Que restera-t-il de la filière automobile française en 2030 au plus fort de l'avènement à marche forcée de la voiture électrique ? C'est la cruelle question à laquelle s'est livrée la Plateforme automobile (PFA, le syndicat qui représente la profession), en partenariat avec le cabinet Alixpartners.
Un prix d'achat élevé, mais un coût à l'usage qui restera compétitif
Cette étude extrêmement détaillée a planché sur tous les scénarios, métier par métier. Il en ressort une idée simple : plus le rythme de l'électrification de l'automobile sera soutenu, plus le tribut pour l'industrie automobile française sera lourd. Pour Alexandre Marian, directeur associé chez Alixpartners spécialisé dans l'industrie automobile, il est acquis que la voiture électrique restera chère en 2030 par rapport à la voiture thermique. Mais en fonction des effets volumes ou de gains de productivité, l'amplitude de coût sera différente pour le constructeur.
Le scénario le plus probable estime que le coût des composants d'une voiture électrique restera 1.500 euros plus cher que ceux d'une voiture thermique. La répercussion sur le prix de vente sera double, mais ne préjuge pas de la compétitivité de la voiture électrique sur le thermique lorsqu'on intègre l'ensemble de ses coûts (prix d'achat, coût à l'usage, maintenance...)
Vers des délocalisations pour baisser les coûts ?
Mais il est possible que l'industrie automobile française ait recours à de l'importation pour compenser le coût de l'électrification. Dans le scénario privilégié par Alixpartners, c'est 21% de la chaîne de valeur qui sera impactée par la voiture électrique. Mais dans le scénario conforme aux objectifs de Bruxelles annoncés cet été (-55% de CO2 en 2030 par rapport à 1990), cette part grimpe à 28%. Dans le premier cas, il faudra délocaliser 4% de la production de pièces.
Mais le point le plus important de cette étude concerne la réorganisation de la chaîne de valeur automobile. Avec la disparition de la chaîne de traction thermique, les équipementiers, tous rangs confondus, vont perdre 11 points dans cette chaîne de valeur. Celle-ci sera entièrement absorbée par les constructeurs. "Les constructeurs automobiles qui s'en sortiront le mieux demain seront les plus intégrés dans la chaîne de valeur", observe Marc Mortureux, secrétaire générale de la PFA.
Les métiers du décolletage sont les plus menacés. Alixpartners estime que leur chiffre d'affaires baissera de 43% dans le scénario le plus probable, mais que la baisse pourrait être de 65% dans le cas d'une accélération très forte de l'électrification. Cette baisse significative devrait toucher tous les autres métiers liés aux métaux : traitement des métaux, fonderie fonte, forge...
En termes d'emplois, le solde sera négatif de 41.000 emplois en 2030. L'étude table sur 22.000 emplois créés dans les nouveaux métiers liés à l'électronique de puissance, la fonderie aluminium, la production de batteries et les bornes de recharge.
17 milliards pour sauver la filière
Pour Marc Mortureux, il est impératif que la filière se prépare. La PFA a estimé à 17,5 milliards d'euros l'enveloppe nécessaire pour être au rendez-vous de 2030, dont elle attend de l'Etat qu'il apporte un tiers du budget. Le dossier, repris directement par la présidence de la République, est encore en attente d'une réponse définitive. Elle devait survenir à la fin de l'année, elle tombera probablement en début d'année prochaine.
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