L’Internet de l’énergie prend forme

La pépite française Energisme franchit une étape supplémentaire dans son offre de traitement de données. Son nouveau service de gestion en libre accès doit permettre à ses clients d’accélérer leur transition énergétique.
Dominique Pialot
Energisme permet à ses clients de disposer en temps réel de vues d'ensemble de leurs consommations, pour plusieurs types d'énergies et plusieurs sites.
Energisme permet à ses clients de disposer en temps réel de vues d'ensemble de leurs consommations, pour plusieurs types d'énergies et plusieurs sites. (Crédits : @Energisme)

Quelques jours seulement après avoir annoncé sa deuxième levée de fonds en moins d'un an (6 millions d'euros en mars 2018 et 5 millions supplémentaires en janvier 2019), le spécialiste français de la gestion d'énergie, Energisme, franchit une étape supplémentaire.

Avec son nouveau service N'Gage, il offre la première brique de son service en libre accès aux industriels, gestionnaires d'immeubles, entreprises tertiaires et collectivités souhaitant disposer d'une vue d'ensemble de leurs consommations d'énergies (électricité, gaz, air comprimé...).

"Avec ce service révolutionnaire, sur lequel planchent pas moins de 70 développeurs depuis trois ans, nous faisons sauter le verrou du coût", commente Cyril Hommel, vice-président "business development", lors d'une conférence dédiée à l'Internet de l'énergie.

Le sujet de la convergence entre le numérique et l'énergie avait connu sa première heure de gloire avec le créateur d'Ethernet, Robert Metcalfe, au tournant des années 2010, avant d'être popularisé par Jeremy Rifkin ou, en France, Joël de Rosnay. Si son étoile avait quelque peu pâli depuis, elle reprend des couleurs avec le big data et l'intelligence artificielle.

La donnée au centre de la transition énergétique

En effet, c'est grâce notamment au machine learning qu'Energisme permet à ses clients de traiter et partager en temps réel de très importants volumes de données.

"La donnée sera le centre névralgique de la transition énergétique", promet Pierre Vidal, son directeur général adjoint.

Du gestionnaire d'immeubles à la collectivité, en passant par un industriel doté de plusieurs sites ou un réseau d'agences bancaires, tous peuvent tirer parti de ces données afin de mieux analyser, comparer et, in fine, maîtriser, leurs consommations.

"L'étude de la courbe de charge peut permettre à un client de constater que son abonnement est surdimensionné par rapport à ses besoins et de le renégocier à la baisse, ou d'établir des benchmarks afin d'identifier aussi bien des anomalies que des bonnes pratiques au sein d'un parc de sites comparables", détaille Thierry Chambon, Pdg d'Energisme. D'ailleurs, N'Gage comprend notamment un service d'optimisation automatisé des puissances souscrites.

Invités à témoigner, Stéphane Ferran, directeur technique immobilier d'Orange, reconnaît la complexité d'analyses multi-sites et de bâtiments aux usages hybrides (immobilier/télécoms), tandis que Karim Boumediene, responsable ingénierie exploitation/digitalisation chez BNP Paribas, cite des temps de retour sur investissements supérieurs à trois ans pour les solutions d'efficacité énergétique standard, trop élevés pour la banque. Pour Charles-Antoine Gautier, chef du département énergie de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) "le croisement des données de l'énergie avec celles d'autres secteurs telles que l'eau ou les déchets permettrait de s'approcher d'un grand service public local de la donnée".

Traiter de nombreuses données hétérogènes en temps réel

Depuis qu'en 2015 Thierry Chambon a pris les commandes de l'entreprise avec deux associés, le spécialiste de la gestion d'énergie (qui, depuis 2004, fournissait déjà des tableaux de bord à ses clients) n'a cessé, grâce aux progrès du big data, de peaufiner sa plateforme pour la rendre toujours plus performante dans le traitement de grandes quantités de données hétérogènes en temps réel. "Une compétence rare", comme le rappelle Thierry Chambon.

« Cette mise à disposition gracieuse des données doit permettre aux clients d'accélérer leur transition écologique, jusqu'ici freinée par le modèle économique de la plupart des prestataires, qui font payer l'accès aux données énergétiques », prédit-il.

"Avec N'Gage, il n'y aura aucune restriction de profil, de typologie ou de quantité de données, ni de durée d'utilisation", précise Cyril Hommel.

Les opérateurs de réseaux Enedis (depuis quelque temps déjà), et GRDF (à compter d'avril) peuvent et doivent désormais fournir à leurs clients finaux -et non plus aux seuls fournisseurs d'électricité et de gaz- leurs données de consommation. Mais cela reste des données brutes, peu exploitables avant traitement. C'est précisément ce que propose Energisme, dont le modèle économique repose sur la vente par abonnement de services plus poussés, y compris à des fournisseurs d'énergie, intéressés par le croisement de leurs propres données avec celles issues, par exemple, de services de météorologie.

Dans l'attente d'évolutions réglementaires

« Notre métier, c'est de créer des données virtualisées », précise Thierry Chambon. Autrement dit, une même donnée envoyée sous différentes formes et utilisable aussi bien par les producteurs, les opérateurs de réseau, les collectivités ou encore les syndicats d'énergie.

Outre une certaine résistance du système historique hypercentralisé, le déploiement de ce type de solutions se heurte à une réglementation encore trop rigide. Ainsi, l'élargissement de la maille d'autoconsommation au-delà des seuls consommateurs, dont les points de soutirage et d'injection sont situés en aval d'un même poste de transformation (un immeuble ou, au mieux, un pâté de maisons), permettrait à des acteurs d'un territoire plus étendu, et de différents profils (commerçants, particuliers, bureaux...) d'échanger leur production d'énergie renouvelable en fonction de leurs courbes de charge respectives.

La protection des données personnelles constitue parfois également un frein au déploiement de l'Internet de l'énergie. Même si, témoigne Charles-Antoine Gautier de la FNCCR, "l'autoconsommation peut permettre de lever les contraintes d'acceptabilité sociale". Autrement dit, de nombreuses personnes seraient prêtes à communiquer leurs données en échange d'un service rendu perçu comme réellement utile.

En attendant ces évolutions réglementaires, les collectivités, de plus en plus nombreuses à envisager de remunicipaliser la distribution de l'énergie, devraient apprécier la nouvelle offre d'Energisme.

L'entreprise, qui travaille également sur la Blockchain dans un projet de réseau de chaleur ou encore dans le suivi de contrats de performance, a annoncé une troisième levée de fonds d'un montant plus important que les précédentes pour la fin du premier semestre 2019.

Dominique Pialot

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Commentaires 2
à écrit le 30/01/2019 à 18:11
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"Autrement dit, de nombreuses personnes seraient prêtes à communiquer leurs données en échange d'un service rendu perçu comme réellement utile". Même pas.

à écrit le 30/01/2019 à 8:27
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Cela ne va pas assez vite, sans politiciens puissants politiquement pour tordre la dérive financière nous menant à l’extinction de 6 milliards d'humains (GIEC), ces gens là continueront d'investir en masse sur l'élimination involontaire certes mais b...

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