Tesla se réorganise sous la haute surveillance des marchés

Le constructeur automobile californien a annoncé mardi 12 juin la suppression de près de 9% de ses effectifs. L'entreprise fondée par Elon Musk a promis de passer dans le vert avant la fin de l'année. Une promesse sans cesse remise à plus tard, mais que les marchés sont de moins en moins prêts à accepter.
Nabil Bourassi
Le titre Tesla reste très volatile, il a augmenté de 27% depuis début avril après avoir perdu autant depuis le 2 février.
Le titre Tesla reste très volatile, il a augmenté de 27% depuis début avril après avoir perdu autant depuis le 2 février. (Crédits : Mike Blake)

Les startups ont elles aussi leur état de grâce : celle où on leur pardonne tout, y compris des pertes majeures... Tesla, le constructeur automobile fondé par Elon Musk en 2003, semble en avoir fini avec cette période et est désormais contraint d'apporter des réponses concrètes aux marchés.

Le spécialiste des voitures électriques de luxe a annoncé mardi, la suppression de 4.000 emplois, soit 9% de ses effectifs. Ce plan social s'inscrit dans un plan plus large de réorganisation qualifié de "difficile, mais nécessaire", par Elon Musk.

Une valorisation exorbitante

Pour l'entrepreneur d'origine sud-africaine, engagé dans différents projets industriels ambitieux (Hyperloop, SpaceX, ...), il était temps d'en finir avec les pertes et les promesses non tenues. Jusqu'ici, les marchés financiers se sont montrés extrêmement indulgents avec Tesla, poussant la valorisation du constructeur à plus de 50 milliards de dollars pour une production 80.000 voitures en 2017. Un chiffre totalement exorbitant comparé aux autres valorisations comme General Motors estimé dans les mêmes ordres de grandeur malgré ses plus de 9 millions de voitures annuelles.

Sauf qu'au terme du troisième trimestre 2017, les marchés ont envoyé de lourds avertissements à Tesla. L'entreprise avait alors affiché des résultats semestriels dans le rouge vif, les plus importants de sa jeune histoire: 671 millions de dollars sur trois mois. Cette annonce avait été particulièrement mal reçue alors même qu'Elon Musk promet un exercice bénéficiaire depuis déjà deux ans. En sus, l'entreprise ne parvenait pas à remplir ses objectifs de montée en cadence industrielle... Autre grosse déception.

A l'époque, Elon Musk avait alors assuré qu'il reprenait désormais en main les opérations, allant jusqu'à installer un lit de camp dans son usine du Nevada. Mais désormais, il n'échappera plus aux questions implacables des analystes, au point de s'en agacer publiquement. "Les questions ennuyeuses, imbéciles ne sont pas les bienvenues", avait-il répondu à des analystes financiers lors d'une conférence téléphonique, ou alors laissait ostensiblement passer un long silence avant de répondre laconiquement aux questions. La sanction ne s'est pas faite attendre: Tesla a fondu de 2 milliards de dollars quelques heures après cette conférence. Ceci dit, malgré ces turpitudes, le titre de Tesla reste fortement volatile. Entre le plus bas du 2 avril (248 dollars) et le 13 juin (340 dollars), il a augmenté de 27%. Quelques semaines auparavant, le titre valait plus de 350 dollars...

Une montée en cadence qui peine

En attendant, la montée en cadence de la production continue de trainer... Les trimestres passent, les objectifs sont ratés... Début avril, l'usine de Freemont peinait à fabriquer 2.000 voitures par semaine, contre les 5.000 qui étaient attendues pour fin 2017. Début juin, Tesla annonce être monté à 3.500 et estime que les 5.000 par semaine sont à portée de main pour... La fin du mois.

Pour rassurer, Elon Musk a précisé que les suppressions de poste annoncées ce mardi ne concernaient pas la production.

"Ces suppressions (d'emplois) sont entièrement effectuées dans les effectifs administratifs; aucun employé de la production n'est concerné. Donc ceci n'affectera pas notre capacité à atteindre nos objectifs de production dans les prochains mois", a assuré M. Musk, dans un document adressé aux salariés diffusé ensuite sur son compte twitter.

Mais pour s'affranchir de la pression des marchés, Elon Musk assume le fait qu'il ne s'inscrit pas dans le même agenda qu'eux.

"Etant donné que Tesla n'a jamais dégagé un bénéfice annuel en presque 15 ans d'existence, les profits ne sont pas évidemment ce qui nous motive. Ce qui nous motive, c'est notre mission d'accélérer la transition du monde vers une énergie propre et durable ; mais nous n'y parviendrons pas si nous ne pouvons démontrer que nous pouvons être rentables à terme", a-t-il clamé. Tout est dans le "à terme"...

En avril, dans une interview au journal The Economist, il avait encore annoncé que Tesla serait rentable au troisième et au quatrième trimestre... Dans la même interview, il expliquait néanmoins que l'entreprise aurait probablement besoin de lever entre 2 et 3 milliards de dollars cette année. Cette fois, ses annonces fracassantes, son sens du buzz et autres diversions "twitteresques" n'ont pas suffit à rassurer les marchés. Le plan de "réorganisation" sonne donc bien comme la mise au pas de l'enfant terrible des marchés. Les prochains exercices risquent d'être implacables pour Elon Musk...

Nabil Bourassi

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Commentaires 3
à écrit le 16/06/2018 à 20:45
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En 2014, j'aurais bien voulu une voiture électrique, mais il n'y en avait pas avec une autonomie suffisante à un prix acceptable, j'aurais bien aimé la Tesla modèle 3, mais d'ici sa sortie.... J'ai bien fais d'acheter une Subaru Outback à essence. L...

à écrit le 14/06/2018 à 23:28
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Ce type a un champ de distorsion de la réalité autour de lui. Son banquier vient le voir pour lui couper les vivres, il repart après lui avoir signé un chèque pour un projet d'ascenseur à lévitation magnétique qui permet de relier deux points du glob...

à écrit le 14/06/2018 à 17:37
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50 Milliards pour 80.000 voitures, ça met la Tesla a 625.000 euros. C'est sur, c'est plus cher qu'une Dacia.....

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