ERDF lance le déploiement de ses compteurs intelligents Linky

Par Pierre Manière  |   |  849  mots
D’après la Commission de régulation de l’énergie, CRE), le gendarme du secteur, avec les Linky, la baisse de la consommation pourrait s’élever à 1%. Ce qui correspond à un gain de pouvoir d’achat d’environ 2 milliards d’euros.
Le principal gestionnaire du réseau de distribution d’électricité français a donné le coup d'envoi, ce mardi, du déploiement de 35 millions de compteurs intelligents dans l'Hexagone. A terme, ils doivent permettre de mieux appréhender la consommation et la production d'électricité, tout en diminuant la facture des ménages.

C'est un chantier d'ampleur, qui va s'étaler sur les six prochaines années. Au lendemain de l'ouverture de la COP21, ERDF a donné le coup d'envoi mardi 1er décembre du déploiement dans tout l'Hexagone de ses nouveaux compteurs électriques intelligents Linky.

D'ici à 2021, quelque 35 millions de boîtiers vont voir le jour, dont 3 millions d'ici à la fin 2016. Le rythme des installations va progressivement s'accélérer, jusqu'à 8 millions de boitiers par an à horizon 2018-2019. Elaboré avec le concours de gros industriels français (à l'instar de Sagemcom, qui a lancé une usine de production automatisée à Dinan), ce programme à 5 milliards d'euros doit déboucher sur la création de 10.000 emplois. Grâce à des relevés quotidiens et automatisés, ces nouveaux boîtiers connectés doivent permettre de mieux piloter la production et la consommation d'énergie.

Pour le consommateur, les Linky sonnent la fin de nombreuses interventions à domicile lors des relevés de compteurs, d'une mise en service suite à un déménagement, ou d'un changement de puissance. Désormais, "nul besoin de prendre un jour de RTT pour convenir d'un rendez-vous avec un technicien : un simple coup de fil suffir", précise Bernard Lassus, le directeur du programme Linky chez ERDF.

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"Un outil d'éducation"

Les données collectées par les Linky permettront à ERDF et aux collectivités d'appréhender avec précision la consommation d'énergie à l'échelle de la France ou d'une zone géographique donnée, comme un quartier. Ce qui doit, in fine, déboucher sur des économies. En outre, les Linky sont perçus comme un levier pour favoriser la transition énergétique, en permettant une implantation plus fine des énergies renouvelables sur tout le territoire.

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Argument phare chez le gestionnaire de réseau, ces boîtiers doivent permettre aux consommateurs d'alléger leurs factures. Ils sont, selon Bernard Lassus, "un outil d'éducation", visant à démocratiser tout un éventail de "bonnes pratiques". Concrètement, "les personnes intéressées" auront la possibilité d'ouvrir gratuitement un "espace client" sur le site d'ERDF. Ils pourront visualiser leur consommation, se comparer à des foyers types, et constater l'impact de leurs habitudes du quotidien sur leur facture. Grâce à cet outil, Bernard Lassus affirme que les compteurs constituent "un moyen d'accompagner des éco-gestes", comme "éteindre les appareils en veille, éviter d'en allumer plusieurs en même temps, ou attendre les heures creuses pour lancer une machine à laver".

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L'émergence d'offres personnalisées ?

Toutefois, ce volet est sujet à controverse. De fait, les données de consommation ne seront accessibles qu'en kilowattheures pour la majorité des Français, ce qui n'est, pour beaucoup, guère parlant. Selon la loi de transmission énergétique, seuls les ménages précaires pourront bénéficier d'un affichage en temps réel et en euros. D'après la Commission de régulation de l'énergie, CRE), le gendarme du secteur, avec les Linky, la baisse de la consommation pourrait s'élever à 1%. Ce qui correspond à un gain de pouvoir d'achat d'environ 2 milliards d'euros. À ce sujet, Bernard Lassus se montre très prudent, affirmant que les Linky ne constituent "pas une révolution". Ils sont tout au plus "une brique pour faciliter les économies d'énergie", précise-t-il.

En parallèle, les Linky sont présentés comme un moyen de proposer aux Français de nouvelles offres personnalisées, et donc plus avantageuses. Mais pour ce faire, par mesure de sécurité et en vertu du respect de la vie privée, encore faut-il que le client donne son consentement pour transmettre ses données de consommation. Ce qui, selon plusieurs fournisseurs, limite considérablement leurs marges de manœuvre.

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L'inquiétude de certaines associations

Les Linky suscitent aussi des craintes quant à leur impact sur la santé. C'est notamment le cas l'association Piartem-Electrosensibles. Début octobre, Jeanine Le Calvez, sa présidente, s'est inquiétée "du fait que l'appareil enverra en permanence des informations par courant porteur en ligne (CPL) et qu'il rayonnera dans toutes les pièces de la maison". Le même mois, la Direction générale de la santé (DGS) a demandé une expertise concernant cette exposition à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Contactée par La Tribune, celle-ci explique que les résultats ne seront pas disponibles avant plusieurs mois.

Mais quoi qu'il en soit, on peut se demander quel sera son un impact si un risque sur la santé est révélé. De fait, les Linky sont aujourd'hui obligatoires, le programme est sur les rails... Surtout, pourquoi avoir attendu le dernier moment pour lancer une telle étude ? Pour l'heure, la DGS n'a pas donné suite à nos sollicitations. De son côté, Bernard Lassus affirme que les boitiers "respectent toutes les normes françaises et européennes".