de la firme au losange, évoque ce mercredi un impact "important" pour Renault si la situation continue de se détériorer en Russie. Interrogé par les membres de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, le patron du constructeur français a reconnu qu'il y avait des "enjeux majeurs" sur le marché russe, le deuxième d'Europe après l'Allemagne.

Conséquence en partie de la crise ukrainienne, le marché auto russe a dégringolé de 25,8% en août, après une baisse de 22,9% en juillet. La chute sur huit mois est de 12,1%. Avtovaz, le premier constructeur russe contrôlé par l'Alliance Renault-Nissan depuis juin dernier, a vu ses ventes de Lada plonger dans le pays de 32,3% en août, de 18,5% sur huit mois à 247.289 unités, selon les statistiques officielles de l'AEB (Association pour les affaires européennes). Sa part de marché dégringole à 15,6%. Les Lada sont des voitures pas chères, mais obsolètes techniquement, mal finies et à la fiabilité médiocre.

Renault baisse moins que le marché

Deuxième marque présente sur le marché russe, Renault lui-même reculait de 18,4% le mois dernier, et de 10% au cumul à 124.028 exemplaires, avec une pénétration de 7,8%. La firme au losange améliore toutefois légèrement sa part de marché, puisque ses ventes reculent moins que le marché total. Le coréen Kia, troisième acteur en Russie, fléchit de 19,8% en août, Volkswagen de 34%, Chevrolet de 50%. Si la Lada Granta reste la voiture la plus vendue en Russie, la Renault Logan est quatrième, le 4x4 Duster cinquième.

 "Août a constitué un nouveau mois difficile pour les ventes automobiles, ce qui n'a surpris personne dans l'industrie", assure le responsable du comité automobile de l'AEB, Joerg Schreiber, cité dans un communiqué. Celui-ci espère néanmoins que la chute du marché va s'enrayer grâce au programme de prime à la casse que le gouvernement vient d'annoncer. les experts demeurent toutefois plus prudents, espérant juste que la chute du marché... se ralentisse.

Les autorités tablent sur 170.000 véhicules supplémentaires d'ici à la fin de l'année grâce à cette prime, fixée à 40.000 roubles (825 euros) pour un véhicule léger et 350.000 roubles (7.200 euros) pour les utilitaires. Le marché russe a commencé au printemps 2013 à se replier, sur fond de ralentissement de l'économie, mais le mouvement s'est transformé en chute libre ces derniers mois avec la crise ukrainienne.

Baisse de production programmée

L'escalade des sanctions occidentales a fait plonger le rouble, renchérissant les véhicules, ou au moins les pièces détachées importées entrant dans la fabrication desdits véhicules. Face à l'incertitude économique, les consommateurs retardent  en outre les grosses dépenses, d'autant que les taux d'intérêt augmentent. Le cabinet spécialisé LMC Automotive a abaissé ses prévisions pour le marché russe, tablant sur une chute de 15,8% des ventes cette année.

Avtovaz avait annoncé en août dernier qu'il allait baisser ses rythmes de production sur son site géant de Togliatti, à mille kilomètres au sud-est de Moscou. Il est vrai que les Lada s'exportent très peu. Le constructeur automobile déficitaire va réduire drastiquement ses effectifs, pour les ramener à 30.000 personnes en 2020, écrivaient Les Echos fin août. Les effectifs devraient se monter à près de 53.000 à la fin de l'année, selon des déclarations d'Avtovaz en juin.

Pertes pour Avtovaz

Le constructeur a enregistré l'an dernier une perte nette de 7,9 milliards de roubles (161 millions d'euros). Malgré l'aide de Renault, les niveaux de productivité sont très loin de ceux de la concurrence internationale. Bâtie dans les années soixante avec l'aide des ingénieurs de Fiat pour produire la Fiat 124 de 1966 - dont la production a été stoppée en début d'année 2012 -, l'usine de Togliatti  vise une production de presque un million d'unités vers... 2017. On en est loin aujourd'hui.

Renault détenait jusqu'ici 25% d'Avtovaz. Mais l'Alliance Renault-Nissan a finalisé sa prise du contrôle du premier constructeur russe le 18 juin,  en toute discrétion à cause de la tension diplomatique internationale entre l'Europe et la Russie à propos de l'Ukraine. La part effective de l'Alliance Renault-Nissan dans le capital d'Avtovaz est aujourd'hui de 50%. Renault détient désormais pour sa part 33% de l'entreprise russe et son allié japonais Nissan les 17% restants. La transaction représente un investissement de 23 milliards de roubles (environ 500 millions d'euros) depuis la signature de l'accord fin 2012.

Renault dispose pour sa part d'un site propre à Moscou, où il a démarré au milieu des années 2000 sa production. L'usine fabrique notamment les Logan et Duster. Renault vient par ailleurs de démarrer à Togliatti  la production des Logan II et Sandero II.