Pour Xavier Huillard, de Vinci, "la révolution verte est une opportunité sans précédent'

Dans une interview, Xavier Huillard, administrateur-directeur général de Vinci, estime que la crise ne freinera pas la mise en œuvre du Grenelle de l'Environnement.

Les députés ont voté la semaine dernière à la quasi unanimité la loi Grenelle 1. Partagez-vous leur enthousiasme ?

 

Le Grenelle de l'Environnement a induit une dynamique très puissante en France. Toutes les préoccupations qui commençaient à naître à propos du développement durable se sont cristallisées. La France a probablement acquis à cette occasion une avance importante sur ces sujets. Il faut désormais alimenter la dynamique qui avait été enclenchée. C'est notre challenge à tous.

 

Le Grenelle est très ambitieux pour tout ce qui relève de la construction. Il prévoit notamment qu'à compter de 2020 tous les nouveaux bâtiments devront produire au moins autant d'énergie qu'ils en consomment . Est-ce réaliste ?

 

Oui. Les industriels, comme leurs fournisseurs, disposent de tous les composants nécessaires pour permettre la construction de logements ou d'équipements publics répondant aux objectifs fixés par le Grenelle, tant en termes de consommation d'énergie que d'émissions de gaz à effet de serre. Mais il reste une difficulté majeure à surmonter : la filière de la construction est encore très atomisée. Cela conduit encore trop souvent ses acteurs, dans chaque segment de la chaîne de valeur, à s'affronter plutôt qu'à coopérer. Or, pour améliorer la performance énergétique d'un bâtiment, on ne peut pas se contenter de mettre de la laine de verre dans les combles. Il faut considérer l'enveloppe du bâtiment, la manière dont il est utilisé, la gestion des flux d'air, les comptages d'énergie, mais aussi le génie climatique et la régulation thermique. Nous construisons en ce moment un bâtiment de bureau à Dijon pour le compte d'un groupe d'ingénierie spécialisé dans le génie climatique qui souhaite évidemment disposer d'un siège parfaitement exemplaire en matière environnementale. Sachez que les différents composants utilisés pour sa conception et sa construction ne sont pas très originaux. En revanche, le maître d'ouvrage nous a fait intervenir très en amont dans la phase de conception, avant même que les plans ne soient définitivement élaborés par l'architecte, de telle sorte que les experts des structures, des façades, du chauffage, ou encore du génie climatique travaillent ensemble. Et c'est grâce à cela que nous allons pouvoir livrer une tour qui est quasiment à énergie positive.

 

 

La révolution verte est-elle pour vous, une contrainte ou une opportunité ?

 

Il s'agit très clairement une opportunité sans précédent pour nos métiers. Elle nous offre une occasion extraordinaire de revisiter l'ensemble de nos process de conception, d'organisation et de construction. La problématique du développement durable nécessite notamment de transgresser les formes traditionnelles de réalisation. Vinci a longtemps été positionné sur la construction, plus que sur la conception-construction. Pourtant, bien avant que l'on parle de développement durable, nous avons eu la volonté de renforcer notre expertise en amont dans la conception. Le développement durable a notamment été, en 2005, le thème central de la convention qui réunit chaque année 350 cadres dirigeants de Vinci. Ceci étant, de manière générale, nous n'avons pas encore mesuré le centième des conséquences que la révolution verte va avoir sur les chaînes de valeur, sur la vocation et sur l'organisation des entreprises mais aussi sur les relations entre les entreprises et leur environnement. Nous sommes conscients du travail absolument titanesque qu'il nous reste à faire dans les prochaines années pour intégrer cette nouvelle donne.

 

Ne craignez-vous pas que la crise financière freine cette révolution verte ?

 

Non, il faut regarder les choses sur le long terme. Je constate que les augmentations un peu traumatisantes des prix du pétrole il y a un an, ont largement fait progresser l'idée qu'il est urgent de parvenir à une plus grande performance énergétique.

 

Mais respectez l'environnement coûte cher. A combien estimez-vous par exemple le surcoût généré par la construction d'un bâtiment respectueux de l'environnement ?

 

Si l'on regarde le surcoût immédiat, c'est 5 à 10% de plus. Mais la révolution verte doit impérativement s'appréhender en intégrant la durée d'utilisation, très longue, d'un bâtiment. De ce point de vue, le partenariat public - privé est un outil extraordinaire au service du développement durable dans la mesure où il prend en compte non seulement le coût de construction d'un bâtiment, mais aussi son coût d'exploitation. Il permet en outre de confier à un interlocuteur unique la gestion de plusieurs segments de la chaîne de valeur et ainsi d'être plus efficace dans la gestion des interfaces qui occasionnent beaucoup de déperditions d'énergie. Si vous nous confiez le soin de financer, de construire, d'opérer et de maintenir un collège pendant trente-cinq ans, nous choisirons les isolants, les matériaux, la chaufferie, la gestion de flux d'air appropriés qui correspondront à un sur-investissement à l'origine - 10%, peut-être plus - mais dont nous sortirons très largement gagnants sur le long terme en matière de coût de maintenance ou de coût d'exploitation.

 

Vos clients sont également des bailleurs. Ce ne sont pas eux qui bénéficieront au premier chef des économies d'énergie mais leurs locataires. Comment les convaincre de faire cet effort financier ?

 

Je ne crois pas que les acteurs qui sont à la fois propriétaires et occupants de leurs biens soient plus motivés par le Grenelle que ceux qui investissent dans un bien locatif. Je vous donne un exemple. Une grande société foncière, propriétaire d'un ensemble immobilier en région parisienne, construit il y a trente ans, a fait appel à nous pour rénover son bien. Et elle n'a pas eu besoin qu'on la convainque d'investir plus de 100 millions d'euros pour proposer à ses futurs occupants des bâtiments respectueux de l'environnement. Si elle ne l'avait pas fait, elle n'aurait pas trouvé de locataires.

 

Les normes type HQE (Haute Qualité environnementale) qui prévalent en France sont-elles suffisamment ambitieuses ? Ne faudrait-il pas plutôt imposer un standard commun au niveau européen ?

 

Le plus urgent c'est de développer des outils incontestables en termes d'éco-conception. Nous avons besoin d'éco-comparateurs portés par la profession, opérationnels dans le neuf comme dans la rénovation. Nous y travaillons. Je signale au passage que le code des marchés publics est encore essentiellement fondé aujourd'hui sur des paramètres purement économiques. Or, la révolution verte nous a complètement ouvert l'esprit. Il semble aujourd'hui totalement naturel de procéder à des analyses intégrant un grand nombre de critères : par exemple les émissions de CO2, les consommations énergétiques, les prélèvements sur les ressources non renouvelables de la planète Il s'agit d'abord de se mettre d'accord sur ces critères. Comment les mesure-t-on ? Comment les pondère -t-on les uns par rapport aux autres. La mise au point d'un éco-comparateur fiable est très complexe. Il faut revisiter l'ensemble des fonctionnalités et des composants d'un bâtiment, en prenant en compte la consommation d'énergie mise en oeuvre pour la création d'un composant, son transport, sa mise en place, et consolider le tout de telle manière que tout cela soit scientifiquement incontestable.

 

 

La révolution verte ne touche-t-elle pas certaines de vos activités plus que d'autres ?

 

Non, elle touche la totalité de nos métiers. Nous sommes dans des activités qui ont beaucoup à gagner d'un processus consistant à revisiter l'ensemble des offres proposées aux clients, l'ensemble des organisations internes à l'entreprise et des process industriels.

 

Tout de même. Vous êtes leader dans la construction et la gestion d'autoroutes. N'est-ce pas un point faible pour un groupe qui prône la révolution verte ?

 

Détrompez-vous ! Les autoroutes que nous livrons aujourd'hui sont incommensurablement plus respectueuses de l'environnement que les sections de routes nationales livrées il y a vingt ans et même qu'une section autoroutière construite il y a dix ans. Elles respectent les nouvelles réglementations en matière de bruit, de loi sur l'eau, de préservation de la biodiversité. Elles font appel aux technologies de l'information et de la communication pour mesurer et réguler tout ce qui est lié au trafic et à la sécurité. En outre, sur une autoroute, vous demandez à l'usager d'acquitter - via les péages - une partie des externalités négatives de son déplacement. Mais je vous l'accorde, il y a encore énormément à faire pour rendre davantage « éco-friendly » les infrastructures existantes. Mettre l'ensemble du réseau autoroutier de Vinci en conformité avec les normes mises en oeuvre sur les sections les plus récentes suppose d'investir des milliards d'euros. Si nous voulons conserver la dynamique qu'a lancé le Grenelle de l'environnement et continuer à développer le modèle des éco-autoroutes c'est un programme dans lequel il va falloir s'engager.

 

Mais les autoroutes ne sont pas la meilleure solution pour faire en sorte que les déplacements entraînent moins d'émissions de gaz à effet de serre...

 

Nous sommes très impliqués dans la construction ferroviaire, qu'il s'agisse de lignes à grande vitesse, de tramways ou de métros. Mais sachez qu'il est possible d'utiliser beaucoup mieux les infrastructures autoroutières existantes que nous ne le faisons aujourd'hui. Il y a une règle physique simple que l'on ne doit jamais oublier. Sur une autoroute, on atteint un débit optimal quand toutes les voitures roulent à la même allure, et non lorsqu'elles sont libres d'accélérer et de ralentir comme bon leur semble.

 

Vous voulez automatiser le trafic sur les autoroutes ?

 

Il suffit de réguler le trafic via des panneaux à messages variables qui incitent les automobilistes à réduire si besoin leur vitesse. Nous avons mis en oeuvre ce dispositif de régulation avec succès sur l'autoroute A7. Il a permis de réduire significativement les émissions de CO2: des véhicules qui circulent tous à 110 km/h consomment moins de carburant.

 

Etes-vous également favorable à une grande liberté de tarification afin d'améliorer la régulation du trafic?

 

Ce sujet relève de nos autorités de tutelle. La tarification est, en outre, un outil délicat : s'ils savent qu'à partir de 10 heures du soir, sur telle ou telle barrière de péage, le tarif baisse de 20%, bon nombre d'automobilistes s'arrêtent sur les aires d'autoroutes, voire sur les bandes d'arrêt d'urgence à quelques centaines de mètres en amont afin de gagner les quelques minutes qui vont leur permettre de passer avec un discount. La mise en place de ces dispositifs nécessite donc une sensibilisation et une information préalables des clients des autoroutes. En revanche, il serait judicieux de mettre en place des systèmes de passage au péage sans arrêt, ce que l'on appelle le «free flow». L'essentiel du réseau autoroutier en France est constitué de barrières de péage où l'on paye en liquide, par carte bleue ou avec des badges électroniques. Tous ces dispositifs imposent aux automobilistes de marquer un temps d'arrêt à chaque barrière. Or à chaque fois qu'un camion s'arrête puis redémarre, il consomme entre un et deux litres de gazole. Si l'on mettait en place, rien que sur le réseau d'Autoroutes du Sud de la France (ASF) et uniquement pour les flottes de poids lourds, des systèmes de péages sans arrêt, l'économie générée avoisinerait les 100 millions de litres de gazole par an ! Autrement dit, les transporteurs routiers concernés pourraient économiser 100 millions d'euros par an et par la même occasion, on pourrait éviter d'émettre l'équivalent des émissions annuelles de CO2 d'une ville de 15.000 habitants. Mais, pour mettre en place le «free flow», il faudrait faire sauter un verrou d'ordre législatif qui nous permettrait d'accéder au fichier des cartes grises. En effet, dans un système de flux libres, nous devons pouvoir retrouver les gens qui sont passés sans avoir acquitté le péage.

 

 

 


 

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 15:03
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à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je suis acquéreur d'un logement dans la Résidence Marivaux grand parc à Clermont-Ferrand,construite et vendue par Vinci Immobilier. Déjà 6 mois de retard dans la livraison annoncée maintenant pour mi-décembre pour l'immeuble en cause et de nombreuses...

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