AZF : une catastrophe industrielle toujours en débat 20 ans plus tard

Le 21 septembre 2021 sera une journée de commémorations des 20 ans de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, la plus grande catastrophe industrielle qu’ait connue la France depuis 1945. Mais 20 ans après, malgré 18 ans de procédures judiciaires et trois procès, il n’existe toujours pas de certitudes absolues sur les causes de ce drame.
Une grande partie du terrain de l'ancienne usine AZF n'est toujours pas dépolluée à cause de scellés de justice.
Une grande partie du terrain de l'ancienne usine AZF n'est toujours pas dépolluée à cause de scellés de justice. (Crédits : Jean Philippe Arles)

Le 21 septembre 2001, à 10 heures 17 minutes, une immense déflagration ravage l'usine chimique AZF et ses alentours, provoquant 31 morts et plus de 5.000 blessés. Le choc dans l'opinion a été d'autant plus violent que le drame intervenait quelques jours après les attentats du 11 septembre à New York. Vingt ans après, la plus grande catastrophe industrielle reste toujours dans les mémoires, notamment à Toulouse, et ses blessures persistantes.

La mairie de Toulouse doit inaugurer le 21 septembre prochain « un parcours mémoriel » sur l'histoire de l'usine, l'explosion et ses conséquences mais aussi ses mobilisations et batailles judiciaires en quête de responsabilités.

Responsabilité industrielle

Au terme d'interminables procédures, la justice a finalement condamné en 2017 l'ancien directeur de l'usine à 15 mois de prison avec sursis et la société propriétaire de l'usine, Grande Paroisse, filiale de TotalEnergies, à 225.000 euros d'amende. Un jugement qui laissera un goût amer aux victimes et un sentiment d'inachevé du travail de la justice.

Fait exceptionnel, le premier procès en appel sera même cassé par la Cour de Cassation, pour défaut d'impartialité des magistrats. Et, 20 vingt après, le drame conserve ses zones d'ombre. L'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo n'avait-il pas titré, cinq ans après les faits, « A Toulouse, tout a éclaté, sauf la vérité ! ».

Toutefois, le groupe TotalEnergies a immédiatement assumé sa responsabilité d'industrielle, sans attendre le résultat des enquêtes. Le groupe pétrolier a lancé des actions de solidarité pour répondre à l'urgence et aux besoins des victimes de 2001 à 2004, et Grande Paroisse a mis en place un dispositif de règlements des sinistres, avec à la clé, près de deux milliards d'euros d'indemnisation versées (99% des dossiers traités à l'amiable). Le groupe a également pris des engagements de création d'emplois dans le bassin économique de Toulouse.

Plusieurs hypothèses

Face à l'ampleur et à la complexité de la catastrophe, de multiples explications ont été avancées, et la thèse de l'expertise judiciaire reste contestée par les scientifiques.

Pour l'expert judiciaire, une erreur humaine aurait provoqué le mélange dans une benne d'un dérivé chloré avec du nitrate d'ammonium. Deux jours plus tard, cette benne aurait été déversé dans un hangar humide, provoquant une détonation, qui se serait ensuite propagé aux nitrates stockés à proximité.

Un scénario vivement contesté par les responsables de Grande Paroisse, compte tenu de l'odeur qu'aurait provoquée une telle manipulation. Sur le plan scientifique, la thèse est également controversée. Elle ne repose en effet que sur un essai expérimental, après 23 tentatives infructueuses.

D'autres pistes n'ont pas été réellement explorées, comme celle de la nitrocellulose, qui est à l'origine de l'explosion, en 2011, de l'usine toulousaine Saica Pack. Or, les enquêteurs avaient trouvé, sur le site AZF, des traces de poudres à base de nitrocellulose, qui auraient été accumulées pendant des années dans les sous-sols par l'ancien propriétaire du site, la Poudrerie Nationale de Toulouse. L'attentat terroriste ou la malveillance ont été également des pistes rapidement écartées.

Mémoire officielle

La mairie de Toulouse cherche donc avant tout à apaiser les esprits, surtout pour les victimes pour qui « le passé ne passe pas », reconnaît de responsable municipal de la culture, interrogé par l'AFP. TotalEnergies, comme d'anciens salariés d'AZF, qui refusent de croire à la piste accidentelle, ne se joindront pas aux commémorations. Jacques Mignard, président de l'association Mémoire et solidarité, se déclare ainsi convaincu que la version de la justice ne tient pas la route.

Aujourd'hui, le site est devenu un centre de recherche contre le cancer, mais une partie du terrain, toujours sous scellés de la justice, n'est toujours pas dépollué. C'est après ce travail de dépollution, qu'une réflexion sera lancée sur l'avenir du terrain non réhabilité. TotalEnergies a cependant engagé près de 100 millions d'euros pour dépolluer la partie du terrain à cheval sur l'ancienne usine avant la construction du centre de recherche et d'une centrale photovoltaïque. Mais, pour l'heure, pas question de construire des habitations.

D'autant que les associations de défense de l'environnement dénoncent la présence à proximité de déchets provenant de l'ancienne usine. TotalEnergies affirme que ces déchets font l'objet de travaux de réaménagement, en conformité avec les exigences des autorités. Sur la zone se trouvent également des petits lacs artificiels, datant de 1917, dans lesquels ont été déversés près de 5.000 tonnes de nitrocellulose, un explosif inactivé par la présence de l'eau.

Plus de réglementation mais moins de contrôles

Selon Paul Poulain, interrogé par l'AFP, les pouvoirs publics ont partiellement tiré les enseignements de la catastrophe. Les règles de stockage du nitrate d'ammonium ont été durcies mais les contrôles restent, selon l'expert, encore trop peu nombreux. « La France n'a pas exigé le système de détection incendie et de déclenchement automatique des extincteurs comme aux États-Unis » en raison du coût du dispositif qui se répercuterait sir le coût des engrais, note Paul Poulain.

Pour l'heure, les stocks de nitrate d'ammonium sont entreposés dans des sites miniers, des ports ainsi que dans les coopératives agricoles. Mais la majeure partie de ces stocks, ceux inférieurs à 250 tonnes, ne sont pas soumis à déclaration (contre 450 tonnes aux Etats-Unis ou 100 tonnes en Allemagne).

Pas beaucoup également d'informations sur les stocks dans les ports fluviaux, ni après AZF, ni même après l'explosion de Beyrouth, liée à un stock de nitrate d'ammonium. « Ce qui compte, c'est le nombre d'inspecteurs des sites dangereux et le nombre de contrôles », indique l'expert. Or, les contrôles, après avoir grimpé à 50.000 par an après l'explosion AZF, sont vite redescendus à moins de 20.000 en 2019, ce qui avait été signalé lors de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen.

(avec AFP)

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Commentaires 4
à écrit le 13/09/2021 à 23:24
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Warren Buffet peut continuer de compter ses milliards issus de la catastrophe Lubrizol...

à écrit le 13/09/2021 à 10:56
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18 ans et toujours rien de regle. France petaudiere.

à écrit le 12/09/2021 à 19:14
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A montaudran , 3 kms environ à vol d'oiseau , deux explosions bien dinstnctes à environ 10 secondes d'intervalle enregistrées sur une bande magnétique confiée à la police .

à écrit le 12/09/2021 à 17:38
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300 tonnes de nitrate d'ammonium à savoir produit principal pour fabriquer des engrais agro-industriels, à Beyrouth c'était 2700 tonnes, une aberration mortifère, mais plus directe celle-là, de plus dans ce secteur obscurantiste. Notons que nous avon...

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