
Le marché de l'immobilier ancien va retrouver son « équilibre », est en « phase d'atterrissage » voire « ralentit ». Après une année 2021 synonyme de tous les records et une année 2022 marquée par une baisse de 10% des ventes d'appartements et de maisons, 2023 s'annonce déjà comme un « point de bascule ». Quels qu'ils soient, les agents immobiliers considèrent que le marché retrouve des « nuances » sur les prix.
« Le marché s'est clairement retourné »
« Avant, les prix montaient partout. Désormais, ça s'équilibre plutôt bien. Il y a un chassé-croisé entre, d'un côté, des investisseurs découragés par l'encadrement des loyers et la rénovation, et, de l'autre, des Français qui ont besoin de se constituer un patrimoine pour la retraite.
Idem entre ceux qui partent des métropoles et ceux y qui trouvent des commodités. Les familles et des seniors reviennent en centre-ville », témoigne ainsi Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt.
Un « ralentissement » confirmé, sur BFM Business, par le nouveau président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) Loïc Cantin. Un marché « un peu moins tonique ». « Depuis septembre 2022, les acquéreurs retrouvent des perspectives », appuie Guillaume Martinaud, président de la coopérative Orpi.
« Les prix avaient beaucoup augmenté au point de crisper le marché. Aujourd'hui, ce dernier s'est clairement retourné avec des baisses de prix amorcées dès juillet », souligne, de son côté, le président de Century 21, Charles Marinakis.
Premières interdictions à la location des passoires thermiques
2023 sera également synonyme d'une prise de conscience de la transition écologique et énergétique. Depuis le 1er janvier, les pires passoires thermiques, c'est-à-dire qui laissent entrer le froid en hiver et le chaud en été et qui consomment plus de 450 kWh par m² et par an, sont en effet interdites à la location. Avec l'ensemble des logements classés G et tous ceux étiquetés F, prohibés en 2025 et en 2028, près de 1,602 million d'habitats sont concernés, a calculé la FNAIM.
« On ne pourra pas tenir ce calendrier. Suspendons cette indécence énergétique à l'adoption d'un plan pluriannuel de travaux en copropriété », défend son nouveau président Loïc Cantin.
« Le coût d'une rénovation oscille entre 26.000 et 60.000 euros, sauf qu'aujourd'hui, 30% des propriétaires ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu et 2/3 n'ont qu'un seul logement en location », poursuit le porte-parole de Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM).
Un calendrier « irréaliste » appuie Yann Jéhanno. « Le système de financement ne fonctionne pas. Il faut certes lutter contre la précarité énergétique, mais les échéances sont contrariantes », ajoute le président de Laforêt. Qui plaide pour une ouverture plus large des « prêts avance rénovation », aujourd'hui réservés aux plus modestes, alors que ces emprunts hypothécaires pourraient financer la rénovation des copropriétés.
Inflation et remontée des taux d'intérêt au menu de 2023
2023 rimera aussi avec inflation et remontée des taux d'intérêt. « Ce marché a cette faculté de s'ajuster. Les régulateurs d'hier, c'est-à-dire les conditions d'accès au crédit, nous sont certes aujourd'hui plutôt défavorables, mais au moins, ils ne vont plus jouer le rôle d'amplificateurs », considère Charles Marinakis, président de Century 21.
« Le taux d'usure vient d'être réactualisé [le 28 décembre] mais cela reste un pansement sur une jambe de bois. La hausse des taux grippe le marché et engendre des difficultés pour les primo-accédants. C'est un élément qui fera que le marché atterrira », estime le président d'Orpi, Guillaume Martinaud.
Un constat partagé par le président de la FNAIM : « L'argent coûte plus cher, notamment pour les primo-accédants. Permettons à un ménage de conserver son crédit sur un autre bien ou de garder le taux d'intérêt de son vendeur. Cela ne coûte rien à l'Etat », exhorte Loïc Cantin. Leur homologue de Laforêt est, lui, plus optimiste : « La brutalité des taux est plutôt derrière nous. Les vendeurs acceptent de s'adapter sachant qu'il y a moins d'acquéreurs », souligne Yann Jéhanno.
Un sujet plus politique que lors de la dernière campagne présidentielle
2023 aura enfin une dimension plus politique que les années précédentes. D'ici au printemps, le ministre du Logement, Olivier Klein, annoncera les conclusions du Conseil national de la refondation dédié au Logement, mais pour les professionnels de l'immobilier ancien, cela ne suffira pas. D'autant que l'habitat, premier poste de dépenses des ménages, a été le grand absent de la campagne présidentielle.
« Tant qu'on n'aura pas un ministre qui mènera des Etats généraux avec un calendrier concerté, on se retrouvera avec une offre insuffisante dans les zones tendues (là où la demande est supérieure à l'offre, Ndlr) et avec une répartition de l'économie extrêmement métropolitaine », s'impatiente ainsi le président de Laforêt Yann Jéhanno.
« Posons-nous sur l'aménagement du territoire et la cohabitation des contraintes, projetons-nous sur de nombreuses années et surtout apportons un toit aux Français », enchaîne-t-il.
Guillaume Martinaud, président d'Orpi, est, lui, surpris par le « décalage » entre les incantations de la politique du logement et la réalité du quotidien.
« On parle beaucoup de la valeur verte d'un logement, mais le manque d'accès à ''Ma Prime Rénov'' est difficilement compréhensible », pointe-t-il.
« Le logement n'est pas juste une vue de l'esprit, mais un vrai enjeu pour l'avenir », embraye-t-il.
Déjà le 15 décembre dernier, le Conseil supérieur du notariat annonçait une « phase de décélération », avec une diminution des volumes de 6,7% en province et de 2,7% en Île-de-France. Après une évolution des prix « dynamique » voire « soutenue » en 2022, « tous les excès sont presque terminés. Il y a plus d'homogénéité », soulignait alors maître Thierry Delesalle, notaire chargé des études statistiques dans le Grand Paris.
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