Renault : Senard réinvente l'Alliance et enterre définitivement l'ère Ghosn

Le nouveau patron de Renault a présenté à Tokyo un nouveau schéma de gouvernance collégial pour revitaliser l’Alliance avec le constructeur japonais Nissan.
Nabil Bourassi
De gauche à droite, Thierry Bolloré, Jean-Dominique Senard, Hiroto Saikawa (DG de Nissan) et Osamu Masuko (PDG de Mitsubishi).
De gauche à droite, Thierry Bolloré, Jean-Dominique Senard, Hiroto Saikawa (DG de Nissan) et Osamu Masuko (PDG de Mitsubishi). (Crédits : Reuters)

Il a fallu moins de deux mois à Jean-Dominique Senard pour accoucher d'un accord avec les Japonais sur une refondation de la gouvernance de l'Alliance entre Renault et Nissan. Une mission quasi impossible, nous disait-on au plus haut de la crise dite de l'affaire Ghosn, l'ancien patron de l'Alliance arrêté en novembre à Tokyo pour des faits de non-déclaration de revenus et d'abus de biens sociaux... Et pourtant, ce mardi 12 mars, l'ancien patron de Michelin s'est rendu à Tokyo avec Thierry Bolloré pour présenter à la presse et au monde de l'automobile un plan modestement appelé "Nouveau départ" pour l'Alliance.

Le point le plus saillant de cet accord réside dans la création d'un "conseil opérationnel" de l'Alliance. Cette instance doit remplacer les structures préexistantes, notamment le très opaque RNBV (Renault-Nissan B.V.) dont le siège est à Amsterdam et qui fait l'objet de toutes les spéculations sur de supposées rémunérations "dépaysées" et donc défiscalisées.

Fin de la structure pyramidale autour du "chef"

En outre, le conseil opérationnel de l'Alliance se veut une instance collégiale avec des décisions consensuelles. En d'autres termes, la structure pyramidale autour du "chef" est définitivement écartée. Ce "conseil" qui donc chapeautera les synergies industrielles des trois constructeurs automobiles, sans pour autant les fusionner autour d'une même structure, doit se réunir une fois par mois, à Paris ou à Tokyo.

« Le nouveau conseil de l'Alliance sera le seul organe de supervision des opérations et de la gouvernance de l'Alliance (...). A cet effet, il sera le visage et le premier pilote du "Nouveau départ" de l'Alliance », peut-on lire dans un communiqué transmis ce mardi, après une conférence de presse conjointe de Jean-Dominique Senard, président de Renault, Thierry Bolloré, directeur général, Hiroto Saikawa, directeur général de Nissan et Osamu Masuko, Pdg de Mitsubishi.

Jean-Dominique Senard est parvenu, non seulement à sauver l'Alliance, au bord de l'abîme après l'arrestation spectaculaire de Carlos Ghosn et imputée par les Français à un complot des Japonais, mais il a réussi à refonder un projet en panne depuis 2015 et l'affaire des droits de vote double (l'État français était monté dans le capital de Renault pour imposer ses vues stratégiques au groupe).

Enfin, cerise sur le gâteau, Jean-Dominique Senard a accompli l'exploit de sauver le fameux RAMA (Restated Alliance Master Agreement), cet accord plus ou moins secret, véritables tables de la loi de l'Alliance en matière d'équilibre actionnarial. C'était le principal sujet né de l'affaire Ghosn. D'aucuns, côté français, accusait le camp japonais de tenter d'imposer un rééquilibrage des participations croisées où Renault possède 43% du capital de Nissan et autant de droits de vote, tandis qu'inversement Nissan ne détient que 15% des actions, dépourvues de droits de vote.

Les Japonais sont satisfaits, mais ils veulent des résultats

En échange, Jean-Dominique Senard renonce à la présidence de Nissan, un poste jusqu'ici dévolu au patron de Renault. Il briguera, en revanche, le poste de vice-président. Cette disposition vise à satisfaire les Japonais très désireux de retrouver leur souveraineté après avoir repris le poste de directeur général en 2015.

Lors d'une conférence de presse qui a suivi la signature de l'accord, Hiroto Saikawa a replacé son optimisme dans une démarche de performance opérationnelle.

"L'essentiel est de savoir à quel point nous pouvons produire des résultats avec l'Alliance, rendre Renault plus fort, rendre Nissan plus fort, c'est cela le point clef", a-t-il souligné, tout en ajoutant: "Il s'agit d'une approche gagnant-gagnant, un pas en avant pour Nissan."

Jean-Dominique Senard, lui, s'est montré plus enthousiaste:

"Vous serez surpris par la rapidité des changements qui vont survenir", a-t-il déclaré.

Enfin, un dernier protagoniste, absent à Tokyo, mais omniprésent durant les négociations, l'État français peut également crier victoire, lui qui avait fait de la participation de Renault dans Nissan une ligne rouge infranchissable.

Nabil Bourassi

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Commentaires 2
à écrit le 13/03/2019 à 9:32
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Tout va bien les premiers temps d'un mariage ou d'un remariage...souvent les choses se gâtent par la suite. La bonne entente durera-t-elle ?

à écrit le 12/03/2019 à 15:38
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Les 4 mousses, que taire ?

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