Alliance Renault-Nissan : Thierry Bolloré tape du poing sur la table

Face au refus d'Hiroto Saikawa de convoquer une assemblée générale d'actionnaires, Renault a fait capoter le processus de nomination du président du conseil d'administration de Nissan. Le conflit est quasiment ouvert entre les deux "alliés"...
Nabil Bourassi
(Crédits : Regis Duvignau)

Le stade de la stupeur semble bel et bien terminé chez Renault. Depuis l'arrestation spectaculaire de son Pdg, Carlos Ghosn, par la justice japonaise le 19 novembre dernier, le groupe automobile français s'est employé à figer tous ses process managériaux : maintien en poste du gardé à vue, continuité opérationnelle sous la direction de Thierry Bolloré, soutien de l'État français, communication de crise placée sous le signe de la discrétion. En réalité, Renault semblait surtout démuni d'outils et agissait à rebours de Nissan qui avait trois temps d'avance sur son "allié".

Trois jours après l'arrestation de Carlos Ghosn, les représentants de Renault au conseil d'administration de Nissan n'avaient eu d'autres choix que de joindre leurs voix à celles des administrateurs japonais pour acter la destitution de celui qui avait pourtant sauvé le japonais de la faillite vingt ans auparavant.

Nissan mène le jeu

En un mois, Renault mais également Bercy voire même la présidence de la République qui a rencontré le Premier ministre japonais lors du dernier G20, n'ont eu aucune fenêtre de tir pour reprendre l'initiative, laissant penser que c'est bien Nissan qui menait le jeu. Le Français a dû attendre trois semaines avant que son "partenaire" daigne lui livrer le dossier qu'il a lui-même instruit dans le plus grand des secrets et qui a conduit à l'arrestation de Carlos Ghosn. Dernier affront, Renault a dû essuyer une réunion de l'Alliance où Hiroto Saikawa, PDG de Nissan, s'est contenté d'une entrevue par vidéoconférence. "C'était une réunion des opérationnels", répond-on chez Renault. Il n'empêche, personne n'a saisi l'opportunité de cette réunion pour accorder ses violons pendant la "vacance" de Carlos Ghosn.

Chez les hauts fonctionnaires de l'État, qui possède 15% de Renault et qui regarde l'évolution du dossier à la loupe, on a préféré jouer profil bas, en estimant que le rapport de force capitalistique est favorable à Renault et que celui-ci est gravé dans le marbre. On assure même que tôt ou tard, Nissan rentrera dans le rang au nom de l'intérêt supérieur de l'Alliance qui lui apporte tant de synergies industrielles.

En réalité, en un mois, Renault et l'État n'ont fait que constater les velléités d'émancipation de Nissan. Le groupe automobile japonais n'a cessé de multiplier les déclarations et les allusions promettant un rééquilibrage de l'Alliance Renault-Nissan.

Renault exige une Assemblée générale, Nissan refuse

Ce lundi 17 décembre toutefois, Renault a décidé de ne pas rester les bras ballants en faisant capoter la tentative de nomination d'un successeur à Carlos Ghosn à la tête du conseil d'administration de Nissan.

Alors que Nissan a constitué une commission de trois personnes pour trouver un successeur, celle-ci a échoué, sous la pression de Renault. Le groupe automobile français exige désormais une assemblée générale des actionnaires (AG). Selon Thierry Bolloré, auteur d'une lettre adressée à Hiroto Saikawa et divulguée par le Wall Street Journal, cette AG permettrait de remettre sur la table des sujets comme celui de la gouvernance et les nominations au conseil d'administration. De son côté, Hiroto Saikawa, la gouvernance doit être prioritaire, tandis que l'AG peut attendre.

En réalité, Renault est coincé puisqu'en l'absence de Carlos Ghosn, il perd une voix au conseil d'administration. D'où la nécessité d'une AG afin de récupérer cette troisième voix qui compte tant, sur un conseil composé de 8 personnes seulement.

Daimler soutient Renault

Pour appuyer sa demande, Renault estime que la mise en examen de Nissan dans le cadre de la même procédure qui concerne Carlos Ghosn, fait courir un risque à tous les actionnaires de Nissan. "Au-delà du risque réputationnel, il y a un risque opérationnel en termes financiers, mais également avec les relations avec les fournisseurs", explique un bon connaisseur du dossier. Cerise sur le gâteau, Renault aurait même reçu le soutien de Dieter Zetsche, PDG de Daimler qui possède 3,1% du capital de Nissan.

Le prochain épisode de ce feuilleton devrait survenir après les fêtes lors de la fin de la deuxième garde à vue de Carlos Ghosn. Si celui-ci est maintenu en détention, l'État français et Renault n'auront plus d'autres choix que de le faire remplacer à la tête du groupe français, mais également à la tête de l'Alliance... Aucun doute que les discussions ont déjà commencé en coulisse...

Nabil Bourassi

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Commentaires 43
à écrit le 21/12/2018 à 19:43
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"Nissan est également poursuivi en tant qu'entité morale, le parquet jugeant que la responsabilité de l'entreprise est aussi engagée, car c'est elle qui a remis les rapports incriminés aux autorités boursières...." C'est Nissan qui a initié toute ce...

le 22/12/2018 à 10:15
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"pourquoi n'y a t il pas une commission d’enquête japonaise indépendante pour contrôler la véracité des faits incriminés...?????" C'est censé être le rôle de la justice... mais vu la durée de GAV, elle patine et semble ne pouvoir compter que sur des ...

à écrit le 20/12/2018 à 16:53
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La méthode utilisée par Trump avec Huawei aurait peut-être du bon ? Pourquoi ne pas embastiller une paire de Nippons choppés pour quelques investissement douteux en France et les prendre comme "monnaie-d'échange" ?

le 21/12/2018 à 17:56
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Parce que les japonais n'ont pas la culture de la corruption qu'ont nos responsables politiques et économiques européens peut-être non ?

le 22/12/2018 à 14:39
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Pourquoi pas ....j'ai trouvé son arrestation avec la télévision comme un coup préparé, de plus il fallait salir l'image de Carlos ....je pensais qu'il n'y avait que les Chinois qui savaient faire une telle orchestration ? Avec ceci en plus que la Fr...

à écrit le 20/12/2018 à 8:33
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Il ne faut pas oublié que le prolongement de la garde à vue de M. GHOSN à été rejetée et qu' il va être libéré sous caution et qu' il est toujours à la tête de Renault. Dans cette histoire, c'est Nissan qui a perdre beaucoup plus qu'on le pense. C...

le 21/12/2018 à 10:22
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Perdu M. Ghosn ne sera pas libéré sous caution, il vient d'être inculpé pour une nouvelle affaire...

le 22/12/2018 à 10:17
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@Tartemolle : non, pas inculpé. Arrêté pour une autre affaire. On verra si cette réarrestation débouche sur une autre inculpation.

à écrit le 20/12/2018 à 7:59
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Les japonais ont pendant la dernière décennie très friands des évolutions techniques de Renault. Maintenant qu’ils ont intégré ces technologies pour le propre compte ils essaient de Dégager Renault. Dans les années 50/60 les japonais ont copié tous c...

le 22/12/2018 à 10:23
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Pas tout à fait si simple. Nissan a bénéficié de l'expertise de Renault sur le diesel, qui lui a permis de se développer notamment en Europe. Réciproquement, Renault a bénéficié de Nissan sur les moteurs essence en termes de fiabilité (moteurs à chaî...

à écrit le 19/12/2018 à 22:09
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On voit mal comment Saikawa pourrait s'opposer longtemps à la convocation de l'AG d'actionnaires... et comment celle-ci pourrait ne pas faire tomber sa tête. Son absence de transparence (non transmission du dossier à charge) prouve qu'il a probableme...

à écrit le 19/12/2018 à 18:20
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frbonvin. Mr Bolloré chez Renault n'a rien à voir avec le groupe Bolloré. il s'agit d'une homonymie

à écrit le 19/12/2018 à 17:22
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Comment un Bolloré peut-il être à la tête de Renault, alors que le groupe est inculpé de maguilles politiciennes en Afrique ? Quelqu'un a payé qui ?

le 19/12/2018 à 18:25
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Parce que ce n'est pas le même Bolloré, la même personne. Faut tourner sa langue.....

le 19/12/2018 à 18:38
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Vous confondez Vincent qui dirige le groupe Bolloré et impliqué dans des magouilles en Afrique et Thierry, ici chez Renault. Ils en sont que cousins. Avant de raconter des âneries il faut apprendre en économie

le 20/12/2018 à 14:46
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Tiens un gilet jaune !

à écrit le 19/12/2018 à 16:36
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Si les hauts fonctionnaires et l'exécutif ont un oeil attentif sur le dossier l'affaire me parait mal partie. Il est évident que les japonais essaieront par tous les moyens et l'affaire de M. Ghosn en est la preuve de s'émanciper au maximum de Renaul...

à écrit le 19/12/2018 à 15:07
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La situation est forcément tendue au regard des enjeux, mais il n'y a pas de raison de ne pas continuer sur les mêmes bases industrielles, qui elles sont solides.

à écrit le 19/12/2018 à 14:08
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Renault n a pas de savoir faire sur la voiture hybride (Mitsubishi) et voiture electrique (Nissan leaf ) a part le diesel que personne n en veule,Nissan ne veut pas payer les pots cassés de Renault.

le 19/12/2018 à 14:21
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Saut que la Leaf embarque les technologies de ZOE qui est bien Renault ! Et Nissan n’a aucun leadership sur l’hybride, MMC oui mais pas au niveau de Toyota...

le 19/12/2018 à 14:27
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Remarque inutile et erronée, Renault est un des premiers investisseur européen de voitures 100% électrique. Et le diesel rejete moins de co2 que l'essence. Seule France et Allemagne en font une fausse phobie,, pas scientifique

le 19/12/2018 à 16:57
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Vous avez une connaissance de l'automobile très particulière... Il faudrait peut être vous renseigner avant d'écrire des inepties...

le 19/12/2018 à 17:46
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Renault se fournissait chez Continental, le lancement du moteur R240 à Cléon en 2015 permet à Renault de recentrer son savoir-faire en interne. Premier moteur électrique 100 % Renault, le R240 aura nécessité environ 3 années de développement durant ...

à écrit le 19/12/2018 à 13:42
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Nous sommes dans un jeu de GO. Il n'y a pas d'autre urgence que de demander à un diplomate français ayant fait sa carrière au Japon d'accompagner les financiers français pour comprendre les règles du jeu. Il manque 5% à Renault pour être majoritaire...

à écrit le 19/12/2018 à 13:33
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Il n'y aurait pas du Jr Ewing par la dessous (pardon Trump), le Japon n'a aucun intérêt à incarcérer le plus grand patron Français comme la France n'a jamais emprisonné de grands patrons Japonais ou Yakusa largement plus sanguinaires et trafiquants q...

à écrit le 19/12/2018 à 12:25
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On se demande aussi quelles seront les conséquences pour le Japon, qui conduit tout de même des politiques inacceptables de nulle autre pays, désireux de vendre ses produits tous azimuts, mais très réticent à ouvrir ses frontières: il a beaucoup à pe...

à écrit le 19/12/2018 à 12:21
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Sans parler des fautes de Ghosn dans cette affaire et de EM, lorsqu'il était ministre d'économie,qui ont donné une autonomie aux dirigeants de Nissan,alors que Renault a 43.4% du capital+ le soutien de Mercedes(3% du capital),il faut reconnaître qu'i...

le 19/12/2018 à 17:06
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@Faux naïf: Si on reconnaît que le groupe RENAULT-NISSAN-MIT.... etc est un groupe international où le gouvernement français n'a pas vocation è être actionnaire, MACRON n'a qu'à présenter des excuses dans la plus pure tradition japonaise ( un harakir...

à écrit le 19/12/2018 à 12:09
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Michelin ne serait-il pas interessé à reprendre 2 ou 3% de NISSAN : il s'assurerait un débouché chez le N°1 automobile mondial, et avec l'appui de Daimler, RENAULT dépasserait les 50% de voix à l'AG !!! Même possibilité pour un groupe bancaire qui po...

le 19/12/2018 à 13:33
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Si Michelin prend des parts dans un constructeur automobile, ses autres clients vont considérer que Michelin est lié avec un de leur concurrent, et se tourneront vers d'autres fabricants de pneu. Et ils vont mettre le doigt dans une affaire où il n'y...

à écrit le 19/12/2018 à 11:11
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Je vois pas pourquoi les japonais auraient du se precipiter pour fournir des moyens de maquiller les preuves à d'eventuels complices chez renault. Quand vous decouvrez qu'un étranger sous pretexte d'avoir appliquer une stratégie somme toute assez ba...

le 19/12/2018 à 14:27
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Jusqu’à preuve du contraire, C Ghosn n’a pas été condamné par la justice japonaise et le dossier d’accusation a été monté par des personnes plus que sujettes à caution ! Avant de ne condamner, attendez que la justice soit passée. Quant à l’impartiali...

le 19/12/2018 à 19:33
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Vous ne voyez pas pourquoi ? ... mais parce qu'il s'agit du 1er actionnaire de Nissan, voilà pourquoi !

à écrit le 19/12/2018 à 10:55
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Les jours de saikawa sont comptés... ce petit monsieur semble avoir oublié qui est le patron...

à écrit le 19/12/2018 à 10:22
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Il serait temps que le fisc s'intéresse aux exilés fiscaux et aux grands frodeurs au lieu de contrôler les ouvriers qui n'ont rien à cacher

le 19/12/2018 à 12:09
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oui lorsqu'on sait que Renault avec son siège social et ses multiples sociétés Renault et Nissan sont installées aux Pays-Bas.

le 19/12/2018 à 15:10
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@Titou Quand on sait que VW est financé par le Quatar, un pays sanguinaire et que le monde entier se tait

à écrit le 19/12/2018 à 10:11
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Si par la négociation Nissan n’arrive pas à récupérer une parie des 44% de son capital, Ont ils un autre choix que de monter dans le capital de Renault ?

le 19/12/2018 à 19:35
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avec 44% de Nissan + le soutien des 3% de Daimler, Renault aura plus vite fait de monter chez Nissan que l'inverse...!

à écrit le 19/12/2018 à 10:04
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Il est plus que temps de passer à l'action face à ce qui ressemble de plus en plus à une machination bien stalinienne même si on aime pas Carlos Goshn. Renault possède NISSAN avec ses presque 45 pour cent. Nombre de sociétés possèdent des filiales pl...

à écrit le 19/12/2018 à 9:09
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À l'image de nos dirigeants politiques, nos dirigeants économiques sont incapables de communiquer correctement, l'europe ne sait plus qu'exiger ou céder mais ne sait plus négocier. Ça sent l'influence de la rigidité de l’oligarchie allemande ça h...

le 19/12/2018 à 10:45
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J'ai pas compris , oligarchie allemande, communication des dirigeants economique? Pouvez vous expliquer?

le 20/12/2018 à 14:18
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@ multipseudos: POur une fois que vous ne m'agressez pas ou vous ne me trollez pas, bien entendu et avec plaisir ! "L'Ordre du jour" https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ordre_du_jour_(r%C3%A9cit) "Le récit commence par une réunion tenue le ...

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