Le procès AZF à l'heure du réquisitoire

Les avocats généraux prononcent vendredi un réquisitoire-fleuve au procès en appel de l'explosion de l'usine AZF, un drame auquel quatre nouveaux mois de débats souvent tendus n'ont toujours pas apporté d'explication définitive, faute de preuves matérielles.
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Grande Paroisse, propriétaire d'AZF et filiale de Total, ainsi que l'ex-directeur de l'usine Serge Biechlin sont poursuivis pour homicides involontaires, l'accusation estimant avec les experts judiciaires que des négligences ont permis la rencontre de deux produits incompatibles, le DCCNa (chlore pour piscine) et le nitrate d'ammonium stocké dans un hangar dont l'explosion a fait 31 morts et des milliers de blessés le 21 septembre 2001.

Grande Paroisse et M. Biechlin ont été relaxés en première instance en novembre 2009 faute de preuves matérielles, bien que le tribunal ait relevé de nombreuses "défaillances organisationnelles". Les procureurs avaient réclamé les peines maximales, 225.000 euros d'amende contre Grande Paroisse, et trois ans de prison avec sursis et 45.000 euros contre M. Biechlin. Le parquet a immédiatement fait appel mais la défense, Me Daniel Soulez Larivière en tête, ne cesse de répéter avec l'appui de nombreux témoins experts que cette piste chimique est "impossible".

Fautes et négligences

Seule parmi les parties civiles, l'association d'anciens salariés "Mémoire et Solidarité" estime avec la défense "qu'on n'a de preuve de rien" et qu'on a "négligé la piste d'un acte volontaire". La plupart des avocats des 2.500 parties civiles se sont au contraire succédé pendant une semaine à la barre du procès en appel pour dénoncer les "fautes et négligences" de la direction. Me Alain Levy a clos ces plaidoiries mercredi en affirmant que "la désorganisation" de l'entreprise avait permis le rapprochement de sacs de produits incompatibles alors qu'une "barrière immatérielle devait empêcher ce croisement".

Pour les parties civiles, les fautes de la direction, comme l'absence de consigne écrite délivrée aux sous-traitants chargés de la gestion des déchets et appelés à manipuler les sacs, sont les causes directes de la catastrophe; elles doivent entraîner la condamnation, même en l'absence de preuve matérielle du mélange malencontreux. Certains ont aussi accusé la commission d'enquête interne (CEI) créée par Total d'avoir freiné l'enquête, d'autres ont qualifié de "thèse absurde" l'éventualité d'un acte volontaire, pourtant jugée probable à 99,99% par Serge Biechlin.

Total "possédait tout, décidait de tout"

Quelques avocats ont plaidé pour que la maison-mère, Total, soit aussi jugée car Total "possédait tout, décidait de tout", selon Me Simon Cohen. Me Thierry Carrère, avocat de l'association des "Sinistrés du 21 septembre", a demandé que l'ex-PDG de Total, Thierry Desmarest, soit lui aussi poursuivi parce que "c'est le général qui a gardé la main sur son armée de bout en bout". La cour d'appel a différé jusqu'à la fin du procès sa décision sur la recevabilité de ces demandes de poursuites.

Défense et parties civiles attendent de savoir si les deux avocats généraux Pierre Bernard et Lionel Chassin, à la fin d'un réquisitoire prévu pour durer huit heures, demanderont les peines maximales contre Grande Paroisse et M. Biechlin, et s'ils concluront à l'irrecevabilité des plaintes contre Total et M. Desmarest, comme cela avait été le cas en première instance. La défense qui a plusieurs fois mis en cause l'impartialité de la cour et a fait planer la menace d'un recours en cassation devrait plaider la relaxe pendant trois jours la semaine prochaine. La cour devrait ensuite mettre sa décision en délibéré probablement jusqu'en septembre.

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