En plus du plongeon des ventes, de la hausse des coûts des matières premières, de la pénurie de semi-conducteurs... la filière automobile française doit également garder un œil attentif (et inquiet) outre-Rhin et plus sur les négociations pour former une coalition gouvernementale. Le bloc politique qui doit succéder à près de seize années de règne d'Angela Merkel, la chancelière conservatrice, réunira les Verts, les sociaux-démocrates et les libéraux. Olaf Scholz est désigné favori pour devenir le nouveau chancelier et pourrait inscrire son gouvernement dans la continuité du dernier mandat de Mme Merkel dont il a été le vice-chancelier.
Lors de la Journée de la filière automobile, organisée ce mardi 26 octobre, plusieurs protagonistes n'ont cessé d'évoquer leurs inquiétudes de voir un gouvernement allemand qui pousserait à resserrer davantage encore l'étau réglementaire contre les émissions de polluants.
Rumeurs et inquiétudes
Et les rumeurs sur les projets de la prochaine coalition ne vont pas calmer leurs inquiétudes. Il ne s'agit pas de l'anecdotique proposition de limiter la vitesse sur toutes les autoroutes allemandes, qui serait une atteinte à un véritable dogme outre-Rhin et qui a d'ores et déjà été rejetée par les futurs alliés. Selon nos informations, les Verts poussent pour avancer la date d'arrêt des moteurs thermiques dès 2030. Les industriels allemands seraient en train de se ranger à cette idée. Mercedes et BMW qui avaient été pris de court par le virage stratégique de Volkswagen en début d'année, lorsque celui-ci avait décidé de renverser la table en misant tout sur l'électrification, seraient prêts à rejoindre cette idée.
Il restera à convaincre le puissant syndicat ouvrier IG Metall, vent debout contre l'électrification forcée de l'automobile, jugeant ses conséquences désastreuses pour l'emploi en Allemagne. Fin 2020, il avait opposé une forte résistance au patron de Volkswagen qui voulait déjà accélérer la transformation du groupe dans l'électro-mobilité.
Paris compte ses alliés
Mais c'est avec l'allié français que le sujet risque de tourner à l'affrontement, alors que les deux pays croisent déjà le fer à Bruxelles sur d'autres sujets, comme l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte. Non seulement la France n'a toujours pas digéré le plan de lutte contre le réchauffement climatique de la Commission européenne présenté juillet dernier, mais il ne désespère pas non plus de revenir sur certaines dispositions de ce plan notamment en faisant sortir les moteurs hybrides du périmètre des véhicules devant cesser d'être commercialisés à partir de 2035. Difficile donc dans ces conditions d'imaginer le gouvernement français accepter aujourd'hui un calendrier encore plus contraignant.
Paris compte actuellement ses troupes et alliés au sein du Conseil européen. Mais de nombreux pays-membres, notamment ceux dépourvus d'industrie automobile (et ils sont nombreux), soutiendront Berlin.
Un "coup de poignard" ?
En juillet, le gouvernement allemand sortant avait effectivement surpris tout le monde en soutenant la proposition de la Commission européenne de baisser les émissions de CO2 de 55% en 2030 contre 37,5% prévu initialement, et l'interdiction des moteurs thermiques dès 2035 (y compris les hybrides). Berlin avait ainsi sapé les efforts de Paris pour maintenir une échéance à 2040 assorti du maintien des voitures hybrides.
Pour la France, qui s'attendait certes à une telle initiative de la Commission européenne, le revirement du gouvernement conservateur allemand était une véritable surprise. Certains représentants français de la filière ont parlé de "coup de poignard" par ceux-là mêmes qui ont péché en trichant sur les moteurs thermiques. Certains vont jusqu'à imaginer un complot teuton pour en finir définitivement avec l'industrie automobile française...
Pas encore formé, le futur gouvernement allemand marche déjà sur des œufs...
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