Si la perte d'étanchéité dont est victime le réacteur numéro 1 de la centrale nucléaire de Taishan était intervenue en France, EDF réaliserait "la mise à l'arrêt du réacteur dans les meilleurs délais", a indiqué, ce 22 juillet, un porte-parole du groupe, alors que le conseil d'administration de TNPJVC, l'exploitant de la centrale chinoise, s'est réuni ce matin.
Il y a un peu plus d'un mois, le 14 juin dernier, le monde du nucléaire avait les yeux rivés vers la Chine : la chaîne de télévision américaine CNN révélait une potentielle fuite radioactive au niveau de la centrale nucléaire de Taishan, située dans la province du Guangdong dans le sud du pays.
EDF pas exploitant, mais actionnaire minoritaire
La centrale de Taishan est composée de deux réacteurs de type EPR. Ces réacteurs de troisième génération, issus d'une technologie française, sont les seuls au monde à être aujourd'hui en fonctionnement. Ils ne sont pas exploités par EDF, mais par TNPJVC, une joint-venture dont EDF est toutefois actionnaire minoritaire (30%), aux côtés du chinois CGN (70%).
EDF (dont la filiale Framatome est à l'origine de la conception des réacteurs) avait alors confirmé avoir été informé d'une augmentation de la concentration des gaz rares dans le circuit primaire de réacteur numéro 1 de la centrale, provoquée par la dégradation de certaines gaines de crayons combustibles. L'énergéticien tricolore avait précisé que "la valeur des rejets atmosphériques respectait les contraintes réglementaires. "Il ne s'agit donc pas d'une contamination, mais de rejets maîtrisés", avait affirmé un porte-parole.
Entre-temps, les experts d'EDF ont pu analyser une série de données, dont les paramètres radiochimiques, communiquées par TNPJVC. A partir de cette analyse, EDF tire deux conclusions : le taux de concentration des gaz rares dans le circuit primaire reste en deçà du seuil fixé par l'autorité de sûreté nucléaire chinoise, seuil qui "est cohérent avec ce qui se fait à l'international", indique un porte-parole d'EDF.
Arrêter le réacteur pour stopper l'évolution
En revanche, "l'inétanchéité de la gaine présente un caractère évolutif", pointe un expert d'EDF. Comprendre ici que la concentration des gaz rares dans le circuit primaire continue d'augmenter. "Ce qui nous conduirait à mettre à l'arrêt le réacteur s'il était en France", poursuit ce même ingénieur.
"La décision d'une mise à l'arrêt appartient à l'exploitant TNPJVC", souligne toutefois EDF, qui n'a pas connaissance du calendrier de prise de décision prévu par TNPJVC.
EDF aurait pris cette décision pour trois raisons. D'abord pour stopper l'évolution de la dégradation de la gaine. Ensuite pour pouvoir réaliser des inspections sur les crayons combustibles endommagés afin de mieux comprendre les causes de cette dégradation.
Protéger le personnel
Troisième motif : l'arrêt permettrait de limiter l'activité radiologique et donc, par la suite, de limiter les opérations de décontamination du circuit primaire pour assurer les meilleures conditions de travail du personnel et limiter leur exposition lors du futur arrêt du réacteur. Dans le cadre des procédures classiques, un réacteur de type EPR est arrêté tous les 18 mois environ pour procéder à la recharge du combustible.
Dans le détail, la mise à l'arrêt du réacteur consisterait à stopper son alimentation, le laisser refroidir, puis ouvrir la cuve pour décharger le cœur. Les assemblages combustibles seraient ensuite entreposés dans la piscine de stockage pour procéder à une inspection télévisuelle. Une telle opération engendrerait donc l'arrêt du réacteur pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Est-ce qu'un tel arrêt, non programmé, est envisageable compte tenu des besoins en électricité de la Chine ?
EDF rappelle que la situation n'est "ni accidentelle, ni incidentelle", mais estime qu'il s'agit d'une "situation sérieuse avec un caractère évolutif". Le groupe tricolore dit, en revanche, qu'il est "difficile de se prononcer sur la dynamique", de cette évolution. Les experts d'EDF ne sont ainsi pas en capacité de dire si le seuil de sûreté pourrait être dépassé à terme.
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