Georges Plassat réussira-t-il là où Lars Olofsson a échoué? Le nouveau patron de Carrefour doit prendre ses fonctions de directeur général dans un petit mois. D'ici là, le groupe tentera de faire oublier 2011, annus horribilis du groupe Carrefour. L'an dernier, le numéro deux mondial de la distribution aura vu son résultat opérationnel reculer de 20 % ( - 19 % en tenant compte de la déconsolidation de Dia et des actifs thaïlandais) et ses ventes bégayer à 91,5 milliards d'euros. Sa capitalisation boursière aura chutéde près de 50 %. Groupe Arnault et Colony Capital, actionnaires de référence de Carrefour qui détiennent 22,1 % de ses droits de vote, ont réussi la scission de Dia, l'enseigne de hard discount, mais auront dû renoncer à introduire en Bourse un quart du capital de sa foncière, Carrefour Property.
La France, le plus cuisant des échecs d'Olofsson
Et - c'est là la plus cuisant des échecs olofssoniens - Carrefour n'est pas parvenu à redresser son activité en France, premier de ses marchés, qui génère près de 40 % de son résultat opérationnel. A tel point que Carrefour parait plus mal en point encore qu'en mars 2009, il y a tout juste trois ans, lorsque Lars Olofsson avait posé son propre diagnostic sur ce grand groupe malade.
A l'époque, l'ancien patron de Nestlé devait redonner au pionnier de l'hypermarché « son quart d'avance ». Un document interne, auquel "latribune.fr" a eu accès, chiffre à 13 millions le nombre de ménages, qui ont fait leurs courses en 2011 chez Carrefour. Soit 1,3 million de familles de moins que fin 2009. « Aujourd'hui, tout est à refaire », note un cadre au siège de Carrefour. En commençant par la France : l'enseigne doit urgemment corriger sa mauvaise image d'enseigne chère qui désormais colle à la peau de ses hypermarchés mais aussi, depuis deux ans, à son réseau de supermarchés et, maintenant, de supérettes. « C'est l'un des inconvénients d'avoir cloué Carrefour sur le fronton de tous ses magasins en France», raille un dirigeant de Leclerc.
Carrefour perçu comme trop cher
L'étude 2011 du cabinet OC & C le démontre : l'image prix de Carrefour n'est pas la « Best in class » qu'espérait Lars Olofsson. L'enseigne se range loin derrière Leclerc et Auchan. Les Français perçoivent Carrefour comme 2,2 % plus cher que le marché, note OC&C. « C'est à mettre au compte de ses errements depuis 2009, date du lancement réussi de Carrefour Discount, sa marque d'entrée de gamme », estime le consultant, Jean-Daniel Pick, directeur associé de OC&C.
Mais l'image de Carrefour est en train de s'améliorer. Georges Plassat pourra constater combien la stratégie du directeur exécutif de Carrefour France, Noël Prioux, commence à faire son ?uvre dans l'Hexagone. En janvier, il a baissé les prix de 500 produits dans ses magasins. Et l'a fait savoir urbi et orbi, à la radio comme à la télévision. Le message est passé. Timidement, les ventes se redressent. « Il lui faut maintenant être persistant. Car réformer son image prix est un travail qui prendra deux à trois années », juge Jean-Daniel Pick. « C'est la récurrence du message petits prix qui est cruciale », confirme un cadre de Carrefour.
Un Etat dans l'Etat
Contrairement à son prédécesseur, Georges Plassat ne devrait guère tergiverser pour passer à l'action. « Il est du sérail », note un cadre, en faisant allusion à son parcours 100 % distribution. Ce grand gaillard de 63 ans a travaillé chez Carrefour, Casino et le groupe André devenu Vivarte. Trois groupes où il a dû composer avec des actionnaires exigeants. Trois groupes qui opèrent sous différents formats, de la boutique à la grande surface, et dans différentes zones de chalandise, de la grande périphérie à l'hyper-centre.
Cette « expérience de terrain » lui accorde toute la crédibilité nécessaire pour mener un groupe de 471.000 salariés. Elle devrait aussi lui servir pour comprendre les ratés de Carrefour Planet, concept d'hypermarché imaginé par Lars Olofsson pour relancer ses très grandes surfaces en Europe. « Pourquoi est-ce que ce concept fonctionne partout sauf en France ? Est-ce à cause des éternelles baronnies de cet Etat dans l'Etat qui jamais ne fait bien son boulot ?», s'interroge un cadre.
Le concept Carrefour Planet sur la sellette
Adopté dans 81 magasins, cet aménagement n'a pas revigoré les ventes de mode, objets de décoration et livres dans les 29 hypermarchés français reliftés. A tel point que ce concept serait sur la sellette. « Le plan de déploiement sera revu de manière pragmatique, pays par pays en tenant compte des conditions macro-économiques existantes et d'une politique disciplinée d'allocations des investissements », a formulé Carrefour, le 19 janvier 2012, lors de la publication de son chiffre d'affaires annuel. « Ce serait une erreur de tout abandonner. Auchan s'en est inspiré, avec succès. Cela va se voir en 2012 », prévient un consultant spécialisé dans les nouveaux concepts de distribution.
Il reviendra donc à Georges Plassat de donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Il le sait. Et il l'a avoué, par communiqué, fin janvier lors de l'annonce de sa nomination, en déclarant être « tout à fait conscient de l'ampleur de la mission à mener à bien, qui nécessitera le concours de toutes les forces vives de l'entreprise ». Sa réputation « d'homme dur mais brillant » le précède.
Un homme craint
« Il n'est pas encore dans les murs que, déjà, tout le monde le craint », note un cadre, en moquant tous « les intellectuels du Power Point et des tableaux Excel », qui, à la hâte, avant tout rendez-vous avec le nouveau patron, se « précipitent en magasin pour vite apprendre ce qu'est concrètement que de pousser un caddie en hypermarché ». Le nouvel homme fort de Carrefour devrait rapidement jauger les meilleurs et réhabiliter ceux que les hommes de Lars Olofsson avaient essoré. « Dans la distrib', tout repose sur l'énergie et la volonté des salariés, de l'hôtesse d'accueil au directeur de magasin qui doit être sur le pont dès 6 heures du matin », rappelle un ancien carrefour.
Sujets les + commentés