Automobile : un confinement moins traumatique pour les constructeurs ?

Alors qu'ils portent encore les stigmates du premier confinement où les ventes se sont effondrées, les constructeurs automobiles espèrent que ce nouveau tour de vis sanitaire soit moins impactant: vente digitalisée, flexibilité de la production des usines seront-ils des moyens suffisants ? En réalité, les constructeurs craignent surtout que le marché ne se relève pas en 2021.
Nabil Bourassi
(Crédits : POOL New)

Il y a donc bien un second round pour les constructeurs automobiles... Il y eût d'abord le drame du printemps, où deux mois de confinement en France et presqu'autant dans tous les plus grands marchés européens, avait conduit à un effondrement des ventes: jusqu'à -80% sur certaines périodes. A la fin octobre, la baisse cumulée du marché du neuf en France depuis le début de l'année était d'un quart, selon l'état des lieux donné samedi par le Comité des constructeurs français d'automobile. Certes, ce chiffre cache une belle reprise à l'été, stimulée entre autres par un dispositif de relance public exceptionnel. Cette reprise devait d'ailleurs permettre aux constructeurs de sauver le second semestre. Mais hélas, le mois d'octobre s'est terminé à -10% douchant les espoirs d'une reprise dynamique et pérenne.

Aucune usine fermée pour le moment

Avec l'annonce d'un nouveau confinement, l'objectif d'un marché à -20% en 2020 est définitivement hors de portée. Le gouvernement a annoncé un confinement d'un mois, mais personne ne parie sur une levée des mesures début décembre et la plupart des constructeurs se prépare d'ores et déjà à un prolongement. Pour autant, aucun constructeur n'a encore annoncé de fermetures d'usines contrairement au printemps quand toutes les chaînes de production automobiles européennes avaient fermé du jour au lendemain.

Pour José Baghdad, spécialiste de l'industrie automobile chez PwC, la situation est en effet légèrement différente par rapport au premier confinement:

"Les constructeurs sont mieux organisés en interne, les process de télétravail sont mieux rôdés. Ils ont également réduit leurs stocks, ce qui les soulage du stress de la gestion des stocks. En outre, l'Asie n'étant pas confinée, les constructeurs ne devraient pas rencontrer les problèmes d'approvisionnements du printemps".

De même, les pays européens n'ont pas tous décrétés le confinement. Il faut donc bien continuer à exporter en Espagne, en Italie ou en Allemagne, même si ces pays ont adopté des mesures sanitaires extrêmement strictes comme des couvre-feux ou des confinements locaux comme à Madrid et dans son agglomération.

Les concessionnaires soulagés

Bien entendu, l'impact sur les ventes ne sera pas neutre, mais les constructeurs sont capables de réduire leur production. Ce sera plus facile pour un groupe comme PSA qui a des usines aux capacités de production très fortement utilisées comme Sochaux ou Mulhouse, que pour un Renault qui souffre encore de sites en fortes sous-production comme celle de Douai.

Mais dans son dispositif de confinement, le gouvernement a décidé d'être plus flexible qu'au printemps en autorisant les concessionnaires à faire du Click & Collect, c'est-à-dire à faire du retrait de marchandises sous strictes conditions et sur rendez-vous. Un "soulagement" pour les concessionnaires automobiles. Les constructeurs sont-ils pour autant prêts ? La digitalisation de la distribution automobile est une vieille marotte du secteur et qui a toujours buté sur des problématiques logistiques mais également de tensions avec les réseaux de concessionnaires. Mais d'après les experts, les constructeurs ont décidé d'accélérer avec des sites Internet beaucoup plus aboutis. Au printemps, c'était l'une des grandes forces de l'américain Tesla qui est depuis longtemps rompu aux méthodes de vente entièrement digitalisées et avec des process logistiques rôdés. La marque américaine avait alors enregistré une progression de ses ventes.

Combien de confinements ?

Mais les constructeurs ne peuvent pas se reposer sur la perspective d'un confinement plus souple et des process de production plus robustes. Ils sont contraints d'imaginer un confinement plus long, voire d'une troisième édition au printemps. Comment alors modéliser de telles perspectives pour redimensionner leur production ? José Baghdad n'est pas aussi alarmiste: "les constructeurs ont largement adopté les méthodes japonaises de flux tendus; ils vont donc réduire leur production et assumeront des délais de livraison plus longs lors de la reprise".

Selon lui, le sujet n'est désormais plus de sauver le dernier trimestre 2020... "Le mois d'octobre a été moyen, le mois de novembre sera forcément catastrophique. Mais pour les constructeurs, l'année 2020 était déjà une année noire, ils travaillent surtout à rebondir en 2021, qui sera nécessairement impactée par la crise. Il reste seulement à en connaître l'ampleur ainsi que l'incertitude sur la prolongation des mesures sanitaires. Il faudra également regarder de près la situation du pouvoir d'achat", explique le spécialiste automobile du cabinet PwC. Autrement dit, les constructeurs sont davantage préoccupés par l'absence de perspectives en 2021 que par le confinement lui-même.

Nabil Bourassi

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Commentaires 2
à écrit le 03/11/2020 à 18:38
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Attention quand même : le durcissement du confinement est d'ores et déjà prévu au-delà du 1er décembre pour un retour comme en mars dernier. La raison principale n'est pas la situation sanitaire, cette dernière n'est que le prétexte.

à écrit le 03/11/2020 à 17:26
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Comme la grande majorité des voitures "françaises" sont faites hors de France, l'impact ne sera pas si désastreux;

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