Risques industriels : Pompili opte pour le name and shame

Faisant suite à l’accident de Lubrizol, la ministre de la Transition écologique rend publics les noms de plusieurs sites industriels sous le coup d’incidents à répétition. Pour sortir de cette liste noire, les exploitants devront rapidement se mettre aux normes.
En septembre 2019, un gigantesque incendie détruit partiellement l'usine Lubrizol à Rouen. La cour d'appel de Paris a rejeté le 30 juin la requête formulée par le groupe pour faire annuler la procédure de mise en examen.
En septembre 2019, un gigantesque incendie détruit partiellement l'usine Lubrizol à Rouen. La cour d'appel de Paris a rejeté le 30 juin la requête formulée par le groupe pour faire annuler la procédure de mise en examen. (Crédits : Pascal Rossignol)

On connaissait le name and shame pour les mauvais payeurs, le voici mis au service de la sécurité industrielle. Tirant les leçons de l'accident survenu en septembre 2019 sur le site rouennais de Lubrizol, le ministère de la Transition écologique choisit de jouer la transparence, d'aucuns diront la stigmatisation. Ses services viennent de rendre publique une première liste de treize sites industriels français, faisant l'objet d'accidents ou de défauts de conformités récurrents : incendies, pollutions intempestives, manquements aux obligations de sécurité...etc.

Dans le collimateur de Barbara Pompili : six établissements du groupe laitier Lactalis, deux du spécialiste aquitain du recyclage Pena, un du fabricant d'engrais Yara, un du pétrolier Exxon, trois sites du sucrier Tereos* ainsi que la station d'épuration du SIAAP à Achères qui avait été victime d'un incendie spectaculaire en 2019. Repérées sur la base des constats effectués par les inspecteurs des DREAL (Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement), ces treize installations classées sont placées sous « vigilance renforcée » du nom de ce nouveau dispositif.

« Une démarche responsabilisante »

Pour ne plus apparaître dans cette liste, les six industriels concernés devront s'acquitter d'un certain nombre de travaux dans le cadre de plans de mise en conformité comportant « des actions concrètes, quantifiables et vérifiables » qui sont présentées dans le détail sur le site du ministère. Lequel leur donne jusqu'à décembre 2022, dernier délai, pour honorer leurs engagements à défaut de quoi ils encourront des sanctions qui pourraient aller jusqu'à la fermeture.

« C'est une démarche responsabilisante pour les exploitants qui s'engagent dans une trajectoire de progrès vis-à-vis de l'administration mais aussi vis-à-vis des riverains dont l'accident de Lubrizol a montré qu'ils étaient mal informés des risques » argumente-t-on dans l'entourage de Barbara Pompili où l'on espère que la manœuvre aura « plus de force et de portée » que le simple dialogue entre les autorités et les industriels.

Une liste non exhaustive

En ligne depuis le 1er juillet, ce premier inventaire sera mis à jour chaque année avec probablement de nouveaux entrants. Quant à savoir s'il permettra de placer les établissements les plus à risques au pied du mur, difficile d'en jurer. Souvenons-nous qu'à Rouen, les substances inflammables stockées chez Normandie Logistique pour le compte de Lubrizol n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration en bonne et due forme.

A l'hôtel de Roquelaure, on admet d'ailleurs manquer d'informations pour pouvoir prétendre à l'exhaustivité. « Pour établir cette liste, nous sommes partis de la connaissance des inspecteurs de la DREAL mais nous ne détenons pas forcément la totalité des éléments » concède t-on au cabinet de la ministre.

Ce dispositif de vigilance renforcée s'inscrit dans la palette des mesures correctives annoncées en septembre 2020, à Rouen, par Barbara Pompili et Gérald Darmanin. Il sera complété en janvier prochain par la publication systématique des rapports d'inspection des installations classées. « Tout citoyen aura accès à un compte rendu pédagogique et accessible : liste des points de contrôle, liste des non-conformités et nature des suites administratives proposées au préfet » promet le ministère. Comme le précédent, cet exercice de transparence vise à placer les industriels les moins sourcilleux dans les radars des riverains et des autorités locales.

*Pena : sites de Merignac et Saint d'Illac - Tereos : Morains-le-petit, Connantre et Escaudoeuvres - Esso : Port-Jérôme-sur-Seine - Lactalis : Riom-es-Montagne, Raguin-Vercel, Lons-le-Saulnier, Xertigny, Laval-Changé (site Nestlé Ultrafrais), Yara : Montoir-de-Bretagne.

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Commentaires 4
à écrit le 07/07/2021 à 9:17
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Il vaudrait mieux créer une Autorité de Sureté de la Chimie calquée sur celle du nucléaire et qui aurait pouvoir sur l'ensemble de la chose par l'intermédiaire d'une direction technique.

le 07/07/2021 à 15:07
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Un énième comité Théodule juge et parti calqué sur le nucléaire? Merci mais non merci.

à écrit le 06/07/2021 à 22:24
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Encore un coup de com' pour cacher la complaisance politique en validant des normes sécuritaires au rabais suite aux catastrophes industrielles en série d'abord à la raffinerie Total de Feyzin puis l'usine chimique AZF (Total) de Toulouse... Se...

à écrit le 06/07/2021 à 19:38
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Elle pourrait ajouter le name & shame des sites abandonnés non dépollués (faillite voire organisée), qui seront nettoyés à nos frais. Y a ce qui tourne et aussi ce qui reste. Pollueur payeur, c'est je pollue pour vous, payez maintenant.

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