Prouesses techniques et offensive en Chine : Tesla électrise Wall Street

Malgré son statut de « petit » constructeur et ses difficultés de production, l’entreprise d’Elon Musk est créditée d’une valorisation record en Bourse – plus que Ford et General Motors réunis –, qui salue surtout son aura d’entreprise futuriste et innovante.
Des Tesla électriques Model 3 produites dans l’usine chinoise du constructeur américain, à Shanghai, inaugurée début janvier.
Des Tesla électriques Model 3 produites dans l’usine chinoise du constructeur américain, à Shanghai, inaugurée début janvier. (Crédits : Aly Song/Reuters)

Elon Musk peut sabler le champagne : Tesla ne s'est jamais aussi bien porté. Le constructeur automobile a vendu un total de 112 .000 véhicules dans le monde au dernier trimestre 2019. Un record pour l'entreprise, qui bat largement les prévisions des analystes (elles tournaient autour de 105. 000) et permet à Tesla d'atteindre les 367.500 véhicules livrés sur l'année entière, dépassant l'objectif de 360. 000 qu'Elon Musk s'était fixé.

Wall Street en a pris bonne note. Mi-janvier, l'action Tesla a pour la première fois dépassé les 500 dollars, et continue aujourd'hui d'être au-dessus de ce montant. La valorisation de Tesla a du même coup explosé, dépassant les 100 milliards de dollars le 22 janvier dernier, soit plus que celles de Ford et General Motors cumulées, ce qui en fait le constructeur automobile le mieux valorisé de l'histoire des États-Unis.

Une performance d'autant plus remarquable que Tesla demeure un petit constructeur face aux mastodontes américains de l'automobile : l'an passé, Ford a vendu 2,4 millions de véhicules rien qu'aux États-Unis, et 3 millions supplémentaires en Chine. Pourtant, l'année passée n'avait pas été exempte de difficultés pour l'entreprise installée à Palo Alto, en Californie. Elon Musk a commencé par se séparer de 7 % de ses salariés en janvier 2019, en annonçant que des temps difficiles se profilaient. Dans ce contexte, les derniers bons résultats de l'entreprise témoignent-ils d'une bonne santé économique ou d'une simple embellie passagère ?

« Ces bons résultats sont, selon nous, amenés à durer », affirme Antoine Chkaiban, analyste chez New Street Research, un cabinet spécialisé dans les nouvelles technologies.

« Tesla a eu des difficultés pour livrer ses véhicules en Europe au début de l'année 2019, ce qui a retardé les ventes et engendré des déficits au premier semestre, mais l'entreprise est redevenue profitable au troisième trimestre. Selon nos recherches, le marché potentiel de Tesla est, en outre, de 20 millions de véhicules dans le monde, et le constructeur atteint aujourd'hui 10 % de son marché aux États-Unis. S'il parvenait à ce seuil de 10 % dans le reste du monde, un objectif tout à fait réalisable, ses ventes seraient donc de l'ordre de 2 millions. »

Deux nouvelles usines à Shanghai et en Allemagne

Mais pour cela, Tesla devra en 2020 travailler sur ce qui demeure aujourd'hui son talon d'Achille : ses capacités de production, son offre restant largement inférieure à la demande qui lui est adressée. C'est dans cette optique qu'Elon Musk a inauguré en grande pompe une nouvelle usine à Shanghai au début du mois de janvier. Elle viendra associer ses capacités à l'usine de Fremont (Californie), et permettra de produire au plus près d'un marché chinois en plein essor. Une troisième usine doit être construite en Allemagne pour satisfaire les clients européens. « Nous estimons que l'apport de la nouvelle usine de Shanghai permettra à Tesla de produire un total de 665. 000 véhicules en 2020 », prédit Antoine Chkaiban.

Après avoir été longuement snobé par l'industrie automobile, Tesla est-il en passe de devenir un constructeur comme les autres ? Pas si vite. Si les volumes de véhicules vendus et les performances boursières de Tesla montrent qu'il joue désormais dans la cour des grands, il reste un constructeur bien à part. « Pour nous, Tesla demeure avant tout une entreprise technologique », précise Antoine Chkaiban, pointant la manière dont le constructeur est parti de zéro pour réinventer complètement l'automobile en l'adaptant aux spécificités de l'énergie électrique. « Cela lui a permis de bénéficier d'une avance non négligeable sur ses concurrents. Les performances (autonomie, accélération et poids) des meilleurs véhicules électriques d'aujourd'hui valent celles des modèles S de 2012, qui ont bondi de 40 % depuis. Un rythme de progression très impressionnant. »

Tesla sait également se montrer très agressif dans l'adoption de technologies de pointe, comme l'illustre le rachat de Maxwell Technologies en février 2019. Cet énergéticien américain est notamment expert dans la fabrication de condensateurs haute capacité, des outils de stockage qui peuvent se charger beaucoup plus rapidement qu'une batterie. Ils permettraient aux véhicules Tesla de faire du freinage régénératif, c'est-à-dire d'absorber rapidement de l'énergie pendant un freinage pour ensuite la relâcher durant l'accélération, augmentant leur efficacité énergétique.

Cette supériorité technique renforce l'aura d'entreprise futuriste et innovante dont bénéficie Tesla, et assure sa domination sur ses rivaux. Aux États-Unis, malgré les lancements de plusieurs « Tesla killers » (« tueurs de Tesla ») par les grands constructeurs, l'entreprise d'Elon Musk continue d'écraser la concurrence. Avec près de 160 .000 véhicules vendus, la Tesla Model 3 est de loin la voiture électrique la plus populaire sur le marché américain en 2019. Elle est suivie de loin par la Toyota Prius Prime (23. 630) et la Chevrolet Bolt (19. 225), dont les ventes ont chuté de 47 % au dernier trimestre.

Lire aussi : Comment, en 17 ans seulement, Tesla est-il devenu un géant de l'automobile ?

De belles opportunités pour décoller en Asie

Mais, selon Craig Irwin, analyste chez Roth Capital Partners, le marché chinois est celui qui offre le plus d'opportunités à Tesla pour les cinq années à venir. Pékin cherche à électriser le parc de véhicules à vitesse maximale, et le cabinet d'analyse financière américain Morningstar prévoit que les voitures électriques représenteront 35 % des ventes totales dans l'empire du Milieu d'ici à 2030. Or, Tesla est d'ores et déjà très bien positionné sur ce marché, grâce à sa technologie supérieure, sa nouvelle usine et aux bonnes relations qu'Elon Musk a su bâtir avec les autorités.

« Tesla a travaillé de manière efficace avec le gouvernement chinois, obtenu des subventions à l'électrique et emprunté 1,8 milliard de dollars auprès des banques locales. Toutes les provinces chinoises mettent en outre les bouchées doubles pour atteindre leurs quotas de véhicules électriques fixés par le plan quinquennal », affirme Craig Irwin.

Dans ces circonstances, il y a fort à parier que Tesla, qui n'a pour l'heure pas vraiment de concurrent local, se taille la part du lion. Pour mettre toutes les chances de son côté, Elon Musk a annoncé début janvier qu'un nouveau modèle de véhicule serait entièrement conçu en Chine dans un centre de design qu'il prévoit d'ouvrir sur place.

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Commentaires 6
à écrit le 06/02/2020 à 9:56
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"Si vous avez un découvert de 10 euros à la banque c'est votre problème, mais si vous avez un découvert de 100 millions d'euros là c'est le problème de la banque" L'idée de Musk étant de rendre les banques dépendants de son business afin de dynam...

à écrit le 01/02/2020 à 7:05
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L'alchimie américaine pour créer de rien un futur mastodonte ds l'automobile électrique et autonome et ds le spatial, grâce à des investisseurs qui ne craignent pas le risque, un génie visionnaire en technologie qui n'est même pas d'origine américain...

à écrit le 31/01/2020 à 13:33
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"Électriser WallStreet"...Faut faire gaffe quand même à la tension. Remember Claude François... Les pieds dans l'eau, une ampoule de travers...bye bye..! Faut pas jouer avec l'électricité, on vous l'a dit et répété !

à écrit le 31/01/2020 à 8:29
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Plutôt une course aux armements classique, permettant de consolider financièrement une entreprise pour l'endurcir durablement face à la concurrence. Les actionnaires américains sachant s'allier et investir leur argent dans leur nation tandis que notr...

le 31/01/2020 à 15:11
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Un peu de bromure et au lit.

à écrit le 31/01/2020 à 8:20
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C'est une pyramide de Ponzi.

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