"Les perspectives du marché automobile américain sont robustes", Xavier Mosquet (BCG)

INTERVIEW. Xavier Mosquet (directeur associé au Boston Consulting Group) est un des grands experts du marché automobile américain. Après avoir conseillé Barack Obama pour restructurer l'industrie automobile américaine en pleine crise des subprimes, Emmanuel Macron l'a récemment chargé d'une mission pour préparer l'automobile française aux défis du futur. Ici, Xavier Mosquet nous livre une photographie du marché automobile américain qui a fait mieux que prévu en 2018.
Xavier Mosquet, directeur associé au Boston Consulting Group.
Xavier Mosquet, directeur associé au Boston Consulting Group. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Le marché automobile américain a atteint son niveau d'avant-crise depuis déjà quelques années. Quelle est la photographie de ce qui reste le deuxième marché automobile du monde ?

XAVIER MOSQUET - L'année 2018 a été une bonne surprise. Car si d'un côté, la démographie américaine peut supporter un marché de 17 millions de voitures neuves, il est vrai que nous nous attendions à une légère baisse cette année. Or, le marché a enregistré une stabilité parfaite. En outre, le mix s'est encore enrichi en poursuivant son déplacement vers les SUV.

Comment expliquer que le marché a déjoué vos prévisions ? Les constructeurs se sont-ils livrés à une guerre des prix pour sauver les volumes ?

C'était effectivement une de nos inquiétudes puisqu'en 2017, les constructeurs avaient multiplié les remises. Mais ils ont été plus sages en 2018. Cela ne les a pas empêché de déstocker de temps en temps, mais rien de structurant sur l'ensemble de l'exercice. En réalité, le niveau de 17 millions de voitures est parfaitement adéquat avec le marché américain, que ce soit par rapport à sa population ou aux nouveaux conducteurs qui entrent chaque année sur le marché. D'un point de vue macro, rien n'est venu contrarier cette dynamique. La croissance économique des États-Unis est bonne, et on sait qu'il y a une forte corrélation entre cet indicateur et le marché automobile. Il y a aussi une forte corrélation avec le marché immobilier qui s'est, lui aussi, bien comporté en 2018. On peut donc estimer que le niveau de 17 millions de voitures est un niveau normal mais également durable pour le marché américain.

Concernant les fondamentaux de l'industrie automobile américaine, sont-ils sains notamment en termes de niveau de production ?

Le niveau de la production destinée au marché automobile américain ne pose pas de problèmes particuliers. Les constructeurs mais également les équipementiers sont restés prudents depuis la reprise économique pour ne pas relever leurs moyens de production, si bien qu'on se retrouve avec des taux d'utilisation proches de 100% voire davantage. C'est un changement important puisque historiquement, l'industrie automobile américaine se caractérisait surtout par des surcapacités.

Vous êtes donc raisonnablement optimiste pour l'année 2019 ?

L'année 2019 va s'inscrire dans ce même mouvement, à savoir une stabilisation. On ne peut toutefois pas exclure que le marché descende légèrement, mais nous pensons que le marché américain s'inscrit durablement dans une fourchette comprise entre 16,5 millions de voitures et 17,1 millions. Nous n'avons aucune raison de penser que le marché sortira de cette fourchette. On peut éventuellement s'interroger sur l'impact de la hausse des prix à la production consécutive aux décisions de l'administration Trump sur les règles douanières. Le prix de l'acier mais également de certaines pièces à l'importation ont déjà augmenté, ce qui pourrait impacter les prix de vente, voire de la demande. Mais nous n'attendons rien de significatif.

Sur les taux d'intérêts, les hausses sont surtout sur les taux à court terme, le marché automobile reste un marché très rémunérateur pour les banques qui vont donc continuer à délivrer des crédits. Sur le moyen terme, tout dépendra de la conjoncture économique. On ne peut pas exclure un coup de froid...

Justement, si un coup de froid devait frapper l'économie américaine, est-ce que l'industrie automobile américaine sera en mesure de résister, ou le scénario de la crise de 2009 est envisageable?

En 2009, tous les éléments étaient réunis pour provoquer une grave crise de l'industrie automobile américaine : une surchauffe de l'économie, des prix de l'énergie qui ne cessaient d'augmenter et une bulle immobilière où les prix correspondaient à deux fois les prix de long terme. Ce n'est pas du tout la situation actuelle.

Le marché automobile américain aura-t-il un rôle de stabilisateur au niveau mondial à l'heure où les marchés européens et chinois sont orientés à la baisse ?

L'Europe n'a pas tout à fait terminé son rattrapage d'avant-crise, elle a encore un potentiel d'appréciation. La Chine, elle, est clairement plombée par un problème de confiance du consommateur largement influencé par la guerre commerciale qui oppose Pékin à Washington. Il est vrai que nous attendions des signaux du gouvernement chinois sur une éventuelle intervention pour soutenir le marché. Mais rien n'est arrivé. Notre difficulté était de savoir si le marché allait accentuer sa baisse, mais tout porte à croire qu'il n'ira pas en-dessous du ralentissement enregistré au deuxième semestre 2018.

Pour revenir à l'industrie automobile américaine, il y a de nombreuses inquiétudes quant aux contre-performances de Ford en Europe. On parle même d'un départ de l'américain de ce marché, à l'image de ce qu'avait fait General Motors en cédant Opel à PSA en 2017.

L'Europe est un marché difficile, fragmenté et concurrentiel. Les marques domestiques comme Volkswagen, mais également Renault et PSA ont montré qu'elles pouvaient être extrêmement compétitives, ce qui a largement et historiquement compliqué la tâche des marques non-européennes. Pour les marques américaines, l'Europe ressemble de plus en plus à un marché d'exception où il n'est plus possible de partager leur production et chercher des volumes. Le scénario General Motors qui cède sa filiale européenne se pose donc aussi à Ford mais celui-ci avait de meilleurs résultats sur la même période. Du coup, son départ serait plus coûteux et moins intéressant. La question pour Ford sera donc sa capacité à redresser ses ventes en Europe seul ou avec des partenariats...

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Commentaires 6
à écrit le 01/02/2019 à 11:16
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Article peut être intéressant mais en quoi sommes nous concernés? PSA et Renault ne sont pas présents sur le marché US. On ne construit pas un réseau commercial sur un pays aussi vaste que les USA en deux jours, les essais tentés jusqu'à présent par ...

à écrit le 01/02/2019 à 5:04
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" Le marche chinois plombe etc..." Que ce specialiste aille se promener a Beijing, il pourra constater que le chinois lambda choisit desormais les modeles made in inside. Le GVT chinois a decide en reponse a trump de surtaxer presque tous les model...

à écrit le 31/01/2019 à 17:13
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voir l'article Bloomberg du 13 janvier dernier : "The next american car recession has already started". les constructeurs auto US ont de nouveau un problème de surcapacités importantes, comme en 2008, alors que le marché des berlines plonge au profit...

à écrit le 31/01/2019 à 16:45
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grâce aux baisses d'impôts et au crédit facile/pas cher (d'autant plus si la FED décide de baisser les taux pour sauver la "croissance") ? alors que le prix moyen des véhicules vendus grimpe (les constructeurs doivent vendre des gros SUV/camions po...

à écrit le 31/01/2019 à 16:43
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Normal dans un pays où l'essence n'est pas chère et où les habitants ne se font pas ponctionner 50% de leur richesse en taxes et cotisations sociales. Ils ont de l'argent pour consommer.

à écrit le 31/01/2019 à 16:23
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"Emmanuel Macron l'a récemment chargé d'une mission pour préparer l'automobile française aux défis du futur." ET vous l'interrogez sur le marché automobile américain alors que nous savons très bien que ce pays tourne très bien sans nos conseils ?...

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