"La grande distribution a fait preuve d'une résistance spectaculaire"

Selon Laurent Morel, président de Klépierre, la grande distribution a fait preuve en 2009 d'une "résistance spectaculaire". Parmi les enseignes locataires des centres commerciaux de la société foncière filiale de BNP Paribas, ce sont celles qui opèrent dans le secteur de la mode et de l'équipement de la personne qui ont le mieux résisté.

La Tribune :  l'année 2009 restera-t-elle comme une année à oublier ?
Laurent Morel : au contraire, il ne faut pas l'oublier ! 2009 a montré l'ampleur de la mondialisation de l'économie. Jamais le commerce mondial n'a été aussi transnational. Au dire des économistes qui interprètent cette crise, on comprend que les grands flux commerciaux n'ont pas été correctement compensés par les flux financiers, que lorsque certains pays s'endettent en consommant pendant que d'autres produisent et épargnent beaucoup, des déséquilibres très importants se produisent sur les marchés des monnaies et de la dette. Un des enseignements de cette crise est donc la puissance établie des flux commerciaux internationaux. C'est la confirmation que la grande consommation est une industrie décidément mondiale. Ces biens de consommation sont conçus dans certains pays, produits dans d'autres et distribués mondialement. Il n'y a plus de perspectives pour les acteurs purement nationaux dans la grande distribution. Il en sera de même pour le monde des centres commerciaux.

2009 aura tout de même été une année historiquement mauvaise pour le commerce...
Certes mais il faut relativiser. La baisse des chiffres d'affaires de l'ensemble des enseignes locataires de Klépierre n'a pas dépassé 1,6%. La grande distribution a donc fait preuve d'une résistance spectaculaire en période de crise. La mode ou l'équipement de la personne ont mieux résisté que l'équipement de la maison. Et les enseignes liées à la santé et à la beauté ont même progressé. Les consommateurs n'ont pas renoncé à se faire du bien.
Si l'on examine nos performances pays par pays, nous avons vu nos loyers baisser en Espagne ou en Hongrie, qui représentent respectivement 9% et 3% de nos loyers, mais ils ont résisté en France, et ont même progressé en Italie du Nord et en Scandinavie.

N'avez-vous pas acquis au mauvais moment les centres commerciaux de Steen & Strøm ?
C'était certainement le bon timing. Nous sommes très satisfaits de cet investissement qui élargit notre présence en Europe, dans ces pays scandinaves qui sont en croissance démographique et bénéficient d'un fort pouvoir d'achat. La Norvège, avec sa manne pétrolière, constitue même un ilot de prospérité remarquable. 50 % des centres de cette acquisition sont situés dans ce pays.

A l'échelle du groupe, les grands centres commerciaux que vous détenez ont-ils mieux résisté que les centres plus petits?
La taille d'un centre commercial n'est pas le seul critère de performance. Le principal atout d'un centre commercial reste la proximité avec sa zone de chalandise principale. Un grand centre commercial comme Créteil Soleil, par exemple, bénéficie d'un environnement urbain très dense. Et en province, les hypermarchés établis dans les années 70 ont aujourd'hui un statut d'équipement de proximité au sein même des villes qui se sont développées.
Enfin, les « retail parks » (parcs d'activités commerciales) qui correspondent à une vraie zone de chalandise sont un format de commerce qui peut être efficace. Les enseignes liées à l'équipement de la maison qui ont besoin d'un nombre important de mètres carrés pour exposer le matériel les apprécient. En revanche, les « retail parks » qui se sont développés en faisant abstraction des zones commerciales déjà existantes peuvent connaître des difficultés.

Internet ne risque-t-il pas de fragiliser tous les centres commerciaux, quels qu'ils soient ?
Internet est un défi pour toutes les industries et, plus généralement, tous les outils de communication mobile qui modifient le rapport au consommateur. Nous nous adaptons. Beaucoup d'enseignes ont déjà fait de l'internet un allié plutôt qu'un adversaire. Cet outil permet de garder le lien avec le client, même lorsqu'il a quitté le centre commercial, et de l'y faire revenir. Mais rien ne remplace finalement la rencontre entre un client et un commerçant pour obtenir un conseil, finaliser un choix, tirer un certain plaisir de l'achat. Les centres commerciaux sont faits pour cela.

Dans ce contexte de plus en plus concurrentiel, pensez-vous être suffisamment développé à l'international ?
Notre taille européenne est aujourd'hui satisfaisante, avec une implantation dans 13 pays d'Europe continentale. L'essentiel de nos développements à venir sera concentré sur ces régions. Nous avons ainsi en « pipe line » de nombreux projets soit de rénovations de centres existants, soit d'extensions. Les pays prioritaires seront la France, l'Italie et la Scandinavie.

Un rapprochement avec le néerlandais Corio vous semblerait-il riche de sens ?
Un rapprochement d'entreprise n'a de sens que s'il est créateur de valeur pour l'actionnaire. En l'occurrence, les conditions ne me semblent pas réunies pour cela.

Votre situation d'endettement vous permet-elle, de toute façon, d'envisager des opportunités de croissance ?
Notre ratio Loan-to-value, c'est-à-dire notre endettement rapporté à la valeur de nos actifs est passé de 42% mi 2008 avant l'acquisition de Steen & Strøm à 49% fin 2009. Il reste conforme à notre politique de structurer notre endettement autour de 40% à 50% de Loan-to-Value. Ce niveau nous laisse une flexibilité importante par rapport à nos « covenants » bancaires, qui se situent actuellement à 63%, et il s'améliorera mécaniquement à la faveur de la reprise des valeurs immobilières, qui semblent avoir atteint un point bas mi 2009. Il faut d'ailleurs savoir que nos revenus d'exploitation représentent 2,6 fois les intérêts de notre dette. Dans l'immédiat, nous n'envisageons, de toute manière, aucun appel au marché actions ni cession d'actifs d'envergure. Nous nous contenterons, cette année, de poursuivre notre programme de cessions désormais régulier pour un montant compris entre 250 et 400 millions d'euros. Ces cessions concerneront comme en 2009 à la fois ces centres commerciaux et des bureaux, ceux-ci représentant encore environ 5% de notre portefeuille global pour 95% de commerces.


Comment voyez-vous 2010 pour Klépierre?

En 2010, nous tablons sur une croissance modeste de nos revenus, alors même que nos clients restent prudents. Pour l'avenir, nous enregistrons des signes encourageants. Beaucoup d'enseignes remettent en cause leurs modèles et font preuve de créativité pour adapter leur offre aux nouveaux besoins des consommateurs. Cela débouchera nécessairement sur des besoins renouvelés de locaux commerciaux, afin de déployer les nouveaux concepts. Nous continuons donc d'investir dans la modernisation et l'extension de nos centres existants ainsi que dans la construction de sites entièrement nouveaux.
De ce point de vue, l'opération la plus emblématique est sans doute la transformation de la gare Saint Lazare à laquelle nous a associé la SNCF. Pour un investissement de 135 millions d'euros, nous y réalisons 10.000 mètres carrés de commerces qui verront chaque année circuler plus de 100 millions de passagers ! Cette opération sera livrée d'ici à 24 mois et constituera un évènement au sein du pôle commercial majeur de la capitale.

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