Immobilier : la surélévation des immeubles, une solution miracle au manque de logements ?

Dans un contexte de zéro artificialisation nette des sols (ZAN), relever le plafond des immeubles présente la double vertu de loger des nouvelles populations voire de rénover l'existant. Si la volonté politique locale prime sur le reste, les copropriétaires et les riverains demeurent les premières personnes à convaincre. Reste ensuite à trouver les acteurs qui vont se lancer sur de tels chantiers. Explications.
César Armand
(Crédits : Wikimedia Commons)

Et si surélever un bâtiment était l'occasion de le rénover, voire d'y construire de nouveaux logements ? Soulever le plafond des immeubles ne date pas d'hier, mais le phénomène s'accélère dans les grandes villes où le foncier est rare et cher, et où la lutte contre l'étalement urbain devient LA priorité des élus. Après Paris, pionnière dans l'exhaussement de l'existant, et ce même avant l'adoption de son plan local d'urbanisme (PLU) bioclimatique au printemps prochain, d'autres collectivités suivent le mouvement. L'Eurométropole de Strasbourg vient ainsi de commander à la jeune pousse Upfactor une étude pour identifier des mètres carrés supplémentaires dans le respect des règles en vigueur. Il en ressort que 16.500 édifices pourraient être concernés.

« Ce n'est pas forcément visible à l'œil nu, mais en général, plus de 40% des bâtiments publics sont construits en dessous des règles des plans locaux d'urbanisme (PLU) et des hauteurs autorisées », explique Didier Mignery, président de la startup.

Le contexte du zéro artificialisation nette des sols

Ce dernier travaille également avec la municipalité de Saint-Nazaire qui  revalorise en ce sens son centre-ville mais aussi avec celle de Nice à qui il remettra ses résultats en mars-avril prochain. La cité balnéaire a d'ailleurs manifesté son intérêt à Perl, la filiale de Nexity spécialisée dans l'usufruit locatif social (ULS). D'un côté, un bailleur achète des immeubles anciens et en vend l'usufruit, c'est-à-dire le droit de jouissance, à un bailleur social. De l'autre, ce dernier propose à des investisseurs d'en acquérir la nue-propriété, autrement dit les murs, avant qu'ils en deviennent pleinement propriétaires au bout de quinze ans.

« Compte tenu du contexte de zéro artificialisation nette des sols (ZAN) et de la hausse du taux de livret A, nous avons besoin de solutions financières innovantes pour concilier le coût au m² et la sortie de logements abordables. L'usufruit locatif social peut permettre de surmonter ces surcoûts », affirme Tristan Barrès, le directeur général de Perl.

 La volonté politique prime sur le reste

D'autant qu'en la matière, la volonté politique prime sur le reste, les maires demeurant souverains en matière de délivrance de permis de construire. « Il existe à ce jour un double discours politique : tous les élus locaux vantent la densification et le besoin en logements, mais ne comprennent pas nécessairement les subtilités juridiques de ces montages, à savoir que l'on acquiert seulement des droits à construire et non les bâtiments existants à surélever », pointe Vincent Furer, président de Valerty.

Le dirigeant vient par exemple d'envoyer un courrier à la mairie de Lyon pour décrire le mode opératoire, mais aussi et surtout afin de fluidifier les traitements de ses demandes de permis de construire en cours. Idem dans le XVème arrondissement de Paris où un projet de trois niveaux supplémentaires aura mis trois ans à sortir. En cause : un avis défavorable de la commission du Vieux Paris qui voulait retirer un étage au projet, entraînant un refus de permis de la mairie centrale. « La livraison est finalement prévue dans deux mois, car nous avons finalement conservé cet étage en accord avec les copropriétaires », ajoute-t-il.

Les copropriétaires et les riverains, premiers à convaincre

Les copropriétaires et les riverains restent en effet les premières personnes à convaincre. Certes, depuis la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR, 2014), ces décisions ne doivent plus être prises à l'unanimité mais seulement par 2/3 des tantièmes, la part de copropriété de chacun des copropriétaires, mais des habitants redoutent toujours des travaux à côté ou au-dessus de chez eux. Les professionnels communiquent donc en amont lors de réunions privées avec les présidents de conseil syndical avant que ces derniers ne mettent le sujet à l'ordre du jour de l'assemblée générale de copropriété.

L'argument le plus souvent mis en avant est celui du financement de la rénovation globale de l'immeuble : changement ou installation d'un ascenseur, réfection de la cage d'escalier, ravalement de façade... A la manière des promoteurs immobiliers qui achètent un terrain, les opérateurs spécialisés dans la surélévation acquièrent des droits à construire auprès de la copropriété. Autant de fonds versés au syndic et qui viendront soit compenser les charges soit alimenter le fonds travaux. Et ce dans un contexte où le dispositif Ma Prime Rénov' copropriétés, quoique « renforcé » dans la loi de finances de 2023, n'a pas encore trouvé son public.

« Ma Prime Rénov n'est pas un eldorado et les propriétaires cherchent des solutions alternatives, comme le financement de la rénovation énergétique par de l'économie privée de projets, qui est plus rapide », appuie le président de Valerty, Vincent Furer.

Trouver les acteurs qui vont se lancer sur ces chantiers

Reste qu'après les études de faisabilité architecturale, technique et urbanistique, et les votes en AG, il faut trouver les acteurs qui acceptent de se lancer sur de tels chantiers.

« Pour les promoteurs, la surélévation est souvent trop petite et la rénovation trop grande », décrypte Sophie Meynet, directrice générale Immobilier résidentiel chez GA Smart Building.

A travers l'ensemble de ses filiales, son groupe va ainsi réaliser de la rénovation dans le cadre de contrats de promotion immobilière (CPI) et proposer des offres de charge foncière en VEFA. Autrement dit, des ventes en état futur d'achèvement (VEFA) par lesquelles les particuliers achètent un bien en cours de construction.

Ultime frein à lever : les règles de stationnement. Hormis la volonté politique de déroger à cette règle, tout plan local d'urbanisme (PLU) impose d'associer une à deux places de parking par logement créé. Sauf que ce n'est pas toujours possible en zone dense...

César Armand

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Commentaires 6
à écrit le 01/02/2024 à 17:06
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surelever c'est joli mais les fondations sont elles assez solides ? tout cela represente des tonnes et dans quelque temps le risque de voir des fissures et des huisseries qui coinsent n'est pas negligeable ne prend on pas des risques? de futur...

à écrit le 05/01/2023 à 4:01
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Le souci est que le propriétaire qui est tranquille au dernier étage de son immeuble va se retrouver avec des voisins au dessus de chez lui, finie la tranquillité. Ce ne sera pas évident de convaincre les copropriétaires. Dans ce monde mieux vaut ê...

à écrit le 04/01/2023 à 18:05
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Et combien de bâtiments ont des structures réelement capables de supporter les poids supplémentaires ? Sans parler des horreurs architecturales qu'on va avoir

à écrit le 04/01/2023 à 17:05
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Dans un contexte de zéro artificialisation nette des sols, toute nouvelle construction ne devraient pas avoir de fondation ce qui implique les maisons individuelles !

à écrit le 04/01/2023 à 16:15
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La contradiction entre une immigration à hauteur de centaines de milliers de personnes chaque année, soit l'équivalent d'une ville moyenne, et le "zéro artificialisation nette des sols" ne frappe-t-elle pas nos responsables politiques ?

le 04/01/2023 à 17:25
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Tout le monde se fait la même réflexion. Je ne peux qu'approuver

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