Et si, demain, l'avion commercial régional était électrique ?

Fin avril, l'E-Fan a réalisé son premier vol officiel. Développé par Airbus Group, cet avion 100 % électrique annonce une profonde révolution dans le monde de l'aéronautique.
Le premier vol officiel de l'avion-école électrique E-Fan a été salué par le ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, le 25 avril dernier, à Mérignac. / DR
Le premier vol officiel de l'avion-école électrique E-Fan a été salué par le ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, le 25 avril dernier, à Mérignac. / DR (Crédits : <small>DR</small>)

L'avion électrique, on en parlera dans les couloirs du Paris Air Forum, le premier rendez-vous des grands décideurs internationaux de la communauté aéronautique, que la La Tribune organise le 11 juillet prochain à Paris. Et pourtant, il y a encore quelques années, annoncer l'industrialisation d'un avion à propulsion électrique, même petit, aurait fait sourire... Beaucoup auraient même pris le pari que le projet n'aboutirait pas. Aujourd'hui, c'est une réalité. L'E-Fan vole et devrait être commercialisé en 2017. Aux manettes, c'est tout de même Airbus Group qui s'est allié à une petite entreprise de 10 salariés installée à Royan, Aero Composites Saintonge (ACS), pour relever ce défi, lancé en 2011.

« C'est un projet un peu fou », reconnaît Francis Deborde, fondateur d'ACS, qui vient de PSA, où il travaillait sur les moteurs hybrides et électriques.

L'E-Fan avait déjà été dévoilé au Salon aéronautique du Bourget en 2013, mais il ne s'agissait que de sa « coquille », sans démonstration. Cette fois, avec ce premier vol officiel en avril dernier, le projet prend forme. « C'est en réalité le 23e vol », précise Didier Esteyne, son pilote et directeur technique à ACS. Pour l'occasion, des journalistes étrangers avaient même fait le déplacement.

À première vue, il ne paie pas de mine, 6,7 mètres de long, 9,5 mètres de large et 550 kg. Mais, c'est un petit bijou de technologie, en fibre de carbone et propulsé par deux moteurs de 60 kW chacun, alimentés par des batteries au lithium-ion polymère de 250 volts. Côté puissance, il n'a rien à envier à ses concurrents « thermiques ». L'E-Fan peut voler jusqu'à 220 km/h. Sa vitesse de croisière se situe à 160 km/h. Le plus étonnant, c'est qu'au décollage, il ne fait pas plus de bruit qu'un sèche-cheveux. Côté pilotage, les sensations semblent bonnes.

« On fait voler un E-Fan exactement comme un autre avion, avec des capacités de réaction, donc de sécurité, totalement identiques à un autre appareil », assure le pilote.

Le processus de certification est lancé et en bonne voie, dans la mesure où l'E-Fan est réalisé avec le soutien de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Mais qui va acheter un tel avion ? En réalité, le marché de l'E-Fan est gigantesque. Il est destiné à devenir un avion-école dans les aérodromes.

« Dans le monde, il va falloir former 650.000 jeunes dans les vingt prochaines années », met en avant Jean Botti, le directeur général délégué technologie et innovation d'Airbus Group.

Et, pour cela, il faudra 21.000 nouveaux avions-écoles. Airbus espère capter 10% de ce marché mondial. L'E-Fan a un avantage de poids pour séduire : son prix. Selon Airbus Group, une heure d'instruction sur E-Fan pourrait descendre sous les 100 euros, contre 120 en moyenne sur les avions à motorisation thermique. Et, une heure de vol, ce sera la capacité maximale d'autonomie de ses batteries en 2017, ce qui correspond à la durée moyenne des vols des avions-écoles. Autre atout, il y a moins d'entretien que sur un avion classique. Par ailleurs, « nous n'avons aucun concurrent direct », précise Francis Deborde.

Siemens, Diamond Aircraft et Rolls-Roys de la partie

Les premiers E-Fan devraient sortir de leur usine d'assemblage, tout près de l'aéroport de Mérignac, dans l'agglomération de Bordeaux, en 2017. Entre 40 et 80 avions seront produits par an. Ce qui devrait amener la création de 350 emplois indirects locaux. L'EFan est appelé à évoluer et existe déjà en deux versions. Le prototype, l'E-Fan 1, comporte deux sièges en tandem, l'E-Fan 2, qui sera commercialisé, est doté, lui, de deux sièges côte à côte. L'E-Fan 4, à propulsion hybride, en cours de conception, va encore ouvrir de nouvelles voies. Il sera doté de quatre sièges et d'une autonomie de plus de trois heures.

Le programme est ambitieux, car Airbus n'entend pas s'arrêter à l'avion-école.

« L'objectif est de construire dans les vingt-cinq ans un avion régional hybride de 90 places avec une autonomie de vol de trois heures », dévoile Jean Botti.

« C'est un avion qui pourrait voyager de nuit sans perturber les riverains », met-il en avant.

Il s'agit d'un projet européen, baptisé « e-thrust », en partenariat avec Siemens, Rolls-Royce et Diamond Aircraft... Le banc d'essais, qui devrait être opérationnel en 2017, sera installé en Allemagne, à Ottobrunn. Mais, avant de devenir un avion commercial, il faudra résoudre l'éternel problème des batteries, qu'il va falloir miniaturiser.

« La complexité, c'est de dessiner un avion en y intégrant des batteries, qui pèsent lourd. Dès lors qu'on rajoute des kilos, on perd de l'autonomie », résume Francis Deborde.

Or, aujourd'hui, pour avoir l'énergie apportée par 1 kg d'essence, il faut 30 kg de batteries. Airbus va mettre les moyens pour y parvenir, car l'enjeu est de taille.

« Depuis 1999, le prix du kérosène a triplé », rappelle Tom Enders, le patron d'Airbus Group. En outre, la réduction des émissions des gaz à effet de serre et la diminution du bruit sont les défis de demain pour l'aviation civile.

« Je suis sûr que l'E-Fan aura une longue carrière », lance Jean Botti.

En tout cas, ce n'est pas une initiative isolée. Il y a une tendance de fond. À titre expérimental, le groupe Safran vient de concevoir, avec Honeywell, un train d'atterrissage à moteurs électriques, l'EGTS (Electric Green Taxiing System), pour un Airbus A320.

Un système qui pourrait permettre de substantielles économies de carburant. Par ailleurs, les Suisses Bertrand Piccard et André Borschberg, avec l'École polytechnique fédérale de Lausanne, ont conçu le Solar Impulse, un avion qui vole grâce à des panneaux solaires. En 2015, ils vont essayer de faire un tour du monde avec, en plusieurs étapes. À ce jour, il fait la taille d'un gros Airbus, mais ne peut embarquer qu'un seul passager...

La révolution écologique est en marche dans l'aéronautique.

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Retrouvez les analyses des intervenants du forum de l'aéronautique civil et militaire, le Paris Air Forum, qui se déroulera le 11 juillet prochain.

 

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Commentaires 6
à écrit le 07/07/2014 à 17:43
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"« Depuis 1999, le prix du kérosène a triplé », rappelle Tom Enders, le patron d'Airbus Group. La question est pourquoi? Parce que la demande a augmenté dans le monde et que les réserves s'épuisent chaque jour un peu plus depuis que nous avons attein...

à écrit le 07/07/2014 à 17:36
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Du foutage de gueule à ce niveau, faut quand même oser!

à écrit le 25/06/2014 à 20:43
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Ne pensez surtout pas à l'hydrogène, trop léger, l'avion pourrait s'envoler tout seul. Au moins avec quelques tonnes de batteries, il restera sagement au sol.

à écrit le 24/06/2014 à 21:04
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Projet complètement bidon mais qui fait du buzz!!

à écrit le 24/06/2014 à 15:04
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On se demande bien en quoi un avion aux batteries ultra-polluantes, rechargées principalement à l'électricité nucléaire (mines d'uranium, rejets, déchets radioactifs, voire catastrophes...) serait "écologique" !!!!

à écrit le 24/06/2014 à 13:10
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Good job

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