Reconfinement : "C'est une nouvelle épreuve pour les loueurs de voitures" Jean-Philippe Doyen

Le deuxième confinement survient alors que les loueurs de courte durée ne se sont toujours pas remis de la première vague de la crise sanitaire. Pour le président du métier de la mobilité partagée au sein du CNPA*, il est urgent que le gouvernement prenne davantage en compte la situation critique de ce secteur.
Nabil Bourassi
Le secteur que je représente, c'est 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 1.500 entreprises de tailles diverses, rappelle Jean-Philippe Doyen.
"Le secteur que je représente, c'est 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 1.500 entreprises de tailles diverses", rappelle Jean-Philippe Doyen. (Crédits : Sixt)

LA TRIBUNE - Le secteur de la location de courte durée a été fortement impacté par le premier confinement, quel bilan peut-on faire ?

JEAN-PHILIPPE DOYEN - Aujourd'hui, nous prenons acte des nouvelles mesures du gouvernement, et nous les comprenons puisqu'elles répondent à une urgence sanitaire inédite. Toutefois, d'un point de vue économique, c'est une fois encore une très mauvaise nouvelle pour nous. De nombreux acteurs de la location de courte durée ont été fragilisés par la première vague du printemps. Je rappelle que du jour au lendemain, nous avions observé des chutes d'activité de l'ordre de 95% sur certains secteurs comme les zones aéroportuaires. Ce nouveau confinement est une nouvelle épreuve pour le secteur.

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La période de déconfinement n'avait pas permis de retrouver de l'activité ?

Depuis la fin du confinement, nous avons retrouvé une activité plus forte, mais elle est restée inférieure de 45% par rapport à ce qu'elle était en 2019 d'après les dernières statistiques du CNPA. La clientèle internationale est celle qui a évidemment le plus manqué à cause de la fermeture des frontières, mais les voyages d'affaires manquent également cruellement en raison de la baisse des déplacements professionnels. Il reste la demande plus locale de particuliers.

Ce nouveau confinement pourrait donc être fatal pour certains de vos adhérents...

Potentiellement, il peut aggraver la situation d'entreprises qui ont déjà été fragilisées par la première vague. Le secteur que je représente, c'est 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 1.500 entreprises de tailles diverses: il y a des groupes internationaux mais également des franchisés et des indépendants. Pour autant, la location de courte durée reste un métier d'avenir et participe à la transformation de la mobilité. Les besoins en mobilité partagée, à long terme, vont continuer à se développer, et les loueurs de courte durée ont évidemment un rôle à jouer dans cette transformation. Le meilleur est donc devant nous, mais nous ne savons pas quand exactement.

On voit pourtant de grands réseaux en grave difficultés, comme Europcar, mais également Hertz aux États-Unis. Le secteur était-il structurellement fragilisé avant même la crise sanitaire ?

Le secteur en tant que tel n'était pas particulièrement fragilisé. Il y a toujours des disparités, sur lesquelles il ne m'appartient pas de m'exprimer, mais ce n'était pas une caractéristique structurelle. En réalité, notre secteur a besoin d'une forte assise financière. Ce besoin est de l'ordre de 2 euros d'investissement pour un euro de chiffre d'affaires. La crise sanitaire, qui a littéralement coupé les revenus du secteur pendant plusieurs semaines et plusieurs mois, impacte forcément et fortement ces entreprises, fragilisées ou pas. Mais notre modèle économique offre tout de même une certaine flexibilité puisqu'il nous permet d'adapter notamment nos niveaux de flotte à la hausse ou à la baisse, dans des délais raisonnables, selon l'évolution de la demande.

Qu'attendez-vous de l'État français ?

Nous avons beaucoup travaillé avec le gouvernement pour que celui-ci intègre la location courte durée dans le premier périmètre des secteurs soutenus par le plan Tourisme. Dans sa première version, avant l'été, les loueurs étaient dans la liste S1bis ce qui ne leur permettait pas d'accéder aux dispositifs de soutien. La seconde version actée début octobre nous paraît plus judicieuse pour répondre aux difficultés réelles des loueurs. Nous avons beaucoup alerté les autorités. Et nous avons obtenu gain de cause. Néanmoins, nous constatons que sur le décret visant le soutien à l'activité partielle, nous ne faisons pas partie du premier périmètre contrairement à ce qui nous avait été promis. Nous espérons que le gouvernement corrige cela rapidement pour soutenir un secteur qui irrigue tout le territoire en réseau de franchisés et de petites entreprises.

Que permet ce dispositif concrètement ?

Il nous permet de bénéficier d'exonérations de charges pour certains de nos adhérents, facilite le recours à des prêts garantis par l'État, et il élargit le fonds de solidarité aux entreprises de 20 salariés. Mais il est très important que l'État prolonge également le régime d'activité partielle au même niveau que celui adopté durant la crise. Nous souhaitons que ce régime soit prolongé aussi longtemps que durera la crise sanitaire. Mais nous avons aussi d'autres revendications en cours de discussion comme la révision, voire l'annulation des redevances d'occupation de l'espace public notamment dans les zones aéroportuaires. Nous avons également émis des propositions dans le cadre du plan de relance. Mais il semblerait que nous nous dirigions désormais plutôt vers un plan de soutien de la deuxième vague.

Quelles sont vos propositions dans le cadre d'un plan de relance ?

Il y a un volet important du plan de relance pour accompagner le développement d'une mobilité plus vertueuse avec des objectifs très ambitieux en matière d'électromobilité. Typiquement, les loueurs ont un rôle important dans cette dynamique de verdissement de la flotte. Je rappelle que les loueurs achètent 12% des voitures neuves chaque année. En outre, nous sommes un moyen pour que les Français testent l'électromobilité. Nous avons également rappelé que nous avions un rôle très important à jouer pour accompagner la démotorisation des grandes agglomérations puisque les citoyens peuvent renoncer plus facilement à leur automobile s'ils peuvent avoir recours à un loueur pour des trajets ponctuels. Par définition, nous sommes le premier partageur de voitures. Une étude de l'Ademe avait démontré qu'une voiture partagée faisait économiser jusqu'à 7 voitures dans la voie publique. C'est pour accompagner cette transformation que le plan de relance doit absolument nous intégrer.

Propos recueillis par Nabil Bourassi

*Jean-Philippe Doyen est également directeur général de Sixt France

Nabil Bourassi

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Commentaires 2
à écrit le 08/11/2020 à 13:41
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De retour de Saint domingue sans permis, juste une photocopie, je me suis fait jeter par ces gens alors que j'étais parfaitement en règle. Alors qu'ils crèvent ne me fera pas pleurer

à écrit le 06/11/2020 à 10:29
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Leurs prix ne baissent pas cependant, quelle fumisterie encore cette pseudo loi de l'offre et de la demande...

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